Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DES_2/DES269
Marceline DESBORDES-VALMORE
LES PLEURS
1830
AUX PETITS ENFANTS
L’ÉPHÉMÈRE
Je suis trop délicat, trop faible et trop petit,
Pour porter vos fruits mûrs et porter vos corbeilles,
Dépouiller les tilleuls du trésor des abeilles,
Courber de vos moissons la féconde épaisseur ;
Mais je vous enverrai l’Automne : c’est ma sœur.
M. H. de Latouche.
Frêle création | de la fuyante aurore, 6+6 a
Ouvre-toi comme un prisme | au soleil qui le dore ; 6+6 a
Va dire ta naissance | au liseron d’un jour ; 6+6 a
Va ! tu n’as que le temps | de deviner l’amour ! 6+6 a
5 Et c’est mieux, c’est bien mieux | que de le trop connaître ; 6+6 a
Mieux de ne pas survivre | au jour qui le vit naître. 6+6 a
Happe sa douce amorce, | et que ton aile, enfant, 6+6 a
Joue avec ce flambeau ! | rien ne te le défend. 6+6 a
Né dans le feu, ton vol | en cercles s’y déploie, 6+6 a
10 Et sème des anneaux | de lumière et de joie. 6+6 a
Le fil de tes hasards | est court, mais il est d’or ! 6+6 a
Nul regret ne pendra | lugubre sur ton sort ; 6+6 a
Nul adieu ne viendra | gémir dans l’harmonie 6+6 a
De ton jour de musique | et d’ivresse infinie ; 6+6 a
15 Ce que tu vas aimer | durera tes instants ; 6+6 a
Tu ne verras le deuil | ni les rides du temps. 6+6 a
Les feuillets de ton sort | sont des feuilles de rose 6+6 a
Fiévreuse de soleil | et d’encens, quel destin ! 6+6 b
Atome délecté | dans le miel qui l’arrose, 6+6 a
20 Sonne ta bien-venue | au banquet du matin. 6+6 b
Je t’envie ! et Dieu t’aime, | innocent éphémère. 6+6 a
Tu nais sans déchirer | le beau flanc de ta mère ; 6+6 a
Ce penser triste et doux | ne te fait point de pleurs : 6+6 a
Il ne t’impose pas | comme un remords de vivre. 6+6 b
25 Tu n’as point à traîner | ton cœur lourd comme un livre. 6+6 b
Heureux rien ! ta carrière | est au bout de ces fleurs. 6+6 a
Bois ta vie à leur âme, | et que ta prompte haleine 6+6 a
Goûte à tous les parfums | dont s’abreuve la plaine. 6+6 a
Hâte-toi ! si le ciel | commence à se couvrir, 6+6 a
30 Une goutte de pluie | inondera tes ailes : 6+6 b
Avant d’avoir vécu, | tu ne veux pas mourir, 6+6 a
Toi ! Les fleurs vont au soir : | ne tombe qu’après elles. 6+6 b
Bonjour ! bonheur ! adieu ! | trois mots pour ton soleil. 6+6 a
Et pour nous, que de nuits | jusqu’au dernier sommeil ! 6+6 a
35 Le long vivre n’apprend | que des fables railleuses. 6+6 a
Tristement recueillis | sous nos ailes frileuses, 6+6 a
Nous épions l’espoir, | qui n’ourdit qu’un regret : 6+6 a
Et l’espoir n’ouvre pas | sa belle chrysalide ; 6+6 b
Et c’est un fruit coulé | sous son écorce vide, 6+6 b
40 Et le vrai, c’est la mort ! | — et j’attends son secret. 6+6 a
Oh ! ce sera la vie. | Oh ! ce sera vous-même, 6+6 a
Rêve, à qui ma prière | a tant dit : Je vous aime. 6+6 a
Ce sera, pleur par pleur, | et tourment par tourment, 6+6 a
Des âmes en douleurs | le chaste enfantement ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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