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F = "e" féminin
| = césure
DES_1/DES62
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
ÉLÉGIES
À MADEMOISELLE
GEORGINA NAIRAC
Ah ! prends garde à l’amour, il menace ta vie ; 6+6 a
Je l’ai vu dans les pleurs que tu verses pour moi. 6+6 b
Prends garde, s’il est temps ! il erre autour de toi, 6+6 b
Et c’est avec des pleurs aussi qu’il m’a suivie. 6+6 a
5 Retourne vers ta mère et ne la quitte pas. 6+6 a
Va, comme un faible oiseau que menace l’orage, 6+6 b
Contre son sein paisible appuyer ton courage ; 6+6 b
Portes-y ta jeunesse, enchaînes-y tes pas. 6+6 a
Plus heureuse que nous, de son printemps calmée, 6+6 a
10 Laisse-la te soustraire à de vaines douleurs. 6+6 b
Va ! tu me béniras de t’avoir alarmée ; 6+6 a
Je fus confiante, et je meurs. 8 b
Folle sécurité d’une âme qui s’ignore, 6+6 a
C’est donc ainsi toujours que vous devez finir ? 6+6 b
15 Quand on n’a pas souffert on ne sait rien encore, 6+6 a
On ne veut confier son cœur qu’à l’avenir. 6+6 b
Dans l’âge du danger, je n’avais plus de mère : 6+6 a
Déjà mon tendre guide, arrêté par la mort, 6+6 b
N’entendait plus ma plainte amère ; 8 a
20 Déjà ses yeux fermés n’éclairaient plus mon sort. 6+6 b
Retourne vers ta mère, et que ton innocence, 6+6 a
Prudemment effrayée au tableau de mes jours, 6+6 b
Joigne à mon souvenir, qu’il faut plaindre toujours, 6+6 b
Une longue reconnaissance. 8 a
25 Mais tu n’as pas souffert ? ta tranquille pitié, 6+6 a
Dis-le moi, n’a donné ses pleurs qu’à l’amitié ? 6+6 a
Non, tu n’as pas senti cette fièvre de l’âme, 6+6 a
Ce frisson douloureux qui passe au fond du cœur. 6+6 b
L’air ne t’a pas semblé comme une molle flamme, 6+6 a
30 Qui verse dans les sens la soif et la langueur ? 6+6 b
Ce triste isolement, ce tendre ennui, ces larmes, 6+6 a
Ce besoin de presser un cœur semblable au tien, 6+6 b
D’une voix qui poursuit le fidèle entretien, 6+6 b
Rien n’a comblé ta vie et de crainte et de charmes ? 6+6 a
35 Cet objet souhaité, dans un jour imprévu, 6+6 a
Ne t’a pas sur son sein réunie à toi-même ; 6+6 b
Ce tendre objet qui trompe, et qu’il faut que l’on aime, 6+6 b
Tu ne l’as jamais vu !… 6 a
Je l’ai vu plein d’amour, et l’amour m’a trompée ; 6+6 a
40 Je ne croyais que lui ; de lui seul occupée, 6+6 a
J’ai perdu mon repos dans sa félicité ; 6+6 a
Je l’ai voulu. Mon Dieu ! c’était sa volonté. 6+6 a
Il savait tant de mots pour me rendre sensible, 6+6 a
Pour instruire mon âme ardente à la douleur ! 6+6 b
45 Lui seul a ce pouvoir, cet art, ce don flexible, 6+6 a
Lui seul donne la vie ensemble et le malheur. 6+6 b
Mais le malheur enfin détache de la vie. 6+6 a
Non, je ne veux plus de mon sort, 8 b
Je ne veux plus souffrir. Sais-tu ce que j’envie ? 6+6 a
50 Sais-tu ce qu’après lui j’ai souhaité ? La mort. 6−6 b
Son pied ne presse plus le seuil de ma demeure, 6+6 a
Et pour ne la plus voir il invente un chemin. 6+6 b
Sans lui rien demander, j’écoute passer l’heure ; 6+6 a
L’heure dit comme lui : « Ni ce soir, ni demain ! » 6+6 b
55 Mais je compte, j’attends que moins inexorable 6+6 a
Une heure, la dernière à mes maux secourable, 6+6 a
Éteigne sur ma cendre un importun flambeau, 6+6 a
Et défende à l’amour de troubler mon tombeau. 6+6 a
Quand celui qui me fuit ne songeait qu’à me suivre, 6+6 a
60 Le cours de mes beaux ans fut près de se tarir : 6+6 b
Qu’il m’eût alors été doux de mourir 4+6 b
Pour l’amant dont les pleurs me suppliaient de vivre ! 6+6 a
« Ne meurs pas, disait-il, ou je meurs avec toi ! » 6+6 a
Et mon âme, enchaînée à cette âme amoureuse, 6+6 b
65 N’osa… quitter la terre et combler son effroi. 6+6 a
L’imprudent ! sous ses pleurs j’allais m’éteindre heureuse. 6+6 b
J’allais mourir aimée. Il m’a rendu des jours, 6+6 a
Pour m’apprendre, ô douleur ! qu’on n’aime pas toujours. 6+6 a
Une nouvelle voix à son oreille est douce ; 6+6 a
70 D’autres yeux qu’il entend désarment son courroux ; 6+6 b
Et ce n’est plus ma main qu’il presse ou qu’il repousse, 6+6 a
Alors qu’il est tendre ou jaloux. 8 b
Quoi ! ce n’est plus vers moi qu’il apporte sans crainte 6+6 a
Son espoir, son désir, son plus secret dessein : 6+6 b
75 Et s’il est malheureux, s’il exhale une plainte, 6+6 a
Ce n’est plus dans mon sein ! 6 b
L’ai-je trahi ? Jamais. Il eut mon âme entière. 6+6 a
Hélas ! j’étais étreinte à lui comme le lierre. 6+6 a
Que pour m’en arracher il m’a fallu souffrir ! 6+6 a
80 Dans cet effort cruel je me sentis mourir. 6+6 a
Il détourna les yeux, il n’a pas vu mes larmes ; 6+6 a
Mon reproche jamais n’éveilla ses alarmes ; 6+6 a
Jamais de ses beaux jours je ne ternis un jour ; 6+6 a
Il garda le bonheur ; moi, j’ai gardé l’amour. 6+6 a
mètre profils métriques : 8, 6, 6−6, (4+6)
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