Métrique en Ligne
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Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
POÉSIES INÉDITES
MÉLANGES
L’EXILÉE
FRAGMENT
« Vois-tu, mon bel enfant, venir un pèlerin ? 6+6 a
Sur le roc escarpé comme il monte avec peine ! 6+6 b
Il s’arrête, il reprend haleine ; 8 b
Peut-être avec sa vie il use un long chagrin. 6+6 a
5 Rarement l’homme heureux porte au loin sa prière ; 6+6 c
L’infortuné s’isole ; il cherche, il fuit son sort ; 6+6 d
Sur l’indigent roseau parcourant sa carrière, 6+6 c
Jour par jour il s’acquitte, il achète la mort. 6+6 d
Pourquoi quitterait-il cette fraîche vallée, 6+6 a
10 Où l’âme sans repos doit dormir consolée ; 6+6 a
Où tant de ruisseaux purs l’invitent à s’asseoir ; 6+6 b
Où je voudrais, mon fils, te descendre le soir ? 6+6 b
Le soir, le jour, jamais nous n’y pouvons descendre. 6+6 a
Elle exila de nous jusques à notre cendre. 6+6 a
15 Le ciel y mit la paix ; la paix n’est pas pour nous : 6+6 b
Sera-t-elle pour toi, qui dors sur mes genoux ? » 6+6 b
Et l’enfant réveillé par la voix de sa mère, 6+6 a
L’enfant qui ne sait pas que la vie est amère, 6+6 a
Tend les bras, et son œil, touché par le soleil, 6+6 b
20 Se referme indolent sous le doigt du sommeil. 6+6 b
« Tu dors, enfant, tu dors ! et le pèlerin passe 6+6 a
Devant le vieux calvaire assis sur le rocher. 6+6 b
On dirait qu’il voltige alentour du clocher, 6+6 b
Qui jette l’heure dans l’espace : 8 a
25 Et quand je vois au loin, traînant ses pas poudreux, 6+6 c
Un voyageur courbé devant le vieux calvaire, 6+6 d
Hélas ! je dis qu’il est mon frère, 8 d
Car je crois qu’il est malheureux. 8 c
Qu’il vienne au moins chercher de l’ombre 8 a
30 Sous notre toit d’argile, afin de le bénir ; 6+6 b
Et s’il y rentre un jour, un soir d’un hiver sombre, 6+6 a
Qu’il y soit reconduit par un doux souvenir ! 6+6 b
Mon père, la chaleur vous accable et vous pèse. 6+6 a
Honorez ma maison, suspendez-y vos pas. 6+6 b
35 Sur le chemin sans fleurs qui vous attend là-bas 6+6 b
Attendez que du jour l’éclat brûlant s’apaise. 6+6 a
Oh ! de vos pieds sanglants laissez-moi prendre soin ; 6+6 c
Laissez-moi remplacer quelque absent qui vous aime. 6+6 d
Prenez pitié de ceux qui vous pleurent au loin, 6+6 c
40 En prenant pitié de vous-même ! 8 d
Asseyez-vous sur ce vieux banc, 8 e
La nuit est loin, la route est sûre ; 8 f
L’eau de la source et du lin blanc 8 e
Rafraîchiront votre blessure ! » 8 f
45 Alors le pèlerin s’assit près du bouleau, 6+6 a
Dont le vert pâle ornait l’indigente chaumière ; 6+6 b
Et ses yeux du soleil qui se jouait dans l’eau 6+6 a
Évitèrent longtemps la railleuse lumière. 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite de strophes et distiques
schéma : 1(abbacdcd) 6((aa)) 1(abbacddc) 2(abab) 1(abbacdcdefef)
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