Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DES_4/DES398
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES INÉDITES
1860
FAMILLE
DEUX MÈRES
À Caroline Branchu.
Une femme pleurait des pleurs d’une autre femme ; 6+6 a
Elles ont leurs secrets qu’elles plaignent toujours. 6+6 b
Celle qui regardait reconnaissait son âme : 6+6 a
Aux plus tendres, dit-on, les plus tristes amours ! 6+6 b
5 L’enfant s’était enfui du toit de la plus pâle ; 6+6 c
Le père avait crié : « Qu’il ne revienne pas ! » 6+6 d
Et la mère, essayant ce ton sévère et mâle, 6+6 c
S’efforçait de crier : « Qu’il ne revienne… » hélas ! 6+6 d
L’autre saisit ses mains, commandant le silence, 6+6 a
10 Comme on fait au malade aigri qui veut mourir ; 6+6 b
Puis, soulageant ce cœur frappé d’un coup de lance. 6+6 a
Lui dit ces mots sans art pour l’aider à guérir : 6+6 b
Lorsque Dieu descend sur la terre, 8 a
Il se cache au cœur d’une mère. 8 a
15 En regardant rouler nos flots, 8 a
Penché sur ce monde qu’il aime, 8 b
Jésus, triste au fond du ciel même, 8 b
Retrouve ses divins sanglots. 8 a
Alors, s’il revient sur la terre, 8 a
20 Il se cache au cœur d’une mère. 8 a
Lorsque par un volage enfant 8 a
Une tendre femme offensée 8 b
N’ose dire qui l’a blessée. 8 b
C’est que Jésus le lui défend : 8 a
25 Car il est toujours sur la terre 8 a
Caché dans le cœur d’une mère. 8 a
L’enfant par le monde égaré 8 a
Revient-il, tout las de ses charmes. 8 b
Un cœur plein d’amour et de larmes 8 b
30 Se rouvre au transfuge adoré. 8 a
Car Jésus l’attend sur la terre, 8 a
Caché dans le cœur d’une mère. 8 a
Durant ce doux conseil que buvait sa douleur, 6+6 a
L’écouteuse essuyait deux larmes incessantes ; 6+6 b
35 Elle voyait l’espoir passer dans son malheur ; 6+6 a
Elle voyait la mer aux vagues blanchissantes ; 6+6 b
Elle voyait l’enfant emporté sur les flots, 6+6 c
Et la foi dans son sein refoulait ses sanglots. 6+6 c
Au bord de son oreille elle entendait : « Courage ! » 6+6 d
40 Alors elle ceignit son manteau de voyage, 6+6 d
Et ses longs yeux de mère interrogeant les cieux, 6+6 e
Demandèrent sa route aux vents silencieux. 6+6 e
Il se fit un grand calme au fond de sa blessure ; 6+6 a
On eût dit qu’on l’aidait tant sa marche était sûre ; 6+6 a
45 Et, se laissant glisser sous la pluie et le vent. 6+6 b
Elle jeta son âme au Dieu de son enfant : 6+6 b
— « Quand les autres m’ont accablée, 8 a
Seigneur, vous m’avez consolée ! 8 a
Je marcherai donc devant moi. 8 b
50 Pleine d’amour, pleine de foi ; 8 b
L’orage est en vain sur ma tête, 8 a
Vous me parlez dans la tempête ; 8 a
Elle menace et Dieu défend : 8 b
Dieu ! guidez-moi vers mon enfant. 8 b
55 « Vous êtes le soutien des mères. 8 a
Le vengeur des larmes amères ; 8 a
On m’a dérobé mon trésor. 8 b
Mais vous me le gardez encor. 8 b
Dieu ! vous en êtes le seul maître, 8 a
60 Et vous le ferez bien connaître : 8 a
Par votre foi qui me défend, 8 b
Dieu ! guidez-moi vers mon enfant ! » 8 b
Et plus tard l’autre mère à sa fenêtre assise 6+6 a
Tressaillit tout à coup d’une sainte surprise : 6+6 a
65 Elle voyait venir en lui tendant la main 6+6 b
Une humble voyageuse empressée au chemin. 6+6 b
Sous une tiède lune aux errants favorable, 6+6 a
Lui montrant de ses pleurs le salaire adorable ; 6+6 a
Car un manteau de bure entr’ouvert par le vent 6+6 b
70 Abritait embrassés la mère avec l’enfant ! 6+6 b
De Boulogne, au bord de la mer.
mètre profils métriques : 8, 6+6
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