Métrique en Ligne
DES_1/DES6
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
IDYLLES
LA NUIT
Viens ! le jour va s’éteindre… il s’efface, et je pleure. 6+6 a
N’as-tu pas entendu ma voix ? Écoute l’heure ; 6+6 a
C’est ma voix qui te nomme et t’accuse tout bas ; 6+6 a
C’est l’Amour qui t’appelle, et tu ne l’entends pas ! 6+6 a
5 Mon courage se meurt. Tout à ta chère idée, 6+6 a
D’elle, de toi toujours tendrement obsédée, 6+6 a
Pour ton ombre j’ai pris l’ombre d’un voyageur, 6+6 a
Et c’était un vieillard riant de ma rougeur. 6+6 a
Eh quoi ! le jour s’éteint ? n’est-ce pas un nuage, 6+6 a
10 Un vain semblant du soir, un fugitif orage ? 6+6 a
Que je voudrais le croire ! Hélas ! un si beau jour 6+6 a
Ne devrait pas mourir sans consoler l’Amour. 6+6 a
Viens ! ce voile jaloux ne doit pas te surprendre. 6+6 a
Dans les cieux à son gré laisse-le se répandre ; 6+6 a
15 Ne va pas comme moi le prendre pour la nuit 6+6 a
Quand son obscurité m’importune et me nuit ! 6+6 a
Si le soleil plus pur allait paraître encore ! 6+6 a
Si j’allais avec lui revoir ce que j’adore ! 6+6 a
Si je pouvais du moins, en lui livrant ces fleurs, 6+6 a
20 Me cacher dans son sein, et rougir de mes pleurs ! 6+6 a
Il me dirait : « Je viens, j’accours, ma bien-aimée ! 6+6 a
« Ce nuage qui fuit t’aurait-il alarmée ? 6+6 a
« La nuit est loin, regarde ! » Et je verrais ses yeux 6+6 a
Rendre la vie aux miens, et la lumière aux cieux. 6+6 a
25 Non ! le jour est fini. Ce calme inaltérable, 6+6 a
L’oiseau silencieux fatigué de bonheur, 6+6 b
Le chant vague et lointain du jeune moissonneur, 6+6 b
Tout m’invite au repos… tout m’insulte et m’accable. 6+6 a
Un seul et doux objet me plaint dans ce séjour, 6+6 a
30 Il a subi mon sort : c’est la pâle anémone, 6+6 b
Sous le vent qui l’effeuille, elle tombe ; et ce jour, 6+6 a
Pour nous brûler ensemble, en orna ma couronne. 6+6 b
Mais adieu tout ; adieu, toi qui ne m’entends pas ; 6+6 a
Toi qui m’as retenu la moitié de mon être, 6+6 b
35 Qui n’as pu m’oublier, qui vas venir, peut-être ! 6+6 b
Tu trouveras au moins la trace de mes pas, 6+6 a
Si tu viens ! Adieu, bois où l’ombre est si brûlante ; 6+6 a
Nuit plus brûlante encor, nuit sans pavots pour moi, 6+6 b
Tu règnes donc enfin ! Oui, c’est toi, c’est bien toi ! 6+6 b
40 Quand me rendras-tu l’aube ? Oh ! que la nuit est lente ! 6+6 a
Hélas ! si du soleil tu balances le cours, 6+6 a
Tu vas donc ressembler au plus long de mes jours ! 6+6 a
L’alouette est rentrée aux sillons ; la cigale 6+6 a
À peine dans les airs jette sa note égale ; 6+6 a
45 Un souffle éveillerait les échos du vallon, 6+6 a
Et les échos muets ne diront pas mon nom. 6+6 a
Et vous, dont la fatigue a suspendu la course, 6+6 a
Vieillard ! ne riez plus ; si mes tristes accents 6+6 b
Non ! déjà le sommeil appesantit ses sens ; 6+6 b
50 Il rêve sa jeunesse au doux bruit de la source. 6+6 a
Oh ! que je porte envie à ses songes confus ! 6+6 a
Que je le trouve heureux ! Il dort, il n’attend plus. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de strophes
schéma : 16[aa] 4[abba] 1[abab]
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