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Marceline DESBORDES-VALMORE
LES PLEURS
1830
AUX PETITS ENFANTS
LE PREMIER CHAGRIN D’UN ENFANT
Oh ! would I could weep, as I wept when a child.
Z. Z.
Au temps heureux de ma saison passée
J’avais bien l’aile unie à mon côté ;
Mais en prenant ma jeune liberté,
Avant le vol ma plume fut cassée.
Madeleine Desroches.
Le chagrin t’a touché, mon beau garçon. Tu pleures ; 6+6 a
Ta lèvre tremble ; allons ! te voilà dans nos rangs ; 6+6 b
Tu viens d’apprendre. Oui, nous naissons expirants ; 6+6 b
Oui, la vie est malade avant que tu l’effleures. 6+6 a
5 Que veux-tu ? tes épis pleins de lait, verts encor, 6+6 a
Pour tes jeunes larcins plus attrayants que l’or, 6+6 a
N’iront pas égayer sous ce treillage vide 6+6 a
Le ramier, de tes dons si tendrement avide. 6+6 a
Tu courais dans ta joie ; et puis, un dard moqueur 6+6 a
10 T’a frappé sous le sein. Pauvre enfant ! c’est le cœur ; 6+6 a
On ne peut te l’ôter ; la vie est là. Des larmes 6+6 a
Baignent à ton insu ta pâleur et tes charmes ; 6+6 a
Tu ne te sauves point dans ton premier effroi : 6+6 a
Un instinct te l’a dit : la mort est devant toi. 6+6 a
15 Oui, le Pylade ailé de ta coureuse enfance, 6+6 a
Doux et muet témoin de tes ébats naïfs, 6+6 b
Qui se laissait aimer ou gronder sans défense, 6+6 a
Qui savait te répondre en murmures plaintifs, 6+6 b
Ton camarade est mort. Cette idole livide 6+6 a
20 Grave le premier deuil sur la page encor vide 6+6 a
De ta mémoire vierge. Oh ! que tu souffriras ! 6+6 a
Ce que tu dois aimer, oh ! que tu l’aimeras ! 6+6 a
Car nul cri ne t’échappe, et d’un muet courage, 6+6 a
Sous ta petite main tu contiens tout l’orage ; 6+6 a
25 Mais je te sens souffrir de ce qui souffre en moi : 6+6 a
Ce qu’on aime est si triste ainsi gisant et froid ! 6+6 a
Nul chagrin n’entrera plus au fond de ton être ; 6+6 a
Nul amour ne sera plus vrai pour toi, peut-être. 6+6 a
Là-bas, dans l’avenir où couvent tes beaux jours, 6+6 a
30 À ton beau ramier bleu tu penseras toujours. 6+6 a
Et plus tard, abattu sous les vents du voyage, 6+6 a
Seul, au bord d’un sentier dépeuplé, sans fraîcheur, 6+6 b
Sans soleil, et navré de quelque adieu railleur, 6+6 b
Tes yeux retourneront tristes vers l’humble cage 6+6 a
35 Où t’attendait l’ami par ton souffle éveillé, 6+6 a
Qui, vivant sur ton cœur, ne l’a jamais raillé ! 6+6 a
Oui, tu regretteras cet amour sans mélange, 6+6 a
Et tes pleurs innocents où se mire un jeune ange ! 6+6 a
Tu diras dans ton sort, plein d’échos du passé, 6+6 a
40 Par des amis ingrats amèrement blessé : 6+6 a
Oh ! je voudrais, mon Dieu, pleurer de douces larmes, 6+6 a
Comme l’enfant candide et sans haine, l’enfant 6+6 b
Qui pleurait son ramier mort dans ses jeunes charmes ; 6+6 a
Oh ! pleurer comme alors !… Qui donc me le défend ? 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de strophes
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