Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DES_4/DES405
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES INÉDITES
1860
FOI
QUAND JE PENSE À MA MÈRE
Ma mère est dans les cieux, | les pauvres l’ont bénie ; 6+6 a
Ma mère était partout | la grâce et l’harmonie. 6+6 a
Jusque sur ses pieds blancs, | sa chevelure d’or 6+6 a
Ruisselait comme l’eau. | Dieu ! j’en tressaille encor ! 6+6 a
5 Et quand on disait d’elle : | « Allons voir la Madone, » 6+6 a
Un orgueil m’enlevait, | que le ciel me pardonne ! 6+6 a
Ce tendre orgueil d’enfant, | ciel ! pardonnez-le-nous : 6+6 a
L’enfant était si bien | dans ses chastes genoux ! 6+6 a
C’est là que j’ai puisé | la foi passionnée 6+6 a
10 Dont sa famille errante | est toute sillonnée. 6+6 a
Mais jamais ma jeune âme | en regardant ses yeux, 6+6 a
Ses doux yeux même en pleurs, | n’a pu croire qu’aux cieux ! 6+6 a
Et quand je rêve d’elle | avec sa voix sonore. 6+6 a
C’est au-dessus de nous | que je l’entends encore. 6+6 a
15 Oui, vainement ma mère | avait peur de l’enfer, 6+6 a
Ses doux yeux, ses yeux bleus | n’étaient qu’un ciel ouvert. 6+6 a
Oui, Rubeus eut choisi | sa beauté savoureuse 6+6 a
Pour montrer aux mortels | la vierge bienheureuse. 6+6 a
Sa belle ombre qui passe | à travers tous mes jours, 6+6 a
20 Lorsque je vais tomber | me relève toujours. 6+6 a
Toujours, entre le monde | et ma tristesse amère. 6+6 a
Pour m’aider à monter | je vois monter ma mère ! 6+6 a
Ah ! l’on ne revient pas | de quelque horrible lieu, 6+6 a
Et si tendre, et si mère, | et si semblable à Dieu ! 6+6 a
25 On ne vient que d’en-haut | si prompte et si charmante 6+6 a
Apaiser son enfant | dont l’âme se lamente. 6+6 a
Et je voudrais lui rendre | aussi l’enfant vermeil 6+6 a
La suivant au jardin | sous l’ombre et le soleil ; 6+6 a
Ou, couchée à ses pieds, | sage petite fille, 6+6 a
30 La regardant filer | pour l’heureuse famille. 6+6 a
Je voudrais, tout un jour | oubliant nos malheurs, 6+6 a
La contempler vivante | au milieu de ses fleurs ! 6+6 a
Je voudrais, dans sa main | qui travaille et qui donne, 6+6 a
Pour ce pauvre qui passe | aller puiser l’aumône. 6+6 a
35 Non, Seigneur ! sa beauté, | si touchante ici-bas, 6+6 a
De votre paradis | vous ne l’exilez pas ! 6+6 a
Ce soutien des petits, | cette grâce fervente 6+6 a
Pour guider ses enfants | si forte, si savante, 6+6 a
Vous l’avez rappelée | où vos meilleurs enfants 6+6 a
40 Respirent à jamais | de nos jours étouffants. 6+6 a
Mais moi je la voulais | pour une longue vie 6+6 a
Avec nous et par nous | honorée et suivie, 6+6 a
Comme un astre éternel | qui luit sans s’égarer 6+6 a
Que des astres naissants | suivent pour s’éclairer. 6+6 a
45 Je voulais jour par jour, | adorante et naïve, 6+6 a
Vous contempler, Seigneur, | dans cette clarté vive… 6+6 a
Elle a passé ! Depuis, | mon sort tremble toujours, 6+6 a
Et je n’ai plus de mère | où s’attachent mes jours. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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