Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DES_1/DES169
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
POÉSIES INÉDITES
MÉLANGES
À MES SŒURS
J’étais enfant, l’enfance est écouteuse : 4+6 a
Sur notre beau navire emporté par les vents, 6+6 b
Entre le ciel et l’onde et nos destins mouvants, 6+6 b
Les vieux marins charmaient la route aventureuse ; 6+6 a
5 Le soir sous le grand mât circulaient leurs récits. 6+6 a
Je n’avais plus de peur alors qu’entre eux assis 6+6 a
Des voyages lointains ils commençaient l’histoire. 6+6 a
Ils ne mentaient jamais, je veux toujours le croire ; 6+6 a
Et, quand l’heure avec nous s’envolait sur les flots, 6+6 a
10 On appelait en vain, parmi les matelots, 6+6 a
Un jeune passager dont la vue attentive 6+6 a
Poursuivait tristement la vague fugitive. 6+6 a
On eût dit que si jeune, et si triste, et si beau, 6+6 a
Sur cette route humide il voyait un tombeau. 6+6 a
15 Un soir que le vaisseau, bondissant sous ses voiles, 6+6 a
Formait un long sentier tout scintillant d’étoiles, 6+6 a
En regardant s’ouvrir ce sillage éclatant, 6+6 a
Je disais : « Conduit-il au bonheur qui m’attend ? » 6+6 a
Je croyais qu’une fée, en épurant les ondes, 6+6 a
20 Pour tracer au navire un lumineux chemin, 6+6 b
Brûlait des lampes d’or sous les vagues profondes ; 6+6 a
Et moi, pour l’en bénir, je lui tendais la main. 6+6 b
À mes yeux fascinés la belle Néréide 6+6 a
Errait, sans se mouiller, dans son palais humide ; 6+6 a
25 Je voyais son front calme orné de diamants, 6+6 a
Et dans le frais cristal glisser ses pieds charmants. 6+6 a
Je tressaillais de crainte, et de joie, et d’envie ; 6+6 a
J’aurais voulu près d’elle aller passer ma vie : 6+6 a
Car je rêvais encor ces contes qu’autrefois, 6+6 a
30 Pour m’endormir, ma mère enchantait de sa voix ! 6+6 a
Peut-être à mon berceau quelque aimable marraine 6+6 a
D’un talisman secret avait doté mon sort ; 6+6 b
Peut-être que des flots elle était souveraine, 6+6 a
Et que ses doux regards me protégeaient encor… 6+6 b
35 Un soupir dissipa la scène de féerie : 6+6 a
Le jeune homme sur l’onde était aussi penché. 6+6 b
Je me souvins alors que je l’avais cherché 6+6 b
Et que l’on m’envoyait troubler sa rêverie ; 6+6 a
Car déjà le soleil s’éteignait dans les flots, 6+6 a
40 Et les récits du soir charmaient les matelots. 6+6 a
« Viens ! lui dis-je, on t’attend. Vois ! la mer est tranquille. 6+6 a
Il faut conter : pourquoi ne parles-tu jamais ? 6+6 b
Des joyeux passagers quelle douleur t’exile ? 6+6 a
Pleures-tu ton pays ? eh bien ! si tu l’aimais, 6+6 b
45 Viens en parler longtemps. Moi, j’ai quitté la France, 6+6 a
Mais j’en parle, et la plainte éveille l’espérance. 6+6 a
Vois-tu ! le même ciel nous aime et nous conduit ; 6+6 a
L’étoile qui m’éclaire est celle qui te luit ; 6+6 a
Sa lueur au navire annonce un vent prospère, 6+6 a
50 Et moi, je reverrai la maison de mon père ! 6+6 a
Toi, n’as-tu pas un père ? et n’est-ce pas pour lui 6+6 a
Que l’on t’a vu prier en pleurant aujourd’hui ? 6+6 a
Ne pleure plus. Écoute ! On chante au bruit des ondes ! 6+6 a
Que cet air est charmant ! C’est un écho français. 6+6 b
55 Dans nos humbles vallons que je le chérissais ! 6+6 b
Viens l’apprendre : il t’appelle, il faut que tu répondes. » 6+6 a
Et le jeune inconnu, moins farouche à ma voix, 6+6 a
Vint au cercle conteur prendre place une fois. 6+6 a
Ce qui m’a fait pleurer, jamais je ne l’oublie : 6+6 a
60 C’est un songe du cœur, il survit au réveil. 6+6 b
Si le charme en pouvait deux fois être pareil, 6+6 b
Mes sœurs, je vous dirais, dans sa mélancolie, 6+6 a
Ce songe, qu’en parlant j’écoute encor tout bas ; 6+6 a
Mais il est des accents que l’on n’imite pas ! 6+6 a
mètre profils métriques : (4+6), 6+6
logo du CRISCO logo de l'université