Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DES_2/DES248
Marceline DESBORDES-VALMORE
LES PLEURS
1830
LUCRETIA DAVIDSON
Non, je ne veux plus vivre en ce séjour servile.
André Chénier.
Muse à la voix d’enfant !quelle route épineuse 6+6 a
Déchira tes pieds d’angeégarés loin des cieux ? 6+6 b
Quels épis indigents,fugitive glaneuse, 6+6 a
Nourrirent tes destinsfrêles et gracieux ? 6+6 b
5 Fleur étrangère ! en vainl’eau roule entre ta rive 6+6 a
Et mon rivage ; un flotm’attire aux malheureux. 6+6 b
Je suis leur écho triste leur plainte m’arrive : 6+6 a
Près de moi, loin de moi,j’ai des larmes pour eux ! 6+6 b
Oh ! que d’êtres charmantsétonnés de la terre, 6+6 a
10 Ne sachant porterleur âme solitaire, 6+6 a
Malades de la vie,altérés d’en guérir, 6+6 a
Au milieu de leurs jourss’arrêtent pour mourir ! 6+6 a
Tu pleurais de l’entraveattachée à tes ailes, 6+6 a
Toi ! replongeant ton voldans le ciel étoilé, 6+6 b
15 Sur ton astre tremblantaux pâles étincelles, 6+6 a
Tu consolais tes yeuxd’un sommeil envolé. 6+6 b
Eh bien ! ton front brûlantest voilé sous l’argile ; 6+6 a
Ton âme est échappéeà sa prison fragile ; 6+6 a
Un tissu délicatse brise sans effort ; 6+6 a
20 Ainsi l’œuf au soleiléclate après l’orage : 6+6 b
L’ange qu’il enfermaita ressaisi l’essor, 6+6 a
Et ton dernier soupirfut un cri de courage ! 6+6 b
Ne demandais-tu pasce repos virginal ? 6+6 a
Sur ta tombe innocenteun oiseau matinal 6+6 a
25 Ne va-t-il pas verserquelque suave plainte, 6+6 a
Douce comme ta voix,ta douce voix éteinte ? 6+6 a
La rosée, en tombantde ton jeune cyprès, 6+6 a
Ne baigne-t-elle paston sommeil calme et frais ? 6+6 a
Dis ! ne souris-tu pasquand ta rêveuse étoile, 6+6 a
30 Le soir, dans ses rayonshumides et flottants 6+6 b
Glisse un chaste baisersous la pudique toile, 6+6 a
le ciel, qui t’aimait,plongea tes beaux printemps ! 6+6 b
Non ! tu ne voudrais pluscueillir nos fleurs avares 6+6 a
Dont les âcres parfumstourmentaient ta raison : 6+6 b
35 De nos rangs consternés,libre, tu te sépares, 6+6 a
Et tu ne bois plus l’air roule le poison. 6+6 b
Le monde t’a fait peur :de ses bruits alarmée, 6+6 a
Tu te penchas, soumiseet vierge, sous la mort ; 6+6 b
 Et tu t’envolas, fleur fermée, 8 a
40 T’épanouir aux feuxqui n’ont pas de remord. 6+6 b
Tu ne vins pas, d’un jourprolongeant ton voyage, 6+6 a
Tenter de nos climatsl’air tiède et transparent ; 6+6 b
Sous le voile d’encensou brûle leur bel âge, 6+6 a
 Regarder tes sœurs en mourant ! 8 b
45 De celle dont le cœurs’enferme et bat si vite, 6+6 a
Toi ! tu pouvais prétendreà rencontrer la main : 6+6 b
L’ange blessé l’attireau bord de son chemin, 6+6 b
Et sa grâce peut-êtret enchné ta fuite. 6+6 a
À ta pure souffranceelle t jeté ses fleurs ; 6+6 a
50 De sa lyre voiléeelle t touché ta lyre ; 6+6 b
Et dans ses vers brillants,que de loin j’ose lire, 6+6 b
Ton nom jeune t vécu,baptisé de ses pleurs ! 6+6 a
Tu n’as pas vu Delphineà son adolescence, 6+6 a
Muse qui prit son volsi près de ta naissance, 6+6 a
55 Que l’on t dit vos joursnés de la même fleur ; 6+6 b
Sur son front imprégnéde gloire et d’innocence, 6+6 a
Tu n’as pu, jeune sainte,apaiser ta douleur. 6+6 b
Non ! l’étoile fuyait.Ton oreille enfantine, 6+6 a
Doucement rappeléeau mouvement des flots, 6+6 b
60 N’aura pas entendurouler la brigantine 6+6 a
D’une exilée aussiqui chante ses sanglots. 6+6 b
Et tu laissas tombertes larmes poétiques, 6+6 a
Comme un cygne qui meurt,ses sons mélodieux ; 6+6 b
Cris d’âme ! ils font vibrerles feuilles prophétiques 6+6 a
65 s’épanchaient tout bastes précoces adieux : 6+6 b
Car tu tremblais de vivre,et tu cherchais ta tombe, 6+6 a
Seule, sous un rameauqui n’a pas vu l’hiver ; 6+6 b
D’une vie effleurée,inquiète colombe, 6+6 a
 Tu laissas le livre entr’ouvert. 8 b
70 Que de chants étouffés !que de pages perdues ! 6+6 a
Que d’hymnes au silenceavec toi descendues ! 6+6 a
Tu sortais d’être enfant,Lucretia !… Tu meurs, 6+6 a
Et tu le voulus bien !Pardonne à nos clameurs. 6+6 a
Non ! je n’ose pleurerdans ma pensée amère ; 6+6 a
75 Non, je ne te plains pas ;mais que je plains ta mère ! 6+6 a
——
Lucretia Davidson, morte à dix-sept ans, née le 27 septembre 1808, à Platts-Burgh, sur le lac Champlain.
Il sera difficile de lire sans émotion cette courte vie, insérée dans le Quarterly Review, et traduite par M. Amédée Pichot.
Il ne m’est pas possible d’y penser sans que mon cœur ne s’emplisse de larmes. Si je savais peindre, je ferais le portrait de Lucretia. On la devine dans ces stances qu’elle écrivit à l’âge de quinze ans :
« Étoile du soir ! astre étincelant, diamant de la couronne du ciel, ah ! si mon âme était libre, comme elle prendrait son essor vers toi !
« Que tu es calme et belle ! Semblable à la clarté pure d’une lampe allumée sur l’autel de la vertu ! Ah ! sans doute le monde brillant que tu es fière de contenir ne fut jamais ni perdu, ni racheté !
« Là, des êtres purs comme l’aile des cieux mêlent en commun leurs espérances et leur félicité, pendant que les anges font vibrer leurs lyres, et que les séraphins forment un dais avec leurs ailes étendues.
« Là, des jours sans nuages, des nuits brillantes sont éclairées par le reflet des clartés célestes. Là se succèdent rapidement les saisons et les années inaperçues, et sans laisser de regrets à l’âme.
« Petite étoile étincelante du soir, diamant posé sur le bandeau bleu du ciel, avec quelle ivresse je volerai vers toi, dès que mon âme sera libre ! » Elle est libre !
mètre profils métriques : 8, 6+6
logo du CRISCO logo de l'université