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Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
POÉSIES DIVERSES
LA MOUCHE BLEUE
Humble fille de l’air, mouche bleue et gentille, 6+6 a
Qui rafraîchis ton vol sur d’humides roseaux, 6+6 b
N’es-tu pas le nain des oiseaux ? 8 b
Non ! tu ne chantes pas, légère volatile, 6+6 a
5 Tu n’as point de plumage, et ton rapide essor 6+6 a
M’en fait mieux admirer l’invisible ressort. 6+6 a
Tu ris de l’oiseleur, tu fais sauver sa joie, 6+6 a
Ton piquant aiguillon le distrait de sa proie, 6+6 a
Et ton bourdonnement moqueur 8 a
10 Lui nomme impunément son agile vainqueur. 6+6 a
Tu montes jusqu’aux cieux, les ailes étendues ; 6+6 a
Un rayon de soleil te guide et te soutient ; 6+6 b
Ta famille dansante et s’y joue et s’y tient, 6+6 b
Comme un essaim de fleurs dans les airs répandues. 6+6 a
15 Qu’il est gai de te voir t’y balancer longtemps, 6+6 a
Descendre vers la terre, et remonter encore, 6+6 b
Y chercher, renaissante au souffle du printemps, 6+6 a
Sur la robe de gaze un reflet de l’aurore ! 6+6 b
Violette vivante ! à ce peu qu’il t’a fait, 6+6 a
20 Le Ciel donna le monde, imprima la pensée, 6+6 b
Le sentiment, l’amour ! et, sans remords blessée, 6+6 b
Pour toi, du moins, l’amour n’est qu’un bienfait ! 4+6 a
Je m’amuse à rêver sur ton frêle édifice 6+6 a
Soutenu de frêles piliers, 8 b
25 Si polis et si réguliers, 8 b
Qu’on les croirait mouvants par artifice. 4+6 a
Hélas ! dans l’âge le plus fort, 8 a
Comme toi l’homme tombe ; et ce maître du monde 6+6 b
N’a plus d’ami qui le seconde 8 b
30 Dans son duel avec la Mort 8 a
Ô mouche ! que ton être occupa mon enfance ! 6+6 a
Combien, lorsqu’attristant mon paisible loisir 6+6 b
Quelque enfant sous mes yeux accourait te saisir, 6+6 b
Mes larmes prenaient ta défense ! 8 a
35 Petite philosophe, on a médit de toi : 6+6 a
J’en veux à la fourmi qui t’a cherché querelle. 6+6 b
Un printemps fait ta vie, en jouir est ta loi ; 6+6 a
Es-tu moins prévoyante, es-tu moins riche qu’elle ? 6+6 b
Esclave de la terre, elle y rampe toujours ; 6+6 a
40 Ses trésors souterrains sont clos à l’indigence ; 6+6 b
Et, quand il a rempli son avare exigence, 6+6 b
Du ciron malheureux elle abrège les jours. 6+6 a
Pour toi, souvent rêveuse et souvent endormie, 6+6 a
Je t’observe partout avec des yeux d’amie : 6+6 a
45 Quand la nature est triste, il ne te faut plus rien, 6+6 a
Et tu romps avec elle un fragile lien. 6+6 a
Oh ! puisse l’âpre hiver épargner ta faiblesse ! 6+6 a
Que l’aquilon jamais ne te soit rigoureux ! 6+6 b
Que ton corps délicat, qu’un rien détruit ou blesse, 6+6 a
50 Trouve contre la brume un foyer généreux ! 6+6 b
Atome voyageur ! en passant les montagnes, 6+6 a
Les ruisseaux, les chemins, les cités, les campagnes, 6+6 a
Que Dieu te sauve, hélas ! et du bec d’un oiseau, 6+6 a
Et de l’insecte au fin réseau ! 8 a
mètre profils métriques : 8, 6+6, 4+6
forme globale type : suite de strophes
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