Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DES_2/DES233
Marceline DESBORDES-VALMORE
LES PLEURS
1830
LE MAL DU PAYS
Ce front facile à se rider, ces joues légèrement
creusées, gardaient, l’empreinte du sceau dont le
malheur marque ses sujets, comme pour leur
laisser la consolation de se reconnaître d’un regard
fraternel, et de s’unir pour lui résister.
Madame de Balzac.
Clémentine adorée, âme céleste et pure,
Qui, parmi les rigueurs d’une injuste maison,
Ne perd point l’innocence en perdant la raison.
Je veux aller mourir | aux lieux où je suis née : 6+6 a
Le tombeau d’Albertine | est près de mon berceau ; 6+6 b
Je veux aller trouver | son ombre abandonnée ; 6+6 a
Je veux un même lit | près du même ruisseau. 6+6 b
5 Je veux dormir. J’ai soif | de sommeil, d’innocence, 6+6 a
D’amour ! d’un long silence | écouté sans effroi, 6+6 b
De l’air pur qui soufflait | au jour de ma naissance, 6+6 a
Doux pour l’enfant du pauvre | et pour l’enfant du roi. 6+6 b
J’ai soif d’un frais oubli, | d’une voix qui pardonne. 6+6 a
10 Qu’on me rende Albertine ! | elle avait cette voix 6+6 b
Qu’un souvenir du ciel | à quelques femmes donne ; 6+6 a
Elle a béni mon nom… | autre part… autrefois ! 6+6 b
Autrefois !… qu’il est loin | le jour de son baptême ! 6+6 a
Nous entrâmes au monde | un jour qu’il était beau : 6+6 b
15 Le sel qui l’ondoya | fut dissous sur moi-même, 6+6 a
Et le prêtre pour nous | n’alluma qu’un flambeau. 6+6 b
D’où vient-on quand on frappe | aux portes de la terre ? 6+6 a
Sans clarté dans la vie, | où s’adressent nos pas ? 6+6 b
Inconnus aux mortels | qui nous tendent les bras, 6+6 b
20 Pleurants, comme effrayés | d’un sort involontaire. 6+6 a
Où va-t-on quand, lassé | d’un chemin sans bonheur, 6+6 a
On tourne vers le ciel | un regard chargé d’ombre ? 6+6 b
Quand on ferme sur nous | l’autre porte, si sombre ! 6+6 b
Et qu’un ami n’a plus | que nos traits dans son cœur ? 6+6 a
25 Ah ! quand je descendrai | rapide, palpitante, 6+6 a
L’invisible sentier | qu’on ne remonte pas, 6+6 b
Reconnaîtrai-je enfin | la seule âme constante 6+6 a
Qui m’aimait imparfaite | et me grondait si bas ? 6+6 b
Te verrai-je, Albertine ! | Ombre jeune et craintive ; 6+6 a
30 Jeune, tu t’envolas | peureuse des autans : 6+6 b
Dénouant pour mourir | ta robe de printemps, 6+6 b
Tu dis : « Semez ces fleurs | sur ma cendre captive. » 6+6 a
Oui ! je reconnaîtrai | tes traits pâles, charmants, 6+6 a
Miroir de la pitié | qui marchait sur tes traces, 6+6 b
35 Qui pleurait dans ta voix, | angélisait tes grâces, 6+6 b
Et qui s’enveloppait | dans tes doux vêtements ! 6+6 a
Oui, tu ne m’es qu’absente, | et la mort n’est qu’un voile, 6+6 a
Albertine ! et tu sais | l’autre vie avant moi. 6+6 b
Un jour, j’ai vu ton âme | aux feux blancs d’une étoile ; 6+6 a
40 Elle a baisé mon front, | et j’ai dit : « C’est donc toi ! » 6+6 b
Viens encor, viens ! j’ai tant | de choses à te dire ! 6+6 a
Ce qu’on t’a fait souffrir, | je le sais ! j’ai souffert. 6+6 b
Ô ma plus que sœur, viens ! | ce que je n’ose écrire, 6+6 a
Viens le voir palpiter | dans mon cœur entr’ouvert ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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