Métrique en Ligne
DES_1/DES158
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
POÉSIES INÉDITES
MÉLANGES
ÉLÉGIE
Un jour, écoute… un jour, j’étais bien malheureuse ! 6+6 a
Je marchais, je traînais une tristesse affreuse, 6+6 a
À travers la distance, et les monts et les bois, 6+6 a
Et l’air, qui m’empêchait de ressaisir ta voix, 6+6 a
5 Je te reconnaissais. Obstinée à t’attendre, 6+6 a
Mon âme me disait : « Parle ! il va nous entendre ; 6+6 a
Parle ! ou, sans toi, vers lui laisse-moi m’échapper. 6+6 a
De silence et de pleurs pourquoi m’envelopper ? 6+6 a
Ah ! je veux mes amours ! Le feu cherche la flamme ; 6+6 a
10 L’âme demande l’âme ; 6 a
Et toi, tu veux mourir ! La cendre de l’orgueil 6+6 a
Se répand sur tes jours et m’éteint dans le deuil. 6+6 a
De ton timide cœur brûlante prisonnière, 6+6 a
Je consume ta vie, et j’appelle les cieux : 6+6 b
15 Regarde ! Ils sont là-bas, dans ses traits, dans ses yeux. 6+6 b
Rends-les moi ! Cette grâce, au moins, c’est la première. » 6+6 a
« — Oh ! taisez-vous, mon âme, il n’y faut plus songer. 6+6 a
Qu’il ignore à jamais ce délire funeste ! 6+6 b
Dans de folles amours, qui ? moi le replonger ? 6+6 a
20 Moi, troubler son bonheur ? C’est celui qui me reste ! » 6+6 b
Et je ne donnai plus de voix à mes douleurs ; 6+6 a
De ton séjour heureux je détournai la vue ; 6+6 b
La prière m’offrit sa douceur imprévue ; 6+6 b
Je respirai d’attendre, et je fondis en pleurs. 6+6 a
25 Dieu m’écouta peut-être : une larme le touche ; 6+6 a
Il savait bien le nom que retenait ma bouche ; 6+6 a
Et c’est lui qui permet que, sans nous rencontrer, 6+6 a
Ton image partout vienne à moi se montrer ; 6+6 a
Partout !… Tu m’apparais jusque dans ton enfance ; 6+6 a
30 Je te vois rire, à la vie, à tes jeux ; 4+6 b
Si quelque objet blesse tes jeunes yeux, 4+6 b
Je suis ton guide, et je prends ta défense ; 4+6 a
Je m’agenouille au pied de ton berceau ; 4+6 a
Adolescent, je te suis dans ta course. 4+6 b
35 Ainsi, le pâtre aime à trouver la source 4+6 b
D’où échappa son ami, le ruisseau ! 4+6 a
Dans les vallons où vivait ma famille, 4+6 a
Je sens tes jours couler près de mes jours ; 4+6 b
Tu n’y descends que pour une humble fille, 4+6 a
40 Et nos deux noms se répondent toujours ! 4+6 b
Au vieux calvaire où mouraient mes guirlandes, 4+6 a
Nos vœux unis vont se réfugier ; 4+6 b
Je t’associe à mes pures offrandes ; 4+6 a
Ton bras m’enlace, et je t’entends prier. 4+6 b
45 Parfois l’Amour, d’un flambeau plus austère, 4+6 a
De l’avenir dissipe le brouillard. 4+6 b
Tu m’es rendu sous les traits d’un vieillard ; 4+6 b
Pour l’amour vrai, le temps est sans mystère. 4+6 a
Vieillard, je t’aime ! Un charme déchirant 4+6 a
50 Me fait chercher la main qui m’a blessée ; 4+6 b
Elle me touche… elle n’est point glacée. 4+6 b
Et sur mon sein je la presse en pleurant. 4+6 a
Qui voudrait m’arracher ces tendres rêveries, 6+6 a
Où tes regards émus, sur les miens attachés, 6+6 b
55 Relisent nos secrets dans mon âme cachés ! 6+6 b
Où ma main dans tes mains brûlantes et chéries 6+6 a
Tombe, et reste longtemps, comme si le bonheur 6+6 a
Les unissait encore et remplissait mon cœur ! 6+6 a
mètre profils métriques : 6+6, 4+6, (6)
forme globale type : suite de strophes
schéma : 9[aa] 7[abba] 3[abab]
logo du CRISCO logo de l'université