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Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
POÉSIES INÉDITES
MÉLANGES
LA PREMIÈRE CAPTIVITÉ DE BÉRANGER
Quoi ! Béranger, quoi ! l’ami de la France, 4+6 a
L’Anacréon de nos jours orageux, 4+6 b
Au luth sonore, aux accents courageux, 4+6 b
L’amant aimé d’une jeune espérance, 4+6 a
5 Il est captif ! L’Ange aux mille couleurs, 4+6 a
Qui du poète apportait la couronne, 4+6 b
Le doux printemps qu’un air libre environne, 4+6 b
Au bruit des fers laisse tomber ses fleurs ; 4+6 a
De ses baisers la féconde merveille 4+6 a
10 Va s’épancher sur une terre en deuil, 4+6 b
Et vainement et la nymphe et l’abeille 4+6 a
De leur ami vont assiéger le seuil ! 4+6 b
Il est captif ! Muses, voilez vos charmes ! 4+6 a
On l’enchaîna dormant à vos genoux. 4+6 b
15 Pleurez, enfants, il n’est plus parmi nous ! 4+6 b
Il chante encor, mais gardé sous leurs armes. 4+6 a
Qu’a-t-il donc fait ? Quoi ! ces nobles regrets, 4+6 a
Ces vœux ardents que lui seul ose écrire, 4+6 b
Au malheur même arrachant un sourire, 4+6 b
20 Servent de voile à des complots secrets ? 4+6 a
Ah ! dans ses chants écoutez sa belle âme ! 4+6 a
Son innocence éclate en sa gaîté. 4+6 b
Le temps réserve à ses accords de flamme 4+6 a
Un vaste écho dans la postérité. 4+6 b
25 Libres alors, vers le juge inflexible 4+6 a
Ils voleront d’amour environnés. 4+6 b
Le temps dira : « Philosophe sensible, 4+6 a
Il eut des pleurs pour les infortunés. » 4+6 b
Je les ai vu errants sur l’autre rive, 4+6 a
30 Rive d’exil au triste souvenir ! 4+6 b
De Béranger la muse fugitive 4+6 a
Y vint, prophète, et parla d’avenir. 4+6 b
Son vol léger, son sourire, ses charmes, 4+6 a
Leur adoucit le sol de l’étranger : 4+6 b
35 Car sur son aile, où brillaient quelques larmes, 4+6 a
Elle apportait les chants de Béranger. 4+6 b
Ils l’écoutaient, et leurs regards avides 4+6 a
D’un ciel aimé revoyaient les couleurs ; 4+6 b
Ils s’embrassaient, et dans leurs yeux humides 4+6 a
40 L’espoir riait au milieu des douleurs. 4+6 b
Mais le vieillard, qui, loin de sa patrie, 4+6 a
D’un pied tremblant traînait les derniers pas, 4+6 b
Disait tout bas d’une voix attendrie : 4+6 a
« Toi qui me plains, je ne te verrai pas ! » 4+6 b
45 Voilà son crime, ô juges de la terre ! 4+6 a
Son indigence y versa des bienfaits. 4+6 b
Il consola le banni solitaire, 4+6 a
Et dans ses pleurs on trouve ses forfaits. 4+6 b
Qui ne tressaille au bonheur de les lire ? 4+6 a
50 Rassurez-vous, on ne peut l’imiter. 4+6 b
Mais il est pauvre ; ah ! laissez-lui sa lyre ! 4+6 a
Mais il est triste ; ah ! laissez-le chanter ! 4+6 b
Il ne croit pas ce que vous semblez croire. 4+6 a
Le seul impie a redouté sa voix. 4+6 b
55 Dieu lui dit : Cherche ! Il a trouvé la gloire. 4+6 a
Dieu lui dit : Chante ! Il a chanté ses lois. 4+6 b
Quel vide affreux répond à ma pensée ! 4+6 a
Elle ressemble aux vains soupirs des flots, 4+6 b
Et, fatigué de sa course glacée, 4+6 a
60 Le temps s’endort couronné de pavots. 4+6 b
Il est captif !… Mais quels cris ! quelle joie ! 4+6 a
Quelle espérance et quel Dieu nous l’envoie ? 4+6 a
Libre ! est-il libre ? Ô mes amis ! parlez ! 4+6 a
Libre ! il est libre ! Ô mes larmes, coulez ! 4+6 a
65 Et toi, salut ! bruyante renommée, 4+6 a
Tu dis les maux, tu dis aussi les biens. 4+6 b
Caresse encor mon oreille charmée, 4+6 a
Répète-nous qu’il n’a plus de liens. 4+6 b
Bonheur à tous ! Que le travail s’arrête ! 4+6 a
70 Jouez, enfants, car c’est un jour de fête ; 4+6 a
Trêve charmante aux maux longs et secrets, 4+6 a
Qui de mes mains fait tomber des cyprès. 4+6 a
La vie est belle, ô mes belles compagnes ! 4+6 a
Je l’aime encor, j’aime encor les campagnes ; 4+6 a
75 J’aime aux fronts purs de riantes couleurs ; 4+6 a
Nymphes, dansez ! Printemps, jetez des fleurs ! 4+6 a
mètre profil métrique : 4+6
forme globale type : suite de strophes
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