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P = préposition
C = clitique
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F = "e" féminin
| = césure
DES_1/DES143
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
POÉSIES DIVERSES
LE PÉLICAN
OU LES DEUX MÈRES
Tout perdu dans le soin de sa jeune famille, 6+6 a
Sur la vague qui passe, et qui roule, et qui brille, 6+6 a
Un Pélican s’incline, et saisit les poissons 6+6 a
Qu’il offre en espérance à ses chers nourrissons. 6+6 a
5 Sans affaire, et livrée à l’amour d’elle-même, 6+6 a
L’Autruche, en digérant, vient le long du rocher. 6+6 b
Son repas est fini, qu’aurait-elle à chercher ? 6+6 b
Elle porte tout ce qu’elle aime. 8 a
« Grand dieu ! d’où venez-vous ?» dit-elle au tendre oiseau 6+6 a
10 Dont la poitrine est ouverte et sanglante. 4+6 b
« Sortez-vous d’un combat, d’un piège, d’un réseau ? 6+6 a
Le coup est-il mortel ? j’en suis presque tremblante. 6+6 b
Parlez donc ! quelle flèche ou quel ongle assassin 6+6 a
Vous déchira le sein ? 6 a
15 Vous faites peur. — C’est moi, c’est un peu de ma vie, 6+6 a
Répond le Pélican à sa pêche assidu. 6+6 b
Vous allez me porter envie : 8 a
Mes petits avaient faim : mon sang n’est pas perdu, 6+6 b
Je l’ai versé pour eux. — Quoi ! dit l’autre irritée, 6+6 a
20 Votre sang !… taisez-vous ! on ne peut sans horreur 6+6 b
Supporter dans l’amour cet excès de fureur ; 6+6 b
Il soulève, il repousse, et j’en suis révoltée. 6+6 a
Vous perdez le bon sens, vos petits vous tueront, 6+6 a
Et les oiseaux riront. 6 a
25 Laissez ces préjugés aux tendres tourterelles. 6+6 a
L’amour est un besoin qu’il est doux d’éprouver, 6+6 b
Mais je n’aurais point d’œufs s’il fallait les couver. 6+6 b
Quel emploi, quel ennui d’étendre ainsi les ailes, 6+6 a
De garder la maison, d’y mourir de chaleur ! 6+6 a
30 L’hymen n’est donc pour vous qu’un travail, un malheur ? 6+6 a
Se torturer le flanc, s’appauvrir l’existence, 6+6 a
Mourir, pour satisfaire à l’importune instance 6+6 a
De petits jeunes dévorants, 8 a
Dont les cris déchirants 6 a
35 Troublent et le somme et la veille ! 8 a
D’en parler seulement je me blesse l’oreille. 6+6 a
Ce fanatisme fait pitié ; 8 a
Toutefois, s’il est temps, écoutez l’amitié. 6+6 a
Mon exemple peut vous instruire. 8 a
40 Loin de couver, de me détruire, 8 a
Au hasard je laisse mes œufs : 8 a
Le ciel veille sur moi, le ciel veille sur eux. 6+6 a
Je ne me charge pas de ce soin haïssable. 6+6 a
Je suis mère pourtant, je les couvre de sable. 6+6 a
45 Si la pluie et l’orage, et les vents tour à tour, 6+6 a
Ne les écrasent pas avant de naître au jour, 6+6 a
Si le Milan ne les dévore, 8 a
La chaleur du soleil enfin les fait éclore ; 6+6 a
La nature en prend soin, et tous les éléments 6+6 a
50 Composent mieux que moi leurs premiers aliments. 6+6 a
Ils s’envolent alors et vont chercher fortune. 6+6 a
Je n’ai pas supporté leur enfance importune. 6+6 a
Ce qu’ils deviennent, je ne sais ; 8 a
Je me porte bien, c’est assez. 8 a
55 — Méchante ! ah ! méchante endurcie ! 8 a
De quel aveuglement ton âme est obscurcie ! 6+6 a
Tu n’as donc d’une mère obtenu que le nom ? 6+6 a
Va ! tu glaces mon cœur, tu blesses ma raison. 6+6 a
Quoi ! te déshériter des larmes d’une mère, 6+6 a
60 De ses tourments délicieux, 8 b
De ses plaisirs silencieux, 8 b
Où tout est volupté bien que parfois amère ! 6+6 a
Quand je sens mes petits s’agiter sous mon sein, 6+6 a
Quand leurs cris me disent : « J’ai faim ! » 8 a
65 Oh ! quel bonheur j’éprouve à leur donner ma vie ! 6+6 a
Mais ma douce blessure est promptement guérie. 6+6 a
On dirait que l’extrême amour 8 a
Renaît sans cesse de lui-même : 8 b
On le prodigue en vain, comme le feu du jour, 6+6 a
70 Il se ranime encor pour nourrir ce qu’il aime. 6+6 b
Va chercher tes enfants ; tu me remercîras, 6+6 a
Si tu peux les trouver et devenir sensible : 6+6 b
Ton sort, au milieu d’eux, s’écoulera paisible. 6+6 b
Va ! ne crains plus la mort : sois mère, tu vivras ! » 6+6 a
mètre profils métriques : 8, 6, 6+6, (4+6)
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