Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DES_3/DES315
Marceline DESBORDES-VALMORE
BOUQUETS ET PRIÈRES
1843
LE DIMANCHE DES RAMEAUX
Jour cher au pèlerin qui demande sa voie ; 6+6 a
Dont l'aube, atout calvaire, allume un peu de joie ; 6+6 a
Beau jour ! où les enfans, des rameaux dans leurs mains, 6+6 b
Se promènent bénis entre tous les humains, 6+6 b
5 Affairés et contens de parcourir les rues ; 6+6 a
Rapportant au foyer leurs richesses accrues ! 6+6 a
Ce jour-là je cherchais aussi le rameau vert, 6+6 b
Pour appuyer mon sort tout penché de l'hiver : 6+6 b
J'avançais, je marchais de tristesse éblouie, 6+6 a
10 Tantôt sous le soleil et tantôt sous la pluie, 6+6 a
Attirée à l'éclat des cierges allumés, 6+6 b
Qui prêtent tant de grâce à nos rites aimés ! 6+6 b
De sonores enfans les stalles étaient pleines, 6+6 a
Qui roulaient dans la nef d'innocentes haleines ; 6+6 a
15 Et Dieu seul entendit une plus humble voix 6+6 b
Qui chantait dans la foule et pleurait à la fois : 6+6 b
« Par le vent de l'exil de partout balayée, 6+6 a
Vraiment, je ne sais plus où je suis envoyée : 6+6 a
Oh ! les arbres du moins ont du temps pour fleurir, 6+6 b
20 Pour répandre leurs fruits, pour monter, pour mourir ; 6+6 b
Moi, je n'ai pas le temps. Ma tâche est trop pressée : 6+6 a
Dieu ! laissez-moi goûter la halte commencée ; 6+6 a
Dieu ! laissez-moi m'asseoir à l'ombre du chemin ; 6+6 b
Mes enfans à mes pieds et mon front dans ma main, 6+6 b
25 Je ne peux plus marcher. Je viens… j'ai vu… je tombe. 6+6 a
Je n'ai pris qu'une fleur là-haut sur une tombe, 6+6 a
Des chapelets bénis pour ceux que nous aimons, 6+6 b
Et j'ai blessé mes pieds aux cailloux des grands monts. 6+6 b
Dieu ! si je suis l'oiseau rasant la terre et l'onde, 6+6 a
30 Laissez-moi de mon fils presser la tête blonde ; 6+6 a
Mon fils ! grandi sans moi qui l'ai fait tout amour, 6+6 b
Sans moi, qui lui donnai tant d'âme avec le jour ! 6+6 b
Dieu des faibles, mon Dieu ! si je suis votre fille, 6+6 a
Relevez mon passé dans ma jeune famille : 6+6 a
35 À mes tendres terreurs ne donnez pas raison ; 6+6 b
Laissez-nous dans un port contempler l'horizon ; 6+6 b
Dans ma précoce nuit allumez une aurore ; 6+6 a
Défendez aux chemins de m'emmener encore ; 6+6 a
Marquez de votre doigt une place pour nous, 6+6 b
40 Et ralliez le père aux enfans à genoux ! » 6+6 b
L'orgue se tut : l'église éteignit sa lumière ; 6+6 a
Ma pensée en mon sein retomba prisonnière : 6+6 a
Mais je ne sais quel charme en coulant à mon cœur, 6+6 b
L'inonda de l'espoir qui brûlait dans le chœur. 6+6 b
45 Un vieillard me donna, tout ruisselant d'eau sainte, 6+6 a
L'un des mille rameaux dont verdoyait l'enceinte, 6+6 a
Et riche de ce buis qui riait dans ma main, 6+6 b
Du monde et de l'hiver je repris le chemin. 6+6 b
On eût dit qu'avec moi cheminait une amie, 6+6 a
50 La foi ! toute éveillée et toute raffermie ! 6+6 a
Pendant que ses lueurs sillonnaient ma raison, 6+6 b
J'entendis devant moi s'ouvrir une maison ; 6+6 b
Puis le maître apparut qui, me voyant plus pâle, 6+6 a
Et de mon front plus triste interrogeant le hâle, 6+6 a
55 Me demanda mon sort et s'il ne pouvait pas, 6+6 b
Comme en des temps meilleurs, guider encor mes pas ; 6+6 b
Si je partais toujours ; si la belle patrie 6+6 a
Ne m'aimait pas enfin de l'avoir tant chérie ! 6+6 a
Si l'Ange du voyage avait quitté mon seuil, 6+6 b
60 Et si pour moi la vie avait un doux accueil. » 6+6 b
Émue à cette voix qui plaint et qui protège, 6+6 a
J'écoutais ce pouvoir sans faste et sans cortège : 6+6 a
Mais la foule survint ; la foule méfait peur ; 6+6 b
Elle cherchait sa gloire, et j'écoutais son cœur. 6+6 b
65 Cédant au flot croissant la grille entre-fermée, 6+6 a
J'ai consacré d'un vœu cette demeure aimée ; 6+6 a
Et par-dessus les murs où rentrait l'amitié, 6+6 b
De mon rameau béni j'ai jeté la moitié. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université