Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DES_1/DES3
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
IDYLLES
LA JOURNÉE PERDUE
Me voici… je respire à peine ! 8 a
Une feuille m’intimidait ; 8 b
Le bruit du ruisseau m’alarmait ; 8 b
Je te vois…! Je n’ai plus d’haleine ! 8 a
5 Attends… Je croyais aujourd’hui 8 a
Ne pouvoir respirer | auprès de ce que j’aime. 6+6 b
Je me sentais mourir, | en ce tourment extrême, 6+6 b
De ta peine et de mon ennui. 8 a
Quoi ! je cherche ta main, | et tu n’oses sourire ? 6+6 a
10 Ton regard me pénètre | et semble m’accuser ? 6+6 b
Je te pardonne, ingrat, | tout ce qu’il semble dire ; 6+6 a
Mais laisse-moi du moins | le temps de m’excuser. 6+6 b
J’ai vu nos moissonneurs | réunis sous l’ombrage ; 6+6 a
Ils chantaient ; mais pas un | ne dit bien ta chanson. 6+6 b
15 Ma mère, lasse enfin | de veiller la moisson, 6+6 b
Dormait. Je voyais tout, | les yeux sur mon ouvrage. 6+6 a
Alors, en retenant | le souffle de mon cœur, 6+6 a
Qui battait sous ma collerette, 8 b
Je fuyais dans les blés | ainsi qu’une fauvette, 6+6 b
20 Quand on l’appelle, ou qu’elle a peur. 8 a
Je suivais, en courant, | ton image chérie, 6+6 a
Qui m’attirait, | souriait comme toi ; 4+6 b
Mais aux travaux de la prairie 8 a
Les malins moissonneurs | m’enchaînaient malgré moi. 6+6 b
25 L’un m’appelait si haut | qu’il éveillait ma mère ; 6+6 a
Je revenais confuse, | en cueillant des pavots, 6+6 b
Et, caressant ses yeux | de leur fraîcheur légère, 6+6 a
Je grondais le méchant | qui troublait son repos. 6+6 b
Hélas ! j’aurais voulu | m’endormir auprès d’elle, 6+6 a
30 Mais je ne dors jamais le jour ; 8 b
La nuit même, la nuit | me paraît éternelle, 6+6 a
Et j’aime mieux te voir | que de rêver d’amour. 6+6 b
Que mon cœur est changé ! | comme il était tranquille ! 6+6 a
Je le sentais | à peine respirer. 4+6 b
35 Ah ! quand il ne fait plus | que battre et soupirer, 6+6 b
L’heure qui nous sépare | au temps est inutile. 6+6 a
En voyant le soleil | encor si loin du soir, 6+6 a
Je me disais : « Mon Dieu ! | que ma mère est heureuse ! 6+6 b
Le repos la surprend | dès qu’elle peut s’asseoir ; 6+6 a
40 Ma mère n’est pas amoureuse ! » 8 b
Et je fermais les yeux | pour rêver le bonheur ; 6+6 a
Et mes yeux te voyaient | couché dans ce bois sombre, 6+6 b
Et, quand tu gémissais à l’ombre, 8 b
Le soleil me brûlait le cœur. 8 a
45 De ce bois où mon âme | était tout attachée, 6+6 a
Deux fois j’ai vu sortir ton chien ; 8 b
Par ton ordre peut-être | il appelait le mien ; 6+6 b
Le mien n’osait répondre, | et j’en étais touchée. 6+6 a
Pauvres chiens ! vieux amis ! | frères du même jour, 6+6 a
50 Comme en vous revoyant | votre joie est paisible ! 6+6 b
Olivier ! l’amitié | n’a donc rien de pénible ? 6+6 b
Ils sont donc plus heureux ? | mais ils n’ont pas d’amour. 6+6 a
Olivier, voudrais-tu ? |… Que ton sourire est tendre ! 6+6 a
L’amitié n’est pas là ! | Je ne puis plus parler, 6+6 b
55 Dis-moi… que disions-nous ? | Oh ! comment rappeler 6+6 b
Tout ce qui me reste à t’apprendre ? 8 a
Regarde : ce matin | j’avais tressé ces fleurs ; 6+6 a
Mais quoi ! Tout a langui | des feux de la journée ; 6+6 b
Et la couronne | à l’Amour destinée 4+6 b
60 N’a servi qu’à voiler mes pleurs. 8 a
Je pleurais : c’est que l’heure, | à présent si légère, 6+6 a
Dormait comme ma mère. 6 a
Enfin le jour se cache | et me prend en pitié ; 6+6 a
Enfin l’agneau bêlant | quitte le pâturage ; 6+6 b
65 Ma mère sans me voir | est rentrée au village ; 6+6 b
Et déjà ma promesse | est remplie à moitié. 6+6 a
Je te vois, je te parle, | et je te donne encore 6+6 a
Ce bouquet dont l’éclat | s’est perdu sur mon sein. 6+6 b
Demande-lui si je t’adore ; 8 a
70 Moi, j’accours seulement | pour te dire : « À demain ! » 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6, 4+6, (6)
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