Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DES_2/DES270
Marceline DESBORDES-VALMORE
LES PLEURS
1830
AUX PETITS ENFANTS
LE CONVOI D’UN ANGE
À MA MÈRE QUI N’EST PLUS
L’esprit céleste, ému d’une sainte tristesse,
Consulte, l’œil aux cieux, l’éternelle sagesse ;
Le Tout-Puissant fait signe, et, d’un facile effort,
Soulevant dans ses bras l’innocent qui sommeille,
Il presse sa paupière et sa lèvre vermeille :
« Sois heureux ! » lui dit-il ; et l’enfant était mort.
Ch. Loyson.
Mon Dieu ! ce que j’entends si suave en moi-même, 6+6 a
Qui s’éveille, qui chante au milieu démon cœur, 6+6 b
Sonore tremblement qui m’attriste et que j’aime, 6+6 a
Est-ce un timbre dans l’âme ? Est-ce un oiseau moqueur, 6+6 b
5 Qui fait ces voix d’enfant autre part entendues, 6+6 a
Douces voix que la terre a pour jamais perdues ? 6+6 a
Dieu ! Quel écho profond pour de si faibles voix ! 6+6 a
Quand j’ignorais la mort, je pense qu’une fois 6+6 a
On me fit blanche et belle, et qu’on serra ma tête 6+6 a
10 D’une tresse de fleurs comme pour une fête ; 6+6 a
Qu’une gaze tombait sur mes souliers plus beaux ; 6+6 a
Et qu’à travers le jour nous portions des flambeaux : 6+6 a
Et puis, qu’un long ruban nous tenait, jeunes filles 6+6 a
Prises pour le cortège au sein de nos familles. 6+6 a
15 Oui, de mes jours pleurés je vois sortir ce jour 6+6 a
Tout soleil ! ruisselant sur la fraîche chapelle 6+6 b
Où je voudrais prier quand je me la rappelle. 6+6 b
Enfants, nous emportions à son dernier séjour 6+6 a
Un enfant plus léger, plus peureux de la terre, 6+6 a
20 Et qui s’en retournait habillé de mystère, 6+6 a
Furtif comme l’oiseau sur nos toits entrevu, 6+6 a
Posé pour nous chanter son passage imprévu, 6+6 a
Dont la flèche invisible a détendu les ailes, 6+6 a
Et qui se traîne aux fleurs, et disparaît sous elles ! 6+6 a
25 Je souriais pourtant, car je ne savais pas 6+6 a
Si l’église tintait la vie ou le trépas. 6+6 a
Ma mère était plus tendre et me pressait contre elle. 6+6 a
« Dieu ! disait-elle, ô Dieu ! cachez-la dans votre aile ! » 6+6 a
Et puis en me baisant : « Tu laisseras tomber 6+6 a
30 Tes fleurs en saluant l’autel de la Madone ; 6+6 b
Dans l’eau sainte, petite, il faut les imbiber ; 6+6 a
Mets ton flambeau dans l’ombre ; elle sait bien qui donne. 6+6 b
Regarde si la flamme a monté vers les cieux, 6+6 a
Ma fille ; et ne va pas en détourner les yeux ! 6+6 a
35 Tiens, voilà pour le pauvre : il faut l’aider ; il prie 6+6 a
Celle qui va te voir et qu’on nomme Marie. » 6+6 a
Émue elle ajouta : « Toi, tu vivras toujours ! » 6+6 a
Et je trouvai ce jour plus beau que d’autres jours. 6+6 a
Bel âge somnambule ! Enchanté d’ignorance, 6+6 a
40 Qui ne sait pas qu’on meurt, et qui vit d’espérance ! 6+6 a
Qui croit que le malheur est pour le méchant… Mais, 6+6 a
Où. sont-ils les méchants ? En a-t-on vu jamais ? 6+6 a
Ô tissu d’harmonie ! Ô premières années, 6+6 a
Où les âmes sans peur s’envolent pardonnées, 6+6 a
45 Où pas un chant n’est faux, pas un écho défait, 6+6 a
Où chaque bruit nouveau frappe un accord parfait ! 6+6 a
Nous entrâmes sans bruit dans la chapelle ouverte, 6+6 a
Étrangère au soleil sous sa coupole verte ; 6+6 a
Là, comme une eau qui coule au milieu de l’été, 6+6 a
50 On entendait tout bas courir l’éternité. 6+6 a
Quelque chose de tendre y languissait : du lierre 6+6 a
Y tenait doucement la vierge prisonnière ; 6+6 a
Parmi le jour douteux qui flottait dans le chœur, 6+6 a
On voyait s’abaisser et s’élever son cœur. 6+6 a
55 Je le croirai toujours : c’était comme une femme 6+6 a
Sur ses genoux émus tenant son premier-né, 6+6 b
Chaste et nu, doux et fort, humble et prédestiné, 6+6 b
Déjà si plein d’amour qu’il nous attirait l’âme ! 6+6 a
La mort passait sans pleurs. Hélas ! on n’avait pu 6+6 a
60 Porter la mère au seuil où la blanche volée, 6+6 b
Sur la petite boîte odorante et voilée, 6+6 b
Reprenait l’hymne frêle aux vents interrompu. 6+6 a
Et le deuil n’était pas dans notre frais cortège ; 6+6 a
Car le prêtre avait dit : « Enfant, Dieu te protège ; 6+6 a
65 Dieu t’enlève au banquet mortel qui t’appelait, 6+6 a
Encor gonflé pour toi de larmes et de lait ! » 6+6 a
Et quand je ne vis plus ce doux fardeau de roses 6+6 a
Trembler au fond du voile au soleil étendu, 6+6 b
On dit : « Regarde au ciel ! » Et je vis tant de choses 6+6 a
70 Que je l’y crus porté parle vent, ou perdu, 6+6 b
Fait ange dans l’azur inondé de lumière ; 6+6 a
Car l’or du ciel fondait en fils étincelants, 6+6 b
Et tant de jour coulait sur nos vêtements blancs, 6+6 b
Qu’il fallut curieuse en ôter ma paupière. 6+6 a
75 Longtemps tout fut mobile et rouge sous ma main, 6+6 a
Et je ne pus compter les arbres du chemin. 6+6 a
Sous le toit sans bonheur on nous reçut encore ; 6+6 a
Le jardin nous offrit ce que l’enfance adore, 6+6 a
Et nous trouvâmes bons les fruits de l’ange. Hélas ! 6+6 a
80 Une chambre était triste : elle ne s’ouvrit pas ; 6+6 a
Et nous fîmes un feu des églantines mortes, 6+6 a
Dont l’enfant qui s’en va fait arroser les portes. 6+6 a
L’enfant aimé de Dieu n’est jamais revenu ; 6+6 a
Sage, il trouva son nid assez grand pour sa tombe. 6+6 b
85 Oui, vous l’aimiez, mon Dieu ! car la jeune colombe 6+6 b
N’emporta point de terre à son pied rose et nu ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université