Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DES_2/DES243
Marceline DESBORDES-VALMORE
LES PLEURS
1830
MA FILLE
T’is very strange, my little dove,
That all I ever loved, or love,
In wondrous visions still I trace
While gazing on thy guiltles’s face.
Robert Burns.
Ondine ! enfant joyeux qui bondis sur la terre, 6+6 a
Mobile comme l’eau qui t’a donné son nom, 6+6 b
Es-tu d’un séraphin le miroir solitaire ? 6+6 a
Sous ta grâce mortelle orne-t-il ma maison ? 6+6 b
5 Quand je t’y vois glisser dansante et gracieuse, 6+6 a
Je sens flotter mon âme errante autour de toi : 6+6 b
Je me regarde vivre, ombre silencieuse ; 6+6 a
Mes jours purs, sous tes traits, repassent devant moi ! 6+6 b
Car toujours ramenés vers nos jeunes annales, 6+6 a
10 Nous retrempons nos yeux dans leurs fraîches couleurs ; 6+6 b
Midi n’a plus le goût des heures matinales 6+6 a
Où l’on a respiré tant de sauvages fleurs ! 6+6 b
Le champ, le plus beau champ que renfermait la terre, 6+6 c
Furent les blés bordant la maison de mon père, 6+6 c
15 Où je dansais, volage, en poursuivant du cœur 6+6 d
Un rêve qui criait : « Bonheur ! bonheur ! bonheur ! » 6+6 d
C’est toi ! mes yeux blessés par le temps et les larmes, 6+6 a
Redevenus miroirs, se rallument d’amour ! 6+6 b
N’es-tu pas tout ce monde infini, plein de charmes, 6+6 a
20 Que j’encerclais d’espoir, en essayant le jour ? 6+6 b
Viens donc, ma vie enfant ! et si tu la prolonges, 6+6 a
Ondine ! aux mêmes flots ne l’abandonne pas. 6+6 b
Que les ruisseaux, les bois, les fleurs où tu te plonges, 6+6 a
Gardent leur fraîche amorce au penchant de tes pas ; 6+6 b
25 Viens ! mon âme sur toi pleure et se désaltère. 6+6 c
Ma fille, ils m’ont fait mal !… Mets tes mains sur mes yeux, 6+6 d
Montre-moi l’espérance et cache-moi la terre ; 6+6 c
Ange ! retiens mon vol, ou suis-moi dans les cieux… 6+6 d
Mais tu n’entendras pas mes plaintes interdites. 6+6 a
30 Dit-on au passereau de haïr, d’avoir peur ? 6+6 b
Tes oreilles encor sont tendres et petites, 6+6 a
Enfant ! je ne veux pas méchantiser ton cœur. 6+6 b
Garde-le plein d’écho de ma voix maternelle : 6+6 a
Dieu qui t’écoute encore ainsi m’écoutera. 6+6 b
35 Ô ma blanche colombe ! entr’ouvre-moi ton aile ; 6+6 a
Mon cœur a fait le tien ; il s’y renfermera ; 6+6 b
Car ce serait affreux et pitié de t’apprendre, 6+6 c
Quand tu baises mes pleurs, ce qui les fait couler : 6+6 d
Va les porter à Dieu, sans chercher à comprendre 6+6 c
40 Ce qu’une larme pèse et coûte à révéler ! 6+6 d
Tout pleure ! et l’innocent que le torrent entraîne, 6+6 a
Et ceux qui, pour prier, n’ont que leurs repentirs ; 6+6 b
Peut-être en ce moment les soupirs d’une reine, 6+6 a
Sur la route du ciel, rencontrent mes soupirs. 6+6 b
45 Mais que l’oiseau des nuits t’effleure en sa tristesse : 6+6 a
Il passe, mon Ondine, il passe avec vitesse : 6+6 a
Sur tes traits veloutés j’aime à boire tes pleurs ; 6+6 b
C’est l’ondée en avril qui roule sur les fleurs. 6+6 b
Que tes cheveux sont doux ! étends-les sur mes larmes, 6+6 a
50 Comme un voile doré sur un noir souvenir. 6+6 b
Embrassons-nous !… Sais-tu qu’il reste bien des charmes 6+6 a
À ce monde pour moi plein de ton avenir ? 6+6 b
Et le monde est en nous : demeure avec toi-même ; 6+6 c
L’oiseau pour ses concerts goûte un sauvage lieu ; 6+6 d
55 L’innocence a partout un confident qui l’aime. 6+6 c
Oh ! ne livre ta voix qu’à cet écho : c’est Dieu ! 6+6 d
mètre profil métrique : 6+6
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