Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DEL_2/DEL5
Jacques DELILLE
L'Homme des champs
ou
Les Géorgiques françaises
1800
PREMIER CHANT
Boileau jadis a pu, | d'une imposante voix, 6+6 a
Dicter de l'art des vers | les rigoureuses lois ; 6+6 a
Le chantre de Mantoue | a pu des champs dociles 6+6 b
Hâter les dons tardifs | par des leçons utiles : 6+6 b
5 Mais quoi ! L'art de jouir, | et de jouir des champs, 6+6 a
Se peut-il enseigner ? | Non sans doute, et mes chants, 6+6 a
Des austères leçons | fuyant le ton sauvage, 6+6 b
Viennent de la nature | offrir la douce image, 6+6 b
Inviter les mortels | à s'en laisser charmer : 6+6 a
10 Apprendre à la bien voir, | c'est apprendre à l'aimer. 6+6 a
Inspirez donc mes vers, | lieux charmans, doux asiles, 6+6 b
Où la vie est plus pure, | où les cœurs, plus tranquilles, 6+6 b
Ne se reprochent point | le plaisir qu'ils ont eu ! 6+6 a
Qui fait aimer les champs, | fait aimer la vertu : 6+6 a
15 Ce sont les vrais plaisirs, | les vrais biens que je chante. 6+6 b
Mais peu savent goûter | leur volupté touchante : 6+6 b
Pour les bien savourer, | c'est trop peu que des sens ; 6+6 a
Il faut une âme pure | et des goûts innocens. 6+6 a
Toutefois n'allons pas, | déclamateurs stériles, 6+6 b
20 Affliger de conseils | tristement inutiles 6+6 b
Nos riches d'autrefois, | nos pauvres Lucullus, 6+6 a
Errans sur les débris | d'un luxe qui n'est plus : 6+6 a
On a trop parmi nous | réformé l'opulence ! 6+6 b
Mais je ne parle pas | seulement à la France ; 6+6 b
25 Ainsi que tous les temps, | j'embrasse tous les lieux. 6+6 a
Ô vous qui dans les champs | prétendez vivre heureux, 6+6 a
N'offrez qu'un encens pur | aux déités champêtres. 6+6 b
Héritier corrompu | de ses simples ancêtres, 6+6 b
Ce riche qui, d'avance | usant tous ses plaisirs, 6+6 a
30 Ainsi que son argent | tourmente ses désirs, 6+6 a
S'écrie à son lever : |« que la ville m'ennuie ! 6+6 b
« Volons aux champs ; c'est là | qu'on jouit de la vie, 6+6 b
« Qu'on est heureux. » il part, | vole, arrive ; l'ennui 6+6 a
Le reçoit à la grille, | et se traîne avec lui. 6+6 a
35 À peine il a de l'œil | parcouru son parterre, 6+6 b
Et son nouveau kiosk, | et sa nouvelle serre ; 6+6 b
Les relais sont mandés : | lassé de son château, 6+6 a
Il part, et court bâiller | à l'opéra nouveau. 6+6 a
Ainsi, changeant toujours | de dégoûts et d'asile, 6+6 b
40 Il accuse les champs, | il accuse la ville ; 6+6 b
Tous deux sont innocens, | le tort est à son cœur : 6+6 a
Un vase impur aigrit | la plus douce liqueur. 6+6 a
Le doux plaisir des champs | fuit une pompe vaine : 6+6 b
L'orgueil produit le faste, | et le faste la gêne. 6+6 b
45 Tel est l'homme ; il corrompt | et dénature tout. 6+6 a
Qu'au milieu des cités | son superbe dégoût 6+6 a
Ait transporté les bois, | les fleurs et la verdure ; 6+6 b
Je lui pardonne encor : | j'aime à voir la nature, 6+6 b
Toujours chassée en vain, | vengeant toujours ses droits, 6+6 a
50 Rentrer à force d'art | chez les grands et les rois. 6+6 a
Mais je vois en pitié | le Crésus imbécille 6+6 b
Qui jusque dans les champs | me transporte la ville : 6+6 b
Avec pompe on le couche, | on l'habille, on le sert ; 6+6 a
Et Mondor au village | est à son grand couvert. 6+6 a
55 Bien plus à plaindre encor | les jeunes téméraires 6+6 b
Qui, lassés tout à coup | du manoir de leurs pères, 6+6 b
Vont sur le grand théâtre, | ennuyés à grands frais, 6+6 a
Transporter leurs champarts, | leurs moulins, leurs forêts ; 6+6 a
Des puissances du jour | assiégent la demeure, 6+6 b
60 Pour qu'un regard distrait | en passant les effleure, 6+6 b
Ou que par l'homme en place | un mot dit de côté 6+6 a
D'un faux air de crédit | flatte leur vanité. 6+6 a
Malheureux qui bientôt | reviendront, moins superbes, 6+6 b
Et vendanger leur vigne | et recueillir leurs gerbes, 6+6 b
65 Et sauront qu'il vaut mieux, | sous leurs humbles lambris, 6+6 a
Vivre heureux au hameau | qu'intrigant à Paris. 6+6 a
Et vous qui de la cour | affrontez les tempêtes, 6+6 b
Qu'ont de commun les champs | et le trouble où vous êtes ? 6+6 b
Vous y paroissez peu ; | c'est un gîte étranger, 6+6 a
70 De votre inquiétude | hospice passager. 6+6 a
Qu'un jour vous gémirez | de vos erreurs cruelles ! 6+6 b
Les flatteurs sont ingrats : | vos arbres sont fidèles, 6+6 b
Sont des hôtes plus sûrs, | de plus discrets amis, 6+6 a
Et tiennent beaucoup mieux | tout ce qu'ils ont promis. 6+6 a
75 Désertant des cités | la foule solitaire, 6+6 b
D'avance venez donc | apprendre à vous y plaire. 6+6 b
Cultivez vos jardins, | volez quelques instans 6+6 a
Aux projets des cités, | pour vos projets des champs ; 6+6 a
Et si vous n'aimez point | la campagne en vrai sage, 6+6 b
80 La vanité du moins | chérira son ouvrage. 6+6 b
Cependant, pour charmer | ces champêtres loisirs, 6+6 a
La plus belle retraite | a besoin de plaisirs. 6+6 a
Choisissons ; mais d'abord | n'ayons pas la folie 6+6 b
De transporter aux champs | Melpomène et Thalie : 6+6 b
85 Non qu'au séjour des grands | j'interdise ces jeux, 6+6 a
Cette pompe convient | à leurs châteaux pompeux ; 6+6 a
Mais sous nos humbles toits | ces scènes théâtrales 6+6 b
Gâtent le doux plaisir | des scènes pastorales. 6+6 b
Avec l'art des cités | arrive leur vain bruit ; 6+6 a
90 L'étalage se montre, | et la gaîté s'enfuit. 6+6 a
Puis, quelquefois les mœurs | se sentent des coulisses, 6+6 b
Et souvent le boudoir | y choisit ses actrices. 6+6 b
Joignez-y ce tracas | de sotte vanité, 6+6 a
Et les haines naissant | de la rivalité : 6+6 a
95 C'est à qui sera jeune, | amant, prince ou princesse ; 6+6 b
Et la troupe est souvent | un beau sujet de pièce. 6+6 b
Vous dirai-je l'oubli | de soins plus importans, 6+6 a
Les devoirs immolés | à de vains passe-temps ? 6+6 a
Tel néglige ses fils | pour mieux jouer les pères ; 6+6 b
100 Je vois une Mérope, | et ne vois point de mères : 6+6 b
L'homme fait place au mime, | et le sage au bouffon. 6+6 a
Néron, bourreau de Rome, | en étoit l'histrion : 6+6 a
Tant l'homme se corrompt | alors qu'il se déplace ! 6+6 b
Laissez donc à Molé, | cet acteur plein de grâce, 6+6 b
105 Aux Fleuris, aux Sainvals, | ces artistes chéris, 6+6 a
L'art d'embellir la scène | et de charmer Paris ; 6+6 a
Charmer est leur devoir : | vous, pour qu'on vous estime, 6+6 b
Soyez l'homme des champs ; | votre rôle est sublime. 6+6 b
Et quel charme touchant | ne promettent-ils pas 6+6 a
110 À des yeux exercés, | à des sens délicats ! 6+6 a
Insensible habitant | des champêtres demeures, 6+6 b
Sans distinguer les lieux, | les saisons et les heures, 6+6 b
Le vulgaire au hasard | jouit de leur beauté : 6+6 a
Le sage veut choisir. | Tantôt la nouveauté 6+6 a
115 Embellit les objets ; | tantôt leur déclin même 6+6 b
Aux objets fugitifs | prête un charme qu'on aime : 6+6 b
Le cœur vole au plaisir | que l'instant a produit, 6+6 a
Et cherche à retenir | le plaisir qui s'enfuit. 6+6 a
Ainsi l'âme jouit, | soit qu'une fraîche aurore 6+6 b
120 Donne la vie aux fleurs | qui s'empressent d'éclore, 6+6 b
Soit que l'astre du monde, | en achevant son tour, 6+6 a
Jette languissamment | les restes d'un beau jour. 6+6 a
Tel, quand des fiers combats | Homère se repose, 6+6 b
Il aime à colorer | l'aurore aux doigts de rose : 6+6 b
125 Tel le brillant Lorrain, | de son pinceau touchant, 6+6 a
Souvent dore un beau ciel | des rayons du couchant. 6+6 a
Étudiez aussi | les momens de l'année : 6+6 b
L'année a son aurore, | ainsi que la journée. 6+6 b
Ah ! Malheureux qui perd | un spectacle si beau ! 6+6 a
130 Le jeune papillon, | échappé du tombeau, 6+6 a
Qui sur les fruits naissans, | qui sur les fleurs nouvelles, 6+6 b
S'envole frais, brillant, | épanoui comme elles, 6+6 b
Jouit moins au sortir | de sa triste prison, 6+6 a
Que le sage au retour | de la belle saison. 6+6 a
135 Adieu des paravents | l'ennuyeuse clôture, 6+6 b
Adieu livres poudreux, | adieu froide lecture ! 6+6 b
Du grand livre des champs | les trésors sont ouverts : 6+6 a
Partons, que les beaux lieux | me rendent les beaux vers ! 6+6 a
Si des beaux jours naissans | on chérit les prémices, 6+6 b
140 Les beaux jours expirans | ont aussi leurs délices ; 6+6 b
Dans l'automne, ces bois, | ces soleils pâlissans, 6+6 a
Intéressent notre âme, | en attristant nos sens : 6+6 a
Le printemps nous inspire | une aimable folie ; 6+6 b
L'automne, les douceurs | de la mélancolie. 6+6 b
145 On revoit les beaux jours | avec ce vif transport 6+6 a
Qu'inspire un tendre ami | dont on pleuroit la mort : 6+6 a
Leur départ, quoique triste, | à jouir nous invite ; 6+6 b
Ce sont les doux adieux | d'un ami qui nous quitte ; 6+6 b
Chaque instant qu'il accorde | on aime à le saisir, 6+6 a
150 Et le regret lui-même | augmente le plaisir. 6+6 a
Majestueux été, | pardonne à mon silence ! 6+6 b
J'admire ton éclat, | mais crains ta violence, 6+6 b
Et je n'aime à te voir | qu'en de plus doux instans, 6+6 a
Avec l'air de l'automne, | ou les traits du printemps. 6+6 a
155 Que dis-je ? Ah ! Si tes jours | fatiguent la nature, 6+6 b
Que tes nuits ont de charme, | et quelle fraîcheur pure 6+6 b
Vient remplacer des cieux | le brûlant appareil ! 6+6 a
Combien l'œil, fatigué | des pompes du soleil, 6+6 a
Aime à voir de la nuit | la modeste courrière 6+6 b
160 Revêtir mollement | de sa pâle lumière, 6+6 b
Et le sein des vallons, | et le front des coteaux ; 6+6 a
Se glisser dans les bois, | et trembler dans les eaux ! 6+6 a
L'hiver, je l'avoûrai, | je suis l'ami des villes : 6+6 b
Là des charmes ravis | aux campagnes fertiles, 6+6 b
165 Grâce au pinceau flatteur, | aux sons harmonieux, 6+6 a
L'image frappe encor | mon oreille et mes yeux ; 6+6 a
Et j'aime à comparer, | dans ce portrait fidèle, 6+6 b
Le peintre à la nature | et l'image au modèle. 6+6 b
Si pourtant dans les champs | l'hiver retient mes pas, 6+6 a
170 L'hiver a ses beautés. | Que j'aime et des frimats 6+6 a
L'éclatante blancheur, | et la glace brillante, 6+6 b
En lustres azurés | à ces roches pendante ! 6+6 b
Et quel plaisir encor, | lorsqu'échappé dans l'air 6+6 a
Un rayon du printemps | vient embellir l'hiver, 6+6 a
175 Et, tel qu'un doux souris | qui naît parmi des larmes, 6+6 b
À la campagne en deuil | rend un moment ses charmes ! 6+6 b
Qu'on goûte avec transport | cette faveur des cieux ! 6+6 a
Quel beau jour peut valoir | ce rayon précieux, 6+6 a
Qui, du moins un moment, | console la nature ! 6+6 b
180 Et si mon œil rencontre | un reste de verdure 6+6 b
Dans les champs dépouillés, | combien j'aime à le voir ! 6+6 a
Aux plus doux souvenirs | il mêle un doux espoir, 6+6 a
Et je jouis, malgré | la froidure cruelle, 6+6 b
Des beaux jours qu'il promet, | des beaux jours qu'il rappelle. 6+6 b
185 Le ciel devient-il sombre ? | Eh bien ! Dans ce salon, 6+6 a
Près d'un chêne brûlant, | j'insulte à l'aquilon. 6+6 a
Dans cette chaude enceinte, | avec goût éclairée, 6+6 b
Mille doux passe-temps | abrègent la soirée. 6+6 b
J'entends ce jeu bruyant | où, le cornet en main, 6+6 a
190 L'adroit joueur calcule | un hasard incertain. 6+6 a
Chacun sur le damier | fixe, d'un œil avide, 6+6 b
Les cases, les couleurs, | et le plein et le vide : 6+6 b
Les disques noirs et blancs | volent du blanc au noir ; 6+6 a
Leur pile croît, décroît. | Par la crainte et l'espoir 6+6 a
195 Battu, chassé, repris, | de sa prison sonore 6+6 b
Le dez avec fracas | part, rentre, part encore ; 6+6 b
Il court, roule, s'abat : | le nombre a prononcé. 6+6 a
Plus loin, dans ses calculs | gravement enfoncé, 6+6 a
Un couple sérieux | qu'avec fureur possède 6+6 b
200 L'amour du jeu rêveur | qu'inventa Palamède, 6+6 b
Sur des carrés égaux, | différens de couleur, 6+6 a
Combattant sans danger, | mais non pas sans chaleur, 6+6 a
Par cent détours savans | conduit à la victoire 6+6 b
Ses bataillons d'ébène | et ses soldats d'ivoire. 6+6 b
205 Long-temps des camps rivaux | le succès est égal : 6+6 a
Enfin l'heureux vainqueur | donne l'échec fatal, 6+6 a
Se lève, et du vaincu | proclame la défaite. 6+6 b
L'autre reste atterré | dans sa douleur muette, 6+6 b
Et, du terrible mat | à regret convaincu, 6+6 a
210 Regarde encor long-temps | le coup qui l'a vaincu. 6+6 a
Ailleurs c'est le piquet | des graves douairières, 6+6 b
Le lotto du grand-oncle, | et le wisk des grand-pères. 6+6 b
Là, sur un tapis vert, | un essaim étourdi 6+6 a
Pousse contre l'ivoire | un ivoire arrondi ; 6+6 a
215 La blouse le reçoit. | Mais l'heure de la table 6+6 b
Désarme les joueurs ; | un flacon délectable 6+6 b
Verse avec son nectar | les aimables propos, 6+6 a
Et, comme son bouchon, | fait partir les bons mots. 6+6 a
On se lève, on reprend | sa lecture ordinaire, 6+6 b
220 On relit tout Racine, | on choisit dans Voltaire. 6+6 b
Tantôt un bon roman | charme le coin du feu : 6+6 a
Hélas ! Et quelquefois | un bel esprit du lieu 6+6 a
Tire un traître papier ; | il lit, l'ennui circule. 6+6 b
L'un admire en bâillant | l'assommant opuscule, 6+6 b
225 Et d'un sommeil bien franc | l'autre dormant tout haut 6+6 a
Aux battemens de mains | se réveille en sursaut. 6+6 a
On rit ; on se remet | de la triste lecture ; 6+6 b
On tourne un madrigal, | on conte une aventure. 6+6 b
Le lendemain promet | des plaisirs non moins doux, 6+6 a
230 Et la gaîté revient, | exacte au rendez-vous. 6+6 a
Ainsi dans l'hiver même | on connoît l'allégresse. 6+6 b
Ce n'est plus ce dieu sombre, | amant de la tristesse ; 6+6 b
C'est un riant vieillard, | qui sous le faix des ans 6+6 a
Connoît encor la joie, | et plaît en cheveux blancs. 6+6 a
235 En tableaux variés | les beaux jours plus fertiles 6+6 b
Ont des plaisirs plus vifs, | des scènes moins tranquilles. 6+6 b
Eh ! Qui de ses loisirs | peut mettre alors l'espoir 6+6 a
Dans ces tristes cartons | peints de rouge et de noir ? 6+6 a
L'homme veut des plaisirs ; | mais leurs pures délices 6+6 b
240 Ont besoin de santé, | la santé d'exercices. 6+6 b
Laissez donc à l'hiver, | laissez à la cité, 6+6 a
Tous ces jeux où la sombre | et morne oisiveté, 6+6 a
Pour assoupir l'ennui | réveillant l'avarice, 6+6 b
Se plaît dans un tourment | et s'amuse d'un vice. 6+6 b
245 Loin ces tristes tapis ! | L'air, l'onde et les forêts 6+6 a
De leurs jeux innocens | vous offrent les attraits, 6+6 a
Et la guerre des bois, | et les piéges des ondes. 6+6 b
Compagne des Silvains, | des nymphes vagabondes, 6+6 b
Muse, viens, conduis-moi | dans leurs sentiers déserts : 6+6 a
250 Le spectacle des champs | dicta les premiers vers. 6+6 a
Sous ces saules touffus, | dont le feuillage sombre 6+6 b
À la fraîcheur de l'eau | joint la fraîcheur de l'ombre, 6+6 b
Le pêcheur patient | prend son poste sans bruit, 6+6 a
Tient sa ligne tremblante, | et sur l'onde la suit. 6+6 a
255 Penché, l'œil immobile, | il observe avec joie 6+6 b
Le liége qui s'enfonce | et le roseau qui ploie. 6+6 b
Quel imprudent, surpris | au piége inattendu, 6+6 a
À l'hameçon fatal | demeure suspendu ? 6+6 a
Est-ce la truite agile, | ou la carpe dorée, 6+6 b
260 Ou la perche étalant | sa nageoire pourprée ; 6+6 b
Ou l'anguille argentée, | errante en longs anneaux ; 6+6 a
Ou le brochet glouton, | qui dépeuple les eaux ? 6+6 a
Aux habitans de l'air | faut-il livrer la guerre ? 6+6 b
Le chasseur prend son tube, | image du tonnerre ; 6+6 b
265 Il l'élève au niveau | de l'œil qui le conduit ; 6+6 a
Le coup part, l'éclair brille, | et la foudre le suit. 6+6 a
Quels oiseaux va percer | la grêle meurtrière ? 6+6 b
C'est le vanneau plaintif, | errant sur la bruyère : 6+6 b
C'est toi, jeune alouette, | habitante des airs ! 6+6 a
270 Tu meurs en préludant | à tes tendres concerts. 6+6 a
Mais pourquoi célébrer | cette lâche victoire, 6+6 b
Ces triomphes sans fruits | et ces combats sans gloire ? 6+6 b
Ô muse, qui souvent, | d'une si douce voix, 6+6 a
Imploras la pitié | pour les chantres des bois, 6+6 a
275 Ah ! Dévoue à la mort | l'animal dont la tête 6+6 b
Présente à notre bras | une digne conquête, 6+6 b
L'ennemi des troupeaux, | l'ennemi des moissons. 6+6 a
Mais quoi ! Du cor bruyant | j'entends déjà les sons ; 6+6 a
L'ardent coursier déjà | sent tressaillir ses veines, 6+6 b
280 Bat du pied, mord le frein, | sollicite les rênes. 6+6 b
À ces apprêts de guerre, | au bruit des combattans, 6+6 a
Le cerf frémit, s'étonne | et balance long-temps. 6+6 a
Doit-il loin des chasseurs | prendre son vol rapide ? 6+6 b
Doit-il leur opposer | son audace intrépide ? 6+6 b
285 De son front menaçant | ou de ses pieds légers, 6+6 a
À qui se fîra-t-il | dans ces pressans dangers ? 6+6 a
Il hésite long-temps : | la peur enfin l'emporte ; 6+6 b
Il part, il court, il vole : | un moment le transporte 6+6 b
Bien loin de la forêt, | et des chiens et du cor. 6+6 a
290 Le coursier, libre enfin, | s'élance et prend l'essor ; 6+6 a
Sur lui l'ardent chasseur | part comme la tempête, 6+6 b
Se penche sur ses crins, | se suspend sur sa tête. 6+6 b
Il perce les taillis, | il rase les sillons, 6+6 a
Et la terre sous lui | roule en noirs tourbillons. 6+6 a
295 Cependant le cerf vole, | et les chiens sur sa voie 6+6 b
Suivent ces corps légers | que le vent leur envoie ; 6+6 b
Partout où sont ses pas | sur le sable imprimés, 6+6 a
Ils attachent sur eux | leurs naseaux enflammés ; 6+6 a
Alors le cerf tremblant, | de son pied, qui les guide, 6+6 b
300 Maudit l'odeur traîtresse | et l'empreinte perfide. 6+6 b
Poursuivi, fugitif, | entouré d'ennemis, 6+6 a
Enfin dans son malheur | il songe à ses amis. 6+6 a
Jadis de la forêt | dominateur superbe, 6+6 b
S'il rencontre des cerfs | errans en paix sur l'herbe, 6+6 b
305 Il vient au milieu d'eux, | humiliant son front, 6+6 a
Leur confier sa vie | et cacher son affront. 6+6 a
Mais, hélas ! Chacun fuit | sa présence importune 6+6 b
Et la contagion | de sa triste fortune : 6+6 b
Tel un flatteur délaisse | un prince infortuné. 6+6 a
310 Banni par eux, il fuit, | il erre abandonné. 6+6 a
Il revoit ces grands bois, | si chers à sa mémoire, 6+6 b
Où cent fois il goûta | les plaisirs et la gloire, 6+6 b
Quand les bois, les rochers, | les antres d'alentour 6+6 a
Répondoient à ses cris | et de guerre et d'amour, 6+6 a
315 Et qu'en sultan superbe | à ses jeunes maîtresses 6+6 b
Sa noble volupté | partageoit ses caresses. 6+6 b
Honneur, empire, amour, | tout est perdu pour lui. 6+6 a
C'est en vain qu'à ses maux | prêtant un noble appui, 6+6 a
D'un cerf tout jeune encor | la confiante audace 6+6 b
320 Succède à ses dangers | et s'élance à sa place. 6+6 b
Par les chiens vétérans | le piége est éventé. 6+6 a
Du son lointain des cors | bientôt épouvanté, 6+6 a
Il part, rase la terre ; | ou, vieilli dans la feinte, 6+6 b
De ses pas, en sautant, | il interrompt l'empreinte ; 6+6 b
325 Ou, tremblant et tapi | loin des chemins frayés, 6+6 a
Veille et promène au loin | ses regards effrayés, 6+6 a
S'éloigne, redescend, | croise et confond sa route. 6+6 b
Quelquefois il s'arrête ; | il regarde, il écoute ; 6+6 b
Et des chiens, des chasseurs, | de l'écho des forêts 6+6 a
330 Déjà l'affreux concert | le frappe de plus près. 6+6 a
Il part encor, s'épuise | encore en ruses vaines. 6+6 b
Mais déjà la terreur | court dans toutes ses veines ; 6+6 b
Chaque bruit est pour lui | l'annonce de son sort, 6+6 a
Chaque arbre un ennemi, | chaque ennemi la mort. 6+6 a
335 Alors, las de traîner | sa course vagabonde, 6+6 b
De la terre infidèle | il s'élance dans l'onde, 6+6 b
Et change d'élément | sans changer de destin. 6+6 a
Avide et réclamant | son barbare festin, 6+6 a
Bientôt vole après lui, | de sueur dégouttante, 6+6 b
340 Brûlante de fureur | et de soif haletante, 6+6 b
La meute aux cris aigus, | aux yeux étincelans. 6+6 a
L'onde à peine suffit | à leurs gosiers brûlans : 6+6 a
Mais à leur fier instinct | d'autres besoins commandent ; 6+6 b
C'est de sang qu'ils ont soif, | c'est du sang qu'ils demandent. 6+6 b
345 Alors désespéré, | sans amis, sans secours, 6+6 a
À la fureur enfin | sa foiblesse a recours. 6+6 a
Hélas ! Pourquoi faut-il | qu'en ruses impuissantes 6+6 b
La frayeur ait usé | ses forces languissantes ? 6+6 b
Et que n'a-t-il plus tôt, | écoutant sa valeur, 6+6 a
350 Par un noble combat | illustré son malheur ? 6+6 a
Mais, enfin, las de perdre | une inutile adresse, 6+6 b
Terrible, il se ranime, | il s'avance, il se dresse, 6+6 b
Soutient seul mille assauts ; | son généreux courroux 6+6 a
Réserve aux plus vaillans | ses plus terribles coups. 6+6 a
355 Sur lui seul à la fois | tous ses ennemis fondent ; 6+6 b
Leurs morsures, leurs cris, | leur rage se confondent. 6+6 b
Il lutte, il frappe encore : | efforts infructueux ! 6+6 a
Hélas ! Que lui servit | son port majestueux, 6+6 a
Et sa taille élégante | et ses rameaux superbes, 6+6 b
360 Et ses pieds qui voloient | sur la pointe des herbes ? 6+6 b
Il chancelle, il succombe, | et deux ruisseaux de pleurs 6+6 a
De ses assassins même | attendrissent les cœurs. 6+6 a
Permettez-vous ces jeux | sans en être idolâtre : 6+6 b
N'imitez point ce fou, | chasseur opiniâtre, 6+6 b
365 Qui ne parle jamais | que meute, que chevaux ; 6+6 a
Qui croiroit avilir | l'honneur de ses châteaux, 6+6 a
Si de cinquante cerfs | les cornes menaçantes 6+6 b
N'ornoient pompeusement | ses portes triomphantes ; 6+6 b
Vous conte longuement | sa chasse, ses exploits, 6+6 a
370 Et met, comme le cerf, | l'auditeur aux abois. 6+6 a
êtes-vous de retour | sous vos lambris tranquilles ? 6+6 b
Là des jeux moins bruyans, | des plaisirs plus utiles, 6+6 b
Vous attendent encore. | Aux délices des champs 6+6 a
Associez les arts | et leurs plaisirs touchans. 6+6 a
375 Beaux arts ! Eh, dans quel lieu | n'avez-vous droit de plaire ? 6+6 b
Est-il à votre joie | une joie étrangère ? 6+6 b
Non ; le sage vous doit | ses momens les plus doux : 6+6 a
Il s'endort dans vos bras ; | il s'éveille pour vous. 6+6 a
Que dis-je ? Autour de lui | tandis que tout sommeille, 6+6 b
380 La lampe inspiratrice | éclaire encor sa veille. 6+6 b
Vous consolez ses maux, | vous parez son bonheur ; 6+6 a
Vous êtes ses trésors, | vous êtes son honneur, 6+6 a
L'amour de ses beaux ans, | l'espoir de son vieil âge, 6+6 b
Ses compagnons des champs, | ses amis de voyage ; 6+6 b
385 Et de paix, de vertus, | d'études entouré, 6+6 a
L'exil même avec vous | est un abri sacré. 6+6 a
Tel l'orateur romain, | dans les bois de Tuscule, 6+6 b
Oublioit Rome ingrate ; | ou tel, son digne émule, 6+6 b
Dans Frênes, Daguesseau | goûtoit tranquillement 6+6 a
390 D'un repos occupé | le doux recueillement : 6+6 a
Tels, de leur noble exil | tous deux charmoient les peines. 6+6 b
Malheur aux esprits durs, | malheur aux âmes vaines 6+6 b
Qui dédaignent les arts | au temps de leur faveur ! 6+6 a
Les beaux arts à leur tour, | dans les temps du malheur, 6+6 a
395 Les livrent sans ressource | à leur vile infortune. 6+6 b
Mais avec leurs amis | ils font prison commune, 6+6 b
Les suivent dans les champs, | et, payant leur amour, 6+6 a
Consolent leur exil | et chantent leur retour. 6+6 a
Mais c'est peu des beaux lieux, | des beaux jours, de l'étude, 6+6 b
400 Je veux que l'amitié, | peuplant ma solitude, 6+6 b
Me donne ses plaisirs | et partage les miens. 6+6 a
Ô jours de ma jeunesse ! | Hélas ! Je m'en souviens, 6+6 a
Épris de la campagne | et l'aimant en poëte, 6+6 b
Je ne lui demandois | qu'un désert pour retraite, 6+6 b
405 Pour compagnons, des bois, | des oiseaux et des fleurs. 6+6 a
Je l'aimois, je l'aimois | jusque dans ses horreurs : 6+6 a
J'aimois à voir les bois, | battus par les tempêtes, 6+6 b
Abaisser tour à tour | et redresser leurs têtes ; 6+6 b
J'allois sur les frimats | graver mes pas errans, 6+6 a
410 Et de loin j'écoutois | la course des torrens. 6+6 a
Mais tout passe ; aujourd'hui | qu'un sang moins vif m'enflamme, 6+6 b
Que les besoins des sens | font place à ceux de l'âme, 6+6 b
S'il est long-temps désert, | le plus aimable lieu 6+6 a
Ne me plaît pas long-temps ; | les arbres parlent peu, 6+6 a
415 Dit le bon Lafontaine, | et ce qu'un bois m'inspire, 6+6 b
Je veux à mes côtés | trouver à qui le dire. 6+6 b
Ainsi, fermant la porte | au sot qui de Paris 6+6 a
S'en vient tuer le temps, | la joie et vos perdrix, 6+6 a
De ceux qu'unit à vous | une amitié sincère 6+6 b
420 Préparez, décorez | la chambre hospitalière. 6+6 b
Ce sont de vieux voisins, | des proches, des enfans, 6+6 a
Qui visitent des lieux | chers à leurs premiers ans : 6+6 a
C'est un père adoré | qui vient, dans sa vieillesse, 6+6 b
Reconnoître les bois | qu'a plantés sa jeunesse ; 6+6 b
425 La ferme à son aspect | semble se réjouir, 6+6 a
Les bosquets s'égayer, | les fleurs s'épanouir. 6+6 a
Tantôt c'est votre ami, | votre ami de l'enfance, 6+6 b
Qui de vos simples goûts | partage l'innocence. 6+6 b
Chacun retrouve là | ses passe-temps chéris, 6+6 a
430 Son meuble accoutumé, | ses livres favoris. 6+6 a
Tantôt Robert arrive, | et ses riches images 6+6 b
Doublent, en les peignant, | vos plus beaux paysages ; 6+6 b
Et tantôt son pinceau, | dans de plus doux portraits, 6+6 a
De ceux que vous aimez | vous reproduit les traits. 6+6 a
435 Ainsi, plein des objets | que votre cœur adore, 6+6 b
De vos amis absens | vous jouissez encore. 6+6 b
Ces lieux, chers aux vivans, | sont aussi chers aux morts. 6+6 a
Qui vous empêchera | de placer sur ces bords, 6+6 a
Près d'un ruisseau plaintif, | sous un saule qui pleure, 6+6 b
440 D'un ami regretté | la dernière demeure ? 6+6 b
Est-il un lieu plus propre | à ce doux monument, 6+6 a
Où des mânes chéris | dorment plus mollement ? 6+6 a
Du bon helvétien | qui ne connoît l'usage ? 6+6 b
Près d'une eau murmurante, | au fond d'un vert bocage, 6+6 b
445 Il place les tombeaux ; | il les couvre de fleurs : 6+6 a
Par leur douce culture | il charme ses douleurs, 6+6 a
Et pense respirer, | quand sa main les arrose, 6+6 b
L'âme de son ami | dans l'odeur d'une rose. 6+6 b
Ne pouvez-vous encore | y consacrer les traits 6+6 a
450 De ceux par qui fleurit | l'art fécond de Cerès ? 6+6 a
Pouvez-vous à Berghem | refuser un asile, 6+6 b
Un marbre à Théocrite, | un bosquet à Virgile ? 6+6 b
Hélas ! Je n'ai point droit | d'avoir place auprès d'eux ; 6+6 a
Mais si de l'art des vers | quelque ami généreux 6+6 a
455 Daigne un jour m'accorder | de modestes hommages, 6+6 b
Ah ! Qu'il ne place pas | le chantre des bocages 6+6 b
Dans le fracas des cours | ou le bruit des cités. 6+6 a
Vallons que j'ai chéris, | coteaux que j'ai chantés, 6+6 a
Souffrez que parmi vous | ce monument repose ; 6+6 b
460 Qu'un peuplier le couvre | et qu'un ruisseau l'arrose ! 6+6 b
Mes vœux sont exaucés : | du sein de leur repos 6+6 a
Un essaim glorieux | de belles, de héros, 6+6 a
Qui, successeurs polis | des sarmates sauvages, 6+6 b
De l'antique Vistule | honorent les rivages, 6+6 b
465 Auprès de Saint-Lambert, | de Pope, de Thompson, 6+6 a
Offre dans ses jardins | une place à mon nom. 6+6 a
Que dis-je ? Tant d'honneur | n'est pas fait pour ma muse ; 6+6 b
La gloire de ces noms | du mien seroit confuse. 6+6 b
Mais, si dans un bosquet | obscur et retiré 6+6 a
470 Il est un coin désert, | un réduit ignoré, 6+6 a
Au-dessous de Gessner, | et bien loin de Virgile, 6+6 b
Hôtes de ces beaux lieux, | gardez-moi cet asile. 6+6 b
Content, je vous verrai, | dans vos rians vallons, 6+6 a
De l'art que je chantai | pratiquer les leçons, 6+6 a
475 Enrichir vos hameaux, | parer leur solitude, 6+6 b
Des partis turbulens | calmer l'inquiétude. 6+6 b
Heureux si quelquefois, | sous vos ombrages verts, 6+6 a
L'écho redit mon nom, | mon hommage et mes vers ! 6+6 a
Mais, ne l'oublions pas, | à la ville, au village, 6+6 b
480 Le bonheur le plus doux | est celui qu'on partage. 6+6 b
Heureux ou malheureux, | l'homme a besoin d'autrui ; 6+6 a
Il ne vit qu'à moitié, | s'il ne vit que pour lui. 6+6 a
Vous donc à qui des champs | la joie est étrangère, 6+6 b
Ah ! Faites-y le bien, | et les champs vont vous plaire. 6+6 b
485 Le bonheur dans les champs | a besoin de bonté. 6+6 a
Tout se perd dans le bruit | d'une vaste cité ; 6+6 a
Mais au sein des hameaux | le château, la chaumière, 6+6 b
Et l'oisive opulence | et l'active misère, 6+6 b
Nous offrent de plus près | leur contraste affligeant, 6+6 a
490 Et contre l'homme heureux | soulèvent l'indigent. 6+6 a
Alors vient la bonté | qui désarme l'envie, 6+6 b
Rend ses droits au malheur, | l'équilibre à la vie, 6+6 b
Corrige les saisons, | laisse à l'infortuné 6+6 a
Quelques épis du champ | par ses mains sillonné, 6+6 a
495 Comble enfin par ses dons | cet utile intervalle 6+6 b
Que met entre les rangs | la fortune inégale. 6+6 b
Et ! Dans quels lieux le ciel, | mieux qu'au séjour des champs, 6+6 a
Nous instruit-il d'exemple | aux généreux penchans ? 6+6 a
De bienfaits mutuels | voyez vivre le monde. 6+6 b
500 Ce champ nourrit le bœuf, | et le bœuf le féconde ; 6+6 b
L'arbre suce la terre, | et ses rameaux flétris 6+6 a
À leur sol maternel | vont mêler leurs débris ; 6+6 a
Les monts rendent leurs eaux | à la terre arrosée ; 6+6 b
L'onde rafraîchit l'air, | l'air s'épanche en rosée : 6+6 b
505 Tout donne et tout reçoit, | tout jouit et tout sert. 6+6 a
Les cœurs durs troublent seuls | ce sublime concert. 6+6 a
L'un, si du dé fatal | la chance fut perfide, 6+6 b
Parcourt tout son domaine | en exacteur avide ; 6+6 b
Sans sécher une larme | épuisant son trésor, 6+6 a
510 L'autre, comme d'un poids, | se défait de son or. 6+6 a
Quoi, ton or t'importune ? | ô richesse impudente ! 6+6 b
Pourquoi donc près de toi | cette veuve indigente, 6+6 b
Ces enfans dans leur fleur | desséchés par la faim, 6+6 a
Et ces filles sans dot, | et ces vieillards sans pain ? 6+6 a
515 Oh ! D'un simple hameau | si le ciel m'eût fait maître, 6+6 b
Je saurois en jouir : | heureux, digne de l'être, 6+6 b
Je voudrois m'entourer | de fleurs, de riches plants, 6+6 a
De beaux fruits, et surtout | de visages rians ; 6+6 a
Et je ne voudrois pas, | qu'attristant ma fortune, 6+6 b
520 La faim vînt m'étaler | sa pâleur importune. 6+6 b
Mais je hais l'homme oisif : | la bêche, les rateaux, 6+6 a
Le soc, tout l'arsenal | des rustiques travaux, 6+6 a
Attendroient l'indigent, | sûr d'un juste salaire, 6+6 b
Et chez moi le travail | banniroit la misère. 6+6 b
525 C'est peu : des maux cruels | troublent souvent ses jours ; 6+6 a
Aux douleurs, au vieil âge | assurez des secours. 6+6 a
Dans les appartemens | du logis le moins vaste 6+6 b
Qu'il en soit un où l'art, | avec ordre et sans faste, 6+6 b
Arrange le dépôt | des remèdes divers 6+6 a
530 À ses infirmités | incessamment offerts. 6+6 a
L'oisif, de qui l'ennui | vient vous rendre visite, 6+6 b
Loûra plus volontiers, | de sa voix parasite, 6+6 b
Vos glaces, vos tapis, | votre salon doré ; 6+6 a
Mais pour tous les bons cœurs | ce lieu sera sacré. 6+6 a
535 Souvent à vos bienfaits | joignez votre présence ; 6+6 b
Votre aspect consolant | doublera leur puissance. 6+6 b
Menez-y vos enfans ; | qu'ils viennent sans témoin 6+6 a
Offrir leur don timide | au timide besoin ; 6+6 a
Que surtout votre fille, | amenant sur vos traces 6+6 b
540 La touchante pudeur, | la première des grâces, 6+6 b
Y fasse en rougissant | l'essai de la bonté, 6+6 a
Par qui tout s'embellit | jusques à la beauté. 6+6 a
Ainsi, comme vos traits, | leurs mœurs sont votre image ; 6+6 b
Votre exemple est leur dot, | leurs vertus votre ouvrage, 6+6 b
545 Cœurs durs, qui payez cher | de fastueux dégoûts, 6+6 a
Ah ! Voyez ces plaisirs, | et soyez-en jaloux. 6+6 a
L'homme le plus obscur, | quelquefois, sous le chaume 6+6 b
Gouverne en son idée | une ville, un royaume. 6+6 b
Moi jamais, dans l'erreur | de mes illusions, 6+6 a
550 Je n'aspire à régler | le sort des nations : 6+6 a
Me formant du bonheur | une plus humble image, 6+6 b
Quelquefois je m'amuse | à régler un village ; 6+6 b
Je m'établis le chef | de ces petits états. 6+6 a
Mais à mes propres soins | je ne me borne pas ; 6+6 a
555 Au bon gouvernement | de ce modeste empire 6+6 b
Je veux que du hameau | chaque pouvoir conspire. 6+6 b
Ô vous pour qui j'écris | le code des hameaux, 6+6 a
Souffrez que mes leçons | se changent en tableaux. 6+6 a
Voyez-vous ce modeste | et pieux presbytère ? 6+6 b
560 Là vit l'homme de Dieu, | dont le saint ministère 6+6 b
Du peuple réuni | présente au ciel les vœux, 6+6 a
Ouvre sur le hameau | tous les trésors des cieux, 6+6 a
Soulage le malheur, | consacre l'hyménée, 6+6 b
Bénit et les moissons | et les fruits de l'année, 6+6 b
565 Enseigne la vertu, | reçoit l'homme au berceau, 6+6 a
Le conduit dans la vie, | et le suit au tombeau. 6+6 a
Je ne choisirai point | pour cet emploi sublime, 6+6 b
Cet avide intrigant | que l'intérêt anime ; 6+6 b
Sévère pour autrui, | pour lui-même indulgent ; 6+6 a
570 Qui pour un vil profit | quitte un temple indigent, 6+6 a
Dégrade par son ton | la chaire pastorale, 6+6 b
Et sur l'esprit du jour | compose sa morale. 6+6 b
Fidèle à son église, | et cher à son troupeau, 6+6 a
Le vrai pasteur ressemble | à cet antique ormeau 6+6 a
575 Qui, des jeux du village | ancien dépositaire, 6+6 b
Leur a prêté cent ans | son ombre héréditaire, 6+6 b
Et dont les verts rameaux, | de l'âge triomphans, 6+6 a
Ont vu mourir le père | et naître les enfans. 6+6 a
Par ses sages conseils, | sa bonté, sa prudence, 6+6 b
580 Il est pour le village | une autre providence : 6+6 b
Quelle obscure indigence | échappe à ses bienfaits ? 6+6 a
Dieu seul n'ignore pas | les heureux qu'il a faits. 6+6 a
Souvent dans ces réduits | où le malheur assemble 6+6 b
Le besoin, la douleur | et le trépas ensemble, 6+6 b
585 Il paroît ; et soudain | le mal perd son horreur, 6+6 a
Le besoin sa détresse, | et la mort sa terreur. 6+6 a
Qui prévient le besoin, | prévient souvent le crime. 6+6 b
Le pauvre le bénit, | et le riche l'estime ; 6+6 b
Et souvent deux mortels, | l'un de l'autre ennemis, 6+6 a
590 S'embrassent à sa table | et retournent amis. 6+6 a
Honorez ses travaux. | Que son logis antique, 6+6 b
Par vous rendu décent | et non pas magnifique, 6+6 b
Au dedans des vertus | renfermant les trésors, 6+6 a
D'un air de propreté | s'embellisse au dehors : 6+6 a
595 La pauvreté dégrade, | et le faste révolte. 6+6 b
Partagez avec lui | votre riche récolte ; 6+6 b
Ornez son sanctuaire | et parez son autel. 6+6 a
Liguez-vous saintement | pour le bien mutuel : 6+6 a
Et quel spectacle, ô dieu, | vaut celui d'un village 6+6 b
600 Qu'édifie un pasteur, | et que console un sage ? 6+6 b
Non, Rome subjuguant | l'univers abattu, 6+6 a
Ne vaut pas un hameau | qu'habite la vertu, 6+6 a
Où les bienfaits de l'un, | de l'autre les prières, 6+6 b
Sont les trésors du pauvre | et l'espoir des chaumières. 6+6 b
605 Il est dans le village | une autre autorité, 6+6 a
C'est des fils du hameau | le pédant redouté. 6+6 a
Muse, baisse le ton, | et sans être grotesque, 6+6 b
Peins des fils du hameau | le mentor pédantesque. 6+6 b
Bientôt j'enseignerai | comment un soin prudent 6+6 a
610 Peut de ce grave emploi | seconder l'ascendant. 6+6 a
Mais le voici : son port, | son air de suffisance, 6+6 b
Marquent dans son savoir | sa noble confiance. 6+6 b
Il sait, le fait est sûr, | lire, écrire et compter ; 6+6 a
Sait instruire à l'école, | au lutrin sait chanter ; 6+6 a
615 Connoît les lunaisons, | prophétise l'orage, 6+6 b
Et même du latin | eut jadis quelque usage. 6+6 b
Dans les doctes débats | ferme et rempli de cœur, 6+6 a
Même après sa défaite | il tient tête au vainqueur. 6+6 a
Voyez, pour gagner temps, | quelles lenteurs savantes 6+6 b
620 Prolongent de ses mots | les syllabes traînantes ! 6+6 b
Tout le monde l'admire, | et ne peut concevoir 6+6 a
Que dans un cerveau seul | loge tant de savoir. 6+6 a
Du reste, inexorable | aux moindres négligences, 6+6 b
Tant il a pris à cœur | le progrès des sciences, 6+6 b
625 Paroît-il ? Sur son front | ténébreux ou serein 6+6 a
Le peuple des enfans | croit lire son destin. 6+6 a
Il veut, on se sépare ; | il fait signe, on s'assemble ; 6+6 b
Il s'égaie, et l'on rit ; | il se ride, et tout tremble. 6+6 b
Il caresse, il menace, | il punit, il absout. 6+6 a
630 Même absent, on le craint ; | il voit, il entend tout : 6+6 a
Un invisible oiseau | lui dit tout à l'oreille ; 6+6 b
Il sait celui qui rit, | qui cause, qui sommeille, 6+6 b
Qui néglige sa tâche, | et quel doigt polisson 6+6 a
D'une adroite boulette | a visé son menton. 6+6 a
635 Non loin croît le bouleau | dont la verge pliante 6+6 b
Est sourde aux cris plaintifs | de leur voix suppliante, 6+6 b
Qui, dès qu'un vent léger | agite ses rameaux, 6+6 a
Fait frissonner d'effroi | cet essaim de marmots, 6+6 a
Plus pâles, plus tremblans | encor que son feuillage. 6+6 b
640 Tel, ô doux chanonat, | sur ton charmant rivage, 6+6 b
J'ai vu, j'ai reconnu, | j'ai touché de mes mains, 6+6 a
Cet arbre dont s'armoient | mes pédans inhumains, 6+6 a
Ce saule, mon effroi, | mon bienfaiteur peut-être. 6+6 b
Des enfans du hameau | tel est le grave maître. 6+6 b
645 En secondant ses soins | rendez-le plus soigneux. 6+6 a
Rien n'est vil pour le sage ; | un sot est dédaigneux. 6+6 a
Il faut dans les emplois, | quoique l'orgueil en pense, 6+6 b
Aux grands la modestie, | aux petits l'importance. 6+6 b
Encouragez-le donc ; | songez que dans ses mains 6+6 a
650 Du peuple des hameaux | reposent les destins, 6+6 a
Et, rendant à ses yeux | son office honorable, 6+6 b
Laissez-le s'estimer | pour qu'il soit estimable. 6+6 b
Et quel spectacle encor | ne vous offriront pas 6+6 a
Tous ces groupes d'enfans, | leurs courses, leurs ébats ! 6+6 a
655 Sans doute on aime à voir | la sagesse mûrie, 6+6 b
De ses fruits déjà prêts | enrichir la patrie : 6+6 b
Mais quel sage peut voir | sans un attrait flatteur 6+6 a
La vie encor naissante | et l'homme encore en fleur ? 6+6 a
C'est là que l'homme est lui, | que nul art ne déguise 6+6 b
660 De ses premiers penchans | la naïve franchise. 6+6 b
L'un, docile et traitable | après le châtiment, 6+6 a
Laisse appaiser d'un mot | son court ressentiment ; 6+6 a
Il essuie en riant | une dernière larme ; 6+6 b
Un affront l'irritoit, | un souris le désarme 6+6 b
665 Et de son cœur facile | obtient un prompt retour. 6+6 a
L'autre, ferme en sa haine | ainsi qu'en son amour, 6+6 a
Tient baissé vers la terre | un œil triste et farouche ; 6+6 b
Prières, doux propos, | présens, rien ne le touche ; 6+6 b
Il repousse les dons | d'une odieuse main, 6+6 a
670 Et garde obstinément | un silence mutin : 6+6 a
Tel, décélant déjà | son âme magnanime, 6+6 b
Jadis Caton enfant | fut un boudeur sublime. 6+6 b
Mais l'heure des jeux sonne ; | observez-le encor 6+6 a
Dans ces jeux où l'instinct | prend son premier essor. 6+6 a
675 De talens variés | quel heureux assemblage ! 6+6 b
L'un est l'historien, | le conteur du village : 6+6 b
L'autre, Euclyde nouveau, | confie au sol mouvant 6+6 a
Ses cercles, ses carrés, | dont s'amuse le vent. 6+6 a
L'un, apprenti Rubens, | charbonne la muraille : 6+6 b
680 L'autre, Chevert futur, | met sa troupe en bataille. 6+6 b
Suivez dans ses essais | ce groupe intéressant. 6+6 a
Là peut-être à vos yeux | rêve un Pascal naissant : 6+6 a
Peut-être un successeur | des Boileaus, des Molières, 6+6 b
Autour du buis tournant | fait siffler ses lanières, 6+6 b
685 Dont la muse eût un jour | de son terrible vers 6+6 a
Châtié la sottise | et fouetté nos travers : 6+6 a
Peut-être qu'un rival | des Molés, des Prévilles, 6+6 b
Nous peint les sots des champs, | qui peindroit ceux des villes. 6+6 b
Peut-être enfin un Pope, | un Locke, un Addisson 6+6 a
690 N'attend qu'un bienfaiteur | de sa jeune raison : 6+6 a
Ainsi ce jeune œillet | n'attendoit pour éclore 6+6 b
Qu'un des rayons du jour, | qu'un des pleurs de l'aurore. 6+6 b
Aujourd'hui, sans songer | à son renom futur, 6+6 a
Son cœur est satisfait | si, lancé d'un bras sûr, 6+6 a
695 Le caillou sous les eaux | court, tombe et se relève, 6+6 b
Ou si par un bon vent | son cerf-volant s'élève. 6+6 b
Dès qu'un heureux hasard | vient l'offrir à vos yeux, 6+6 a
Hâtez-vous, saisissez | ce germe précieux. 6+6 a
Cultivés, protégés | par vos secours propices, 6+6 b
700 Ces jeunes sauvageons | croîtront sous vos auspices : 6+6 b
Hâtés par vos bienfaits, | leurs fruits seront plus doux, 6+6 a
Et leur succès flatteur | reviendra jusqu'à vous. 6+6 a
Des préjugés aussi | préservez le jeune âge. 6+6 b
Naguère des esprits | hantoient chaque village ; 6+6 b
705 Tout hameau consultoit | son sorcier, son devin ; 6+6 a
Tout château renfermoit | son spectre, son lutin, 6+6 a
Et dans de longs récits | la vieillesse conteuse 6+6 b
En troubloit le repos | de l'enfance peureuse. 6+6 b
Surtout, lorsqu'aux lueurs | d'un nocturne flambeau 6+6 a
710 L'heure de la veillée | assembloit le hameau, 6+6 a
Toujours de revenans | quelque effrayante histoire 6+6 b
Resserroit de frayeur | le crédule auditoire. 6+6 b
Loin d'eux ces fictions | qui sèment la terreur, 6+6 a
Filles des préjugés | et mères de l'erreur ! 6+6 a
715 Ah ! Contons-leur plutôt | la bonne moissonneuse, 6+6 b
Soigneuse d'oublier | l'épi de la glaneuse ; 6+6 b
Le bon fils, le bon père, | et l'invisible main 6+6 a
Qui punit l'homicide | et nourrit l'orphelin. 6+6 a
Ainsi vous assurez, | bienfaiteur du village, 6+6 b
720 Des secours au vieillard, | des leçons au jeune âge. 6+6 b
Ce n'est pas tout encor ; | que d'heureux passe-temps 6+6 a
De leurs jours désœuvrés | amusent les instans ! 6+6 a
Hélas qui l'eût pu croire ? | Une bonté barbare 6+6 b
De ces jours consolans | est devenue avare. 6+6 b
725 Ces jours, leur dites-vous, | de stériles loisirs, 6+6 a
Ces jours sont au travail | volés par les plaisirs. 6+6 a
Ainsi votre bonté | du repos les dispense, 6+6 b
Et l'excès du travail | en est la récompense ! 6+6 b
Hélas ! Au laboureur, | à l'utile ouvrier, 6+6 a
730 Dans les jours solennels | pouvons-nous envier 6+6 a
Le vin et les chansons, | le fifre et la musette ; 6+6 b
À leur fille l'honneur | de sa simple toilette ? 6+6 b
Non, laissons-leur du moins, | pour prix de leur labeur, 6+6 a
Une part à la vie, | une part au bonheur. 6+6 a
735 Vous-même secondez | leur naïve allégresse. 6+6 b
Déjà je crois en voir | la scène enchanteresse. 6+6 b
Pour peindre leurs plaisirs | et leurs groupes divers, 6+6 a
Donnez, ah ! Donnez-moi | le pinceau de Teniers. 6+6 a
Là des vieillards buvant | content avec délices, 6+6 b
740 L'un ses jeunes amours, | l'autre ses vieux services, 6+6 b
Et son grade à la guerre, | et dans quel grand combat 6+6 a
Lui seul avec De Saxe | il a sauvé l'état. 6+6 a
Plus loin, non sans frayeur | dans les airs suspendue, 6+6 b
Églé monte et descend | sur la corde tendue : 6+6 b
745 Zéphir vient se jouer | dans ses flottans habits, 6+6 a
Et la pudeur craintive | en arrange les plis. 6+6 a
Ailleurs s'ouvre un long cirque, | où des boules rivales 6+6 b
Poursuivent vers le but | leurs courses inégales, 6+6 b
Et leur fil à la main, | des experts à genoux 6+6 a
750 Mesurent la distance | et décident des coups. 6+6 a
Ici, sans employer | l'élastique raquette, 6+6 b
La main jette la balle | et la main la rejette. 6+6 b
Là, d'agiles rivaux | sentent battre leur cœur ; 6+6 a
Tout part, un cri lointain | a nommé le vainqueur. 6+6 a
755 Plus loin, un bois roulant | de la main qui le guide 6+6 b
S'élance, cherche, atteint, | dans sa course rapide, 6+6 b
Ces cônes alignés, | qu'il renverse en son cours, 6+6 a
Et qui, toujours tombant, | se redressent toujours ; 6+6 a
Quelquefois, de leurs rangs | parcourant l'intervalle, 6+6 b
760 Il hésite, il prélude | à leur chute fatale ; 6+6 b
Il les menace tous, | aucun n'a succombé ; 6+6 a
Enfin il se décide, | et le neuf est tombé. 6+6 a
Et vous, archers adroits, | prenez le trait rapide ; 6+6 b
Un pigeon est le but. | L'un de l'oiseau timide 6+6 b
765 Effleure le plumage, | un autre rompt ses nœuds ; 6+6 a
L'autre le suit de l'œil, | et l'atteint dans les cieux. 6+6 a
L'oiseau tourne dans l'air | sur son aile sanglante, 6+6 b
Et rapporte, en tombant, | la flèche triomphante. 6+6 b
Mais c'est auprès du temple, | au pied du grand ormeau, 6+6 a
770 Que s'assemble la fleur | et l'amour du hameau. 6+6 a
L'archet rustique part, | chacun choisit sa belle ; 6+6 b
On s'enlace, on s'élève, | on retombe avec elle. 6+6 b
Plus d'un cœur bat, pressé | d'une furtive main, 6+6 a
Et le folâtre amour | prélude au sage hymen. 6+6 a
775 Partout rit le bonheur, | partout brille la joie ; 6+6 b
L'adresse s'entretient, | la vigueur se déploie : 6+6 b
Leurs jeux sont innocens, | leur plaisir acheté, 6+6 a
Et même le repos | bannit l'oisiveté. 6+6 a
Vous, charmé de ces jeux, | riche de leur aisance, 6+6 b
780 Vous goûtez le bonheur | qui suit la bienfaisance. 6+6 b
Heureux, vous unissez, | dans votre heureux hameau, 6+6 a
Le riche à l'indigent, | la cabane au château. 6+6 a
Vous créez des plaisirs, | vous soulagez des peines, 6+6 b
Du lien social | vous resserrez les chaînes, 6+6 b
785 Et satisfait de tout, | et ne regrettant rien, 6+6 a
Vous dites comme Dieu : | ce que j'ai fait est bien. 6+6 a
Fin du premier chant.
mètre profil métrique : 6+6
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