Métrique en Ligne
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Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
ÉLÉGIES
ÉLÉGIE
Quoi ! les flots sont calmés, et les vents sans colère 6+6 a
Aplanissent la route où je vais m’égarer ! 6+6 b
J’ai vu briller le phare, et l’onde qui s’éclaire 6+6 a
Double l’affreux signal qui doit nous séparer ! 6+6 b
5 Que fait-il ? Ah ! s’il dort, il rêve son amie ; 6+6 a
Bercé dans mon image, il attend le réveil ! 6+6 b
Comme l’onde paisible, il me croit endormie, 6+6 a
Et son rêve abusé sourit à mon sommeil. 6+6 b
Emmenez-moi, ma sœur. Dans votre sein cachée, 6+6 a
10 Comme une pâle fleur de sa tige arrachée, 6+6 a
Sauvez-moi de ces lieux. Dites : C’est sans retour ! 6+6 a
Cet effort finira ma vie ou mon amour. 6+6 a
Emportez ma douleur loin de lui, loin du monde ; 6+6 a
Loin de moi, s’il se peut, ma sœur, emportez-moi ! 6+6 b
15 Mais la nuit qui nous couvre est-elle assez profonde ? 6+6 a
Oh ! non ; les flots, le ciel tout me remplit d’effroi. 6+6 b
Est-il temps de mourir ? Et lui, lui que j’adore, 6+6 a
Ne puis-je, en le fuyant, vous le nommer encore ? 6+6 a
Ne puis-je de sa voix appeler la douceur ? 6+6 a
20 Ne puis-je le revoir ?… Non ! Sauvez-moi, ma sœur. 6+6 a
Mon mal est dans sa vue ; et lorsque j’y succombe, 6+6 a
Mon mal doit vous toucher : ce n’est pas le remord. 6+6 b
Cachez-moi dans vos bras, dans la nuit, dans la tombe 6+6 a
Je demande à le fuir, je ne crains plus la mort. 6+6 b
25 Venez ! s’il descendait sur la plage déserte, 6+6 a
Un charme sur mes pas attirerait ses pas : 6+6 b
Prête à me confier à la vague entr’ouverte, 6+6 a
Je lui dirais adieu… je ne partirais pas. 6+6 b
Il sait tout. Ô ma sœur ! il demandait mon âme ; 6+6 a
30 Nos regards se parlaient malgré nous confondus. 6+6 b
Tout baignés de tristesse, et de pleurs et de flamme, 6+6 a
Dans ses regards si doux les miens se sont perdus. 6+6 b
Et je fuis ! et des cieux la pitié m’abandonne ! 6+6 a
Je ne les verrai plus, ils étaient dans ses yeux. 6+6 b
35 Si tu voyais ses yeux ! Oh ! l’ange qui pardonne 6+6 a
Doit regarder ainsi quand il ouvre les cieux ! 6+6 b
J’étais seule avec lui, j’écoutais son silence ; 6+6 a
L’heure, une fois pour nous, perdit sa vigilance. 6+6 a
Contre un penchant si vrai, si longtemps combattu, 6+6 a
40 Ma sœur, je n’avais plus d’appui que sa vertu. 6+6 a
Pour arracher mon cœur à sa peine chérie 6+6 a
Et distraire du sien la sombre rêverie, 6+6 a
Je cherchais le secours de ces accords puissants 6+6 a
Qui de plus d’un orage avaient calmé ses sens. 6+6 a
45 J’essayais d’une main faible et mal assurée, 6+6 a
Cet art consolateur d’une âme déchirée ; 6+6 a
Je disputais son âme à ses vagues désirs ; 6+6 a
Je ramenais le temps de nos plus doux loisirs ; 6+6 a
Son sourire trompait ma crédule espérance, 6+6 a
50 Et j’unissais ainsi la ruse à l’innocence. 6+6 a
Dieu ! que je m’abusais à ce calme trompeur ! 6+6 a
Pour la première fois son regard me fit peur, 6+6 a
De ma gaîté timide il détruisit les charmes, 6+6 a
Et ma voix s’éteignit dans un torrent de larmes. 6+6 a
55 « Non ! dit-il, non, jamais tu n’as connu l’Amour ! » 6+6 a
J’ai voulu me sauver… il pleurait à son tour. 6+6 a
J’ai senti fuir mon âme effrayée et tremblante : 6+6 a
Ma sœur, elle est encor sur sa bouche brûlante. 6+6 a
Sauvez-moi ! sauvez-moi ! De lointaines clameurs 6+6 a
60 Appellent au rivage une barque tardive. 6+6 b
De l’écho du rocher que la voix est plaintive ! 6+6 b
Répondez-lui pour moi, je vous suivrai… je meurs. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de strophes
schéma : 7[abab] 15[aa] 1[abba]
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