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DAU_1/DAU17
Alphonse DAUDET
LES AMOUREUSES
POEMES ET FANTAISIES
1858
LES AMOUREUSES
NATURE IMPASSIBLE
Lorsque l’homme pleura sa première chimère, 6+6 a
Moins impassible qu’aujourd’hui, 8 b
La nature sentit frémir ses flancs de mère 6+6 a
Et voulut pleurer avec lui. 8 b
5 Tout s’assombrit. Les cieux n’eurent plus une étoile, 6+6 c
La terre n’eut plus une fleur. 8 d
Le soleil se cloîtra, la lune prit le voile, 6+6 c
Et la forêt tordit ses branches, de douleur. 6+6 d
Les couchants lumineux, les aubes éclatantes 6+6 a
10 S’éteignirent en un clin dœil. 8 b
Les brumes de l’hiver déployèrent leurs tentes, 6+6 a
Les plaines prirent le grand deuil. 8 b
Le lac mouilla ses bords de son flot le plus triste ; 6+6 c
Dans la Notre-Dame des Bois 8 d
15 Les oiseaux et le vent, les clercs et l’organiste 6+6 c
Chantèrent en mineur pour la première fois. 6+6 d
La douleur arrachait des larmes aux abîmes 6+6 a
Et des cris de rage aux volcans. 8 b
Les ravins éplorés eurent des mots sublimes, 6+6 a
20 Les rochers furent éloquents. 8 b
« Nous voulons notre part de la souffrance humaine », 6+6 c
Sanglotaient les vieux antres sourds 8 d
L’homme oublia son mal au bout d’une semaine ; 6+6 c
Après quatre mille ans, eux sanglotaient toujours. 6+6 d
25 Quand la mère au grand cœur fut enfin consolée, 6+6 a
Presque honteuse de ses pleurs, 8 b
Vite elle rajusta les plis de sa vallée 6+6 a
Et mit son chaperon de fleurs. 8 b
Puis elle se dressa belle de tous ses charmes, 6+6 c
30 Poussant du vert à pleins talus ; 8 d
Mais sachant désormais ce que valent nos larmes, 6+6 c
Elle nous dit : « C’est bien ! vous ne m’y prendrez plus. » 6+6 d
Pour moi, si les douleurs chères aux grandes âmes 6+6 a
Viennent m’assaillir quelque jour, 8 b
35 Si jamais je m’éprends dans le troupeau des femmes 6+6 a
Trop belles pour aimer l’amour ; 8 b
Ou si, voyant mourir quelque chose qui maime, 6+6 c
Vivant, je souffre mille morts, 8 d
O nature ! tu peux rester toujours la même, 6+6 c
40 Je me passerai bien des pitiés du dehors. 6+6 d
Les plateaux de colzas, les blés, les plaines d’orge 6+6 a
Pourront impunément fleurir ; 8 b
Je ne leur mettrai pas ma douleur sur la gorge, 6+6 a
Non ! je serai seul à souffrir. 8 b
45 Terre, tu souriras ; bois, vous ferez comme elle. 6+6 c
Vous, les lacs, vous resplendirez, 8 d
Et vous chanterez tous sans craindre que je mêle 6+6 c
Un blasphème ou des pleurs à vos concerts sacrés. 6+6 d
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite périodique
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