Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DES_3/DES314
Marceline DESBORDES-VALMORE
BOUQUETS ET PRIÈRES
1843
UNE HALTE SUR LE SIMPLON
À PAULINE DUCHAMBGE
C'était l'heure des montsles géantes structures, 6+6 a
Forment aux yeux erransde bizarres sculptures ; 6+6 a
Des couvents sans vitrauxet des clochers sans voix ; 6+6 b
Des saints agenouillésaux lisières des bois ; 6+6 b
5 Des anges fatiguéset reposant leurs ailes, 6+6 a
Sur les créneaux trouésde célestes tourelles : 6+6 a
L'heure flotte le rêveet par monts et par vaux, 6+6 b
Également bercédans le pas des chevaux. 6+6 b
C'était triste, mais grand !désert, mais plein de charmes ! 6+6 a
10 L'eau, filtrante au rocher,faisait un bruit de larmes ; 6+6 a
L'étoile, dans le lacse creusant un miroir, 6+6 b
Rayonnait, on l't dit,de l'orgueil de se voir. 6+6 b
De ces palais ouverts,sans gardiens, sans serrures, 6+6 a
La lune illuminaitles pompeuses parures ; 6+6 a
15 Et sa lampe éternelle,aux reflets purs et blancs, 6+6 b
Montrait les profondeursaux pèlerins tremblans. 6+6 b
Ce soir-là tout aimait,tout s'empressait de vivre ; 6+6 a
Tout faisait les honneursdes chemins doux à suivre : 6+6 a
L'océan de la nuitse balançait dans l'air ; 6+6 b
20 Pas un souffle inclément,enfin ! pas un éclair 6+6 b
N'agitait des aiglonsles aires toutes pleines, 6+6 a
Et les fleurs se parlaient :le bruit de leurs haleines, 6+6 a
Dans l'herbe, ressemblaità des baisers d'enfans 6+6 b
Qui s'embrassent entre eux,rieurs et triomphans. 6+6 b
25 Là, j'avais dit aux miens,j'avais dit à moi-même : 6+6 a
« Dieu qui nous a vouésaux départs, Dieu nous aime ; 6+6 a
Il enlace nos jourset les mains dans les mains, 6+6 b
Nous refait de l'espoiraux douteux lendemains. » 6+6 b
Descendue en courantde l'ardente Italie, 6+6 a
30 Cette porte du cielqui jamais ne s'oublie, 6+6 a
De chants et de parfumstout inondée encor, 6+6 b
Et les cils emmêlésde ses longs rayons d'or, 6+6 b
Prise aux jours qui s'en vont,que l'âme seule écoute, 6+6 a
Dont les échos peansentrecoupaient ma route ; 6+6 a
35 Des lointains rapprochésles indicibles voix, 6+6 b
Me criaient : « vas-tutransir comme autrefois ? 6+6 b
Quel soleil sécheraton vol trempé d'orage, 6+6 a
Me à peine échappéeà ton dernier naufrage ; 6+6 a
Pauvre âme ! t'en vas-tu,qui ne te souviens pas 6+6 b
40 De ton aile blesséeet trnante ici-bas. 6+6 b
Viens t'asseoir, viens chanter,viens dormir dans nos brises, 6+6 a
Viens prier dans nos braspleins d'encens, pleins d'églises. 6+6 a
Viens ranimer ton souffleau bruit calmant de l'eau, 6+6 b
Au cri d'une cigaleà travers le bouleau. 6+6 b
45 Viens voir la vigne antiqueà l'air seul attachée, 6+6 a
Le sein toujours gonfléd'une grappe cachée, 6+6 a
Étendant follementses longs bras vers ses sœurs, 6+6 b
Bacchantes sans reposappelant les danseurs. 6+6 b
Viens les joncs et l'onde le roseau se mire, 6+6 a
50 Poussent, en se heurtant,de frais éclats de rire ; 6+6 a
Viens : tu les sentiras,par leurs frissons charmans, 6+6 b
De l'attente qui brûleamollir les tourmens. 6+6 b
Viens, viens ! Naples t'inviteà ses nuits de guitares ; 6+6 a
Chaque arbre plein d'oiseauxt'appelle à ses fanfares. 6+6 a
55 Viens, viens ! nos cieux sont beaux,même à travers des pleurs ; 6+6 b
Viens ! toi qui tends aux cieuxpar tes cris de douleurs ; 6+6 b
Apprends à les chanterpour voler plus haut qu'elles : 6+6 a
À force de montertu referas tes ailes ! 6+6 a
On monte, on monte icitoujours. Nos monumens 6+6 b
60 Emportent la penséeau front des élémens » 6+6 b
Le feu se mêle à l'airet rend les voix brûlantes ; 6+6 a
L'air à son tour s'infiltreaux chaleurs accablantes ; 6+6 a
Ici Paganinifit ses concerts à Dieu ; 6+6 b
Son nom, cygne flottant,frôle encor chaque lieu : 6+6 b
65 Posant aux nids nouveauxses mains harmonieuses, 6+6 a
Tu l'entendras jouerdans nos nuits lumineuses, 6+6 a
son âme fut jeune,il aime à l'envoyer, 6+6 b
Et c'est en haut de toutqu'elle vient s'appuyer. » 6+6 b
Ce nom me fit pleurercomme un chant sous un voile, 6+6 a
70 brille et dispartle regard d'une étoile : 6+6 a
Alors tout le passéressaisissant ma main, 6+6 b
Des jets du souvenirinonda mon chemin. 6+6 b
Paganini ! doux nomqui bats sur ma mémoire, 6+6 a
Et comme une aile d'angeas réveillé mon cœur, 6+6 b
75  Doux nom qui pleures, qui dis gloire, 8 a
 Échappé du céleste chœur ; 8 b
Tous les baisers du cielsont dans ton harmonie, 6+6 c
Doux nom ! belle auréoleéclairant le génie ; 6+6 c
Tu bondis de musiqueattaché sur ses jours ; 6+6 d
80 Tu baptisas son âme :oh ! tu vivras toujours ! 6+6 d
Et l'écho reprenait :« Nos tièdes solitudes 6+6 a
Endorment votre Adolpheà ses inquiétudes ; 6+6 a
Et dans ce cœur maladeà force de brûler, 6+6 b
Nous versons l'hymne sainteet prompte à consoler. 6+6 b
85 Noble artiste au front d'ange,à la beauté divine, 6+6 a
Qui devina des cieuxtout ce qu'on en devine, 6+6 a
Sous ses mains, comme toi,s'il a caché des pleurs, 6+6 b
C'est de nous qu'il attendet qu'il obtient des fleurs ! » 6+6 b
Te voilà donc heureux,jeune homme aux lèvres pures ; 6+6 a
90 Incliné dès l'enfanceà de saintes cultures ; 6+6 a
Qui n'as chanté l'amourqu'en l'adressant au ciel, 6+6 b
Et n'y pus supporterune goutte de fiel ! 6+6 b
Te voilà donc heureux !Je bénis l'Italie : 6+6 a
Elle a penché l'oreilleà ta mélancolie ; 6+6 a
95 Elle a, dans l'un de nous,payé pour ses enfans, 6+6 b
Que Paris fit toujoursriches et triomphans ! 6+6 b
Quand tu redescendrasvers ta blonde famille, 6+6 a
Par ces carrefours verts la Madone brille, 6+6 a
la lune répandd'éclairantes frcheurs 6+6 b
100 Sur les fronts altérésdes pauvres voyageurs ; 6+6 b
le gaz argentéde cette humide lampe, 6+6 a
Des tournantes hauteursfrappe la vaste rampe, 6+6 a
Si la cascade, ainsique de profonds sanglots, 6+6 b
Sur tes pieds ramenéslaisse rouler ses flots ; 6+6 b
105 Si l'espoir qui bruit,au fond de la chapelle, 6+6 a
Comme un pur filet d'eaute salue et t'appelle ; 6+6 a
Oh ! viens-y respirer,d'une profonde foi, 6+6 b
Les bouquets qu'en passantnous y laissons pour toi. 6+6 b
Rien n'est bon que d'aimer,rien n'est doux que de croire, 6+6 a
110 Que d'entendre la nuit,solitaire en sa gloire, 6+6 a
Accorder sur les montsses sublimes concerts, 6+6 b
Pour les épandre aux cieux,qui ne sont pas déserts ! 6+6 b
Nous venions de franchirl'effroi de deux abîmes, 6+6 a
des cheveux divinsvous suspendent aux cimes ; 6+6 a
115 le tronc d'un vieux arbreest le seul pont jeté 6+6 b
Entre l'âme qui passeet son éternité ; 6+6 b
l'on ferme les yeuxsur la pente rapide, 6+6 a
Pour n'y pas voir roulerquelqu'enfant intrépide, 6+6 a
Qui vous échappe et court,et vous offre une fleur, 6+6 b
120 Quand vous l'atteignez, vous,sans voix et sans couleur. 6+6 b
Et nous gtions du soirla suave magie, 6+6 a
Tempérant de l'étéla brûlante énergie ; 6+6 a
Oubliant (nous voulionsl'oublier) les serpens 6+6 b
Que nous venions de fuirsi bas et si rampans. 6+6 b
125 Pas un n'avait atteintle cœur. Anges fidèles, 6+6 a
Mes deux filles si hautm'enlevaient dans leurs ailes ! 6+6 a
Ces deux étoiles d'orbrillaient au front des vents, 6+6 b
Et j'avais du courage :il est dans nos enfans. 6+6 b
Adolphe, quand des tiensla riante cohorte, 6+6 a
130 Comme six séraphinsassailleront ta porte, 6+6 a
Oh ! ne les quitte plus ;oh ! rends-leur à toujours 6+6 b
Leur mère, couronnéeavec ses sept amours ! 6+6 b
Mais ce cri, qui deux foisa traversé l'espace, 6+6 a
Est-ce quelqu'âme à nousqui nous nomme et qui passe ; 6+6 a
135 Que ne peuvent toucherni nos mains ni nos yeux, 6+6 b
Et qui veut nous étreindreen s'envolant aux cieux ? 6+6 b
Ondine ! éveille-toiMais non, dormez encore ; 6+6 a
Ce n'est pas de Nourritla voix pleine et sonore ; 6+6 a
Nous avons rendez-vousen France : ainsi, dormez, 6+6 b
140 Dormez, enfans ; rêvezà ceux que vous aimez ! 6+6 b
Sous mon fardeau de mèreet mes liens de femme, 6+6 a
Plus près du ciel ainsije vivais dans mon âme, 6+6 a
Quand le sort qui tournaitpoussa cette clameur : 6+6 b
 Votre Adolphe se meurt… 6 b
145 Il est mort : Pour saisirl'illusion perdue, 6+6 a
Son âme s'est jetéeà travers l'étendue ; 6+6 a
Son âme qui souffrait,oubliant sa hauteur, 6+6 b
D'une tache de sanga terni sa blancheur ! 6+6 b
Elle voulait dormirà son foyer tranquille, 6+6 a
150 Et caresser sa mère,et saluer la ville, 6+6 a
ses hymnes d'adieuretentissent encor ; 6+6 b
Dont le nom l'appelaitd'un suppliant accord. 6+6 b
À des berceaux lointainselle voulait s'abattre, 6+6 a
Et chanter au milieud'enfans, troupe folâtre, 6+6 a
155 Qui l'attirait tout baset lui soufflait des fleurs, 6+6 b
Et des baisers, si fraisaux brûlantes douleurs ! 6+6 b
Le malade songeaitqu'il lui venait des ailes ; 6+6 a
Un rêve couronnéd'ardentes étincelles, 6+6 a
L'a surpris sur l'abîmeet l'a poussé vers Dieu : 6+6 b
160 Il n'a pas eu le tempsde vous crier adieu ! 6+6 b
Italie ! Italie !égarante sirène ! 6+6 a
De ton grand peuple esclaveinsoucieuse reine ! 6+6 a
Ce n'est pas dans ton seinqu'une âme peut guérir ; 6+6 b
Tes parfums rendent fou,tes dédains font mourir ! 6+6 b
165 Toi qui ne dois qu'à Dieuton ardent diadème, 6+6 a
Les pieds aux fers, tu dorsdans l'orgueil de toi-même ; 6+6 a
Sous tes yeux à demifermés d'un lourd sommeil, 6+6 b
Nous formons (tu l'as dit) une ombre à ton soleil. 6+6 b
Tu n'extrais que pour toile doux miel de tes phrases, 6+6 a
170 Tu ne nous aimes pas,tu railles nos extases ; 6+6 a
Cruelle ! à tes amanstu donnes sans remord, 6+6 b
Après l'enchantement,la démence ou la mort. 6+6 b
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