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| = césure
DES_1/DES53
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
ÉLÉGIES
LE PRINTEMPS
Le printemps est si beau ! Sa chaleur embaumée 6+6 a
Descend au fond des cœurs réveillés et surpris : 6+6 b
Une voix qui dormait, une ombre accoutumée, 6+6 a
Redemande l’amour à nos sens attendris. 6+6 b
5 La raison vainement à ce danger s’oppose, 6+6 a
L’image inattendue enivre la raison : 6+6 b
Tel un insecte ailé s’élance sur la rose, 6+6 a
Et la brûle d’un doux poison. 8 b
Des jeunes souvenirs la foule caressante 6+6 a
10 Accourt, brave la crainte, et l’espace et le temps : 6+6 b
Qui n’a cru respirer, dans la fleur renaissante, 6+6 a
Les parfums regrettés de ses premiers printemps ? 6+6 b
Et moi, dans un accent qui trouble et qui captive, 6+6 a
Naguère un charme triste est venu m’attendrir. 6+6 b
15 L’écouterai-je encor, curieuse et craintive, 6+6 a
Ce doux accent qui fait mourir ? 8 b
Ce nom… j’allais le dire ; il m’est donc cher encore ? 6+6 a
Ma frayeur n’a donc plus de force contre lui ? 6+6 b
Toi, qui ne m’entends pas, d’où vient que je t’implore ? 6+6 a
20 N’es-tu pas loin ? n’ai-je pas fui ? 8 b
Reverrai-je tes yeux, dont l’ardente prière 6+6 a
Obtiendrait tout des cieux ? 6 b
Oui, pour ne les plus voir j’abaisse ma paupière, 6+6 a
Je m’enfuis dans mon âme, et j’ai revu tes yeux ! 6+6 b
25 L’oiseau né sous nos toits, dans la saison brûlante, 6+6 a
Tourne autour des maisons qu’il reconnaît toujours, 6+6 b
Effleure dans son vol l’ardoise étincelante, 6+6 a
S’y pose, chante, fuit, et revient tous les jours : 6+6 b
Ton chant avec le sien se fond dans ma pensée ; 6+6 a
30 Trop de bonheur remplit ma poitrine oppressée ; 6+6 a
Je pâlis de plaisir à ces cris du retour ; 6+6 a
J’ai ressenti ta voix, j’ai reconnu l’amour ! 6+6 a
Dans le demi-sommeil où je tombe rêveuse, 6+6 a
Je te crains, je t’espère et je te sens venir ; 6+6 b
35 Tu parles, mais si bas ! une oreille amoureuse 6+6 a
Peut seule entendre et retenir : 8 b
« Veux-tu, mais ne dis pas que l’heure est trop rapide, 6+6 a
« Veux-tu voir la montagne et le courant limpide ? 6+6 a
« Veux-tu venir au pied du grand chêne abattu ? » 6+6 a
40 Moi, je ne réponds pas pour écouter : « Veux-tu ? 6+6 a
« Veux-tu, mais ne dis pas que la lune est cachée, 6+6 a
« Veux-tu voir notre image au bord des flots penchée ? 6+6 a
« Ne tremble pas, tout dort ; l’écho même s’est tu. » 6+6 a
Et mon refus se meurt en écoutant : « Veux-tu ! » 6+6 a
45 D’un bouquet ma tristesse hier s’estétait parée ; 6+6 a
Dans l’ombre, tout à coup, qui l’ôta de mon sein ? 6+6 b
Ai-je senti le feu de ta main adorée ? 6+6 a
Est-ce toi, mon amour, qui cueillis ce larcin ? 6+6 b
Pourquoi troubler mon sort qui devenait paisible ? 6+6 a
50 Dans tout ce qui me plaît viens-tu tenter ma foi ? 6+6 b
Dis ! pourquoi ta main invisible 8 a
Se pose-t-elle encor sur moi ? 8 b
Pourquoi ton haleine enflammée 8 a
Soulève-t-elle mes cheveux ? 8 b
55 Pourquoi ce faible écho, craintif comme nos vœux, 6+6 b
Dit-il contre mon cœur : « Bonsoir, ma bien-aimée ! » 6+6 a
Ah ! je t’en prie, il ne faut plus venir 4+6 a
Redemander mon âme presque heureuse. 4+6 b
Je crains de toi jusqu’à ton souvenir : 4+6 a
60 Loin du danger je suis encor peureuse… 4+6 b
Je ne t’accuse pas ! Qui sait si le tombeau 6+6 a
Sera froid sur mon corps, si ton souffle l’effleure ? 6+6 b
Je ne t’accuse pas ! je pleure, 8 b
Et j’ aime le printemps ; le printemps est si beau ! 6+6 a
mètre profils métriques : 8, 6+6, 4+6, (6)
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