Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DES_4/DES373
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES INÉDITES
1860
AMOUR
LA JEUNE COMÉDIENNE
À FONTENAY-LES-ROSES
Légère, on la portait !C’était comme une fête ; 6+6 a
Chaque fleur, pour la voir,semblait lever la tête ; 6+6 a
Le soleil, à pleins feux,ruisselait dans les champs ; 6+6 b
Une église allumaitses flambeaux et ses chants ; 6+6 b
5 Les cieux resplendissaientsans nuage, sans blâme ; 6+6 a
De la morte charmanteils laissaient passer l’âme. 6+6 a
Et les hommes en basmarchaient silencieux, 6+6 b
La rêverie au cœuret l’espérance aux yeux. 6+6 b
Plus loin, des moissonneurspenchés sur leur faucille, 6+6 a
10 Devinaient et plaignaientce poids de jeune fille 6+6 a
Au deuil blanc ; car, presséde vivre et de souffrir, 6+6 b
L’homme partout s’attardeà regarder mourir. 6+6 b
Jamais le mois brûlantn’avait vu tant de roses ! 6+6 a
Pour de plus doux emploiselles semblaient écloses. 6+6 a
15 Le chemin les jetaitsous les pieds de l’enfant 6+6 b
Couché, qu’on enlevaitde ce sol triomphant. 6+6 b
Cet immobile enfantvenait d’être Laurence, 6+6 a
Que sa crédule mèreappelait Espérance. 6+6 a
Oui, la mère est créduleen regardant le jour 6+6 b
20 Flotter au fond des yeuxde l’enfant, son amour ! 6+6 b
C’est trop peu d’une vieà cette âme qui s’ouvre : 6+6 a
C’est une éternitéque la mère y découvre. 6+6 a
L’éternité fuyaitpour ne plus revenir ; 6+6 b
Laurence avait changéde route et d’avenir. 6+6 b
25 La veille elle avait dit :« Six vierges couronnées, 6+6 a
« Dont les âmes au malne se sont pas données, 6+6 a
« Demain, le long des bleds,mèneront le convoi, 6+6 b
« Tendront mon dernier voileet prieront Dieu pour moi. 6+6 b
« Pour moi, s’il est un coin,parmi les hautes herbes, 6+6 a
30 « Que ne visitent pasles charités superbes, 6+6 a
« Un coin vert, jamaison n’entend rien gémir, 6+6 b
« J’y voudrais bien aller !j’y voudrais bien dormir ! 6+6 b
« S’il vous plt, qu’on m’y porte !Il me faut du silence ; 6+6 a
« Un saule au doux frisson,que l’air baigne et balance. 6+6 a
35 « Sur nous, si Dieu le veut,l’aurore passera, 6+6 b
« Et parmi le vent fraisl’oiseau seul chantera. 6+6 b
« Tant de bruits sur la terreont étourdi mon âme ! 6+6 a
« Oui, c’est une pitiéd’y ntre pauvre et femme. 6+6 a
« Ne me démentez pas,corrupteurs… ah ! pardon ! 6+6 b
40 « Vivez ! j’ai pris sur moila faute et l’abandon. 6+6 b
« J’ai bien assez souffertpour que Dieu vous pardonne ! 6+6 a
« Vivez : tous mes pardonsà moi, je vous les donne. 6+6 a
« Mais si quelque autre enfantla voix pleine de pleurs 6+6 b
« Vient chanter devant vous,ne souillez plus ses fleurs. 6+6 b
45 « Paix ! Éloignez d’icicette musique affreuse 6+6 a
« Fermez tout… là, c’est bien.Ô Vierge généreuse, 6+6 a
« Je ne veux plus entendreet regarder que vous : 6+6 b
« Oh ! que vous êtes calme !Oh ! que vous suivre est doux !… » 6+6 b
Puis elle regardafixe et droit devant elle, 6+6 a
50 Tandis que de ses yeuxla mémoire infidèle 6+6 a
S’effaçait, comme on voit,aux approches du soir, 6+6 b
Par degrés se ternirles clartés d’un miroir. 6+6 b
Un sourire y passa,mais un sourire étrange : 6+6 a
On t dit qu’auprès d’elleinvisible, un autre ange 6+6 a
55 Détournait de sa bouche, la vie hésitait, 6+6 b
Une coupe inutileà l’espoir qui mentait. 6+6 b
— « Non, je ne veux plus boire ;assez, cria Laurence, 6+6 a
« Assez, je n’ai plus soif.» Et tout devint silence. 6+6 a
Les pauvres, sur leurs doigts,comptaient ses jeunes jours 6+6 b
60 Disant qu’elle était sainte,ayant donné toujours. 6+6 b
Toujours elle donnait,cette belle indigente, 6+6 a
Madeleine insultéeet comme elle indulgente. 6+6 a
Dans son rêve fuyantsillonné d’un peu d’or, 6+6 b
Elle étendait les mainscroyant donner encor. 6+6 b
65 Mais quoi, le rossignolsoulevé dans la brise 6+6 a
S’en retournait à Dieupar l’arceau d’une église, 6+6 a
Et sous tant de bouquetsjetés sur son départ, 6+6 b
Seul, de tout ce printemps,ne prenait plus sa part. 6+6 b
Et comme s’en allaitce lumineux cortège, 6+6 a
70 En chantant : « Que le Dieuqui mourut la protège ! ». 6+6 a
Prise d’un souvenirqui me serrait la voix, 6+6 b
Je criai, sans parler :« Qu’est-ce donc que je vois ! » 6+6 b
Alors, posant ma main la douleur s’élance, 6+6 a
Je ressentis au cœurcomme un grand coup de lance, 6+6 a
75 Tel que le recevratout pauvre cœur humain 6+6 b
Devant ces corps d’enfanttombés par le chemin. 6+6 b
Appelant par son nomla douce pardonnée. 6+6 a
Presque sans le vouloirje marchais consternée, 6+6 a
Puis, rêvant son front pâleet naguère adoré, 6+6 b
80 La force abandonnamon corps,… et je pleurai. 6+6 b
Pourtant, l’atome ailédont le vol se déploie 6+6 a
Traçait au fond de l’airmille cercles de joie. 6+6 a
L’hirondelle au bec noiracclamait son retour ; 6+6 b
Le cri des coqs lointainssonnait l’heure et l’amour ; 6+6 b
85 Là bas, des ramiers blancsflottaient à longues voiles 6+6 a
Et semblaient, en plein jour,de filantes étoiles ; 6+6 a
L’arrêt n’avait frappéque sur un jeune sort 6+6 b
Qui, soumis, s’éteignaitsous les doigts de la mort. 6+6 b
Dans ce grand requiemformé parla nature. 6+6 a
90 Six voix d’enfants poussaientleurs élans sans culture 6+6 a
Au fond des bois ombreuxmille oiseaux s’ébattaient, 6+6 b
Et l’on t dit au loinque les arbres chantaient. 6+6 b
Quand la nuit s’étenditsur l’ardent paysage, 6+6 a
Quand tout bruit s’effaça,l’astre au tendre visage 6+6 a
95 Vers une croix nouvelleallongea ses fils d’or 6+6 b
Comme un baiser de mèreà son enfant qui dort. 6+6 b
Dormez, dormez, jeunesse,apaisez vos orages ! 6+6 a
Que tout vous soit repossous ces chastes ombrages ! 6+6 a
Nuls vices ne viendrontvous tenter en ce lieu ; 6+6 b
100 Germez dans l’espérance,et laissez faire à Dieu ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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