Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
CRB_1/CRB79
Tristan CORBIÈRE
LES AMOURS JAUNES
1873
GENS DE MER
MATELOTS
Vos marins de quinquetsà l'Opéra … comique, 6+6 a
Sous un frac en bleu-cieljurent « Mille sabords ! » 6+6 b
Et, sur les boulevards,le survivant chronique 6+6 a
Du Vengeur vend l'onguentà tuer les rats morts. 6+6 b
5 Le Jûn'homme infligéd'un bras — même en voyage 6+6 a
Infortuné, chantantpar suite de naufrage ; 6+6 a
La femme en bain de merqui tord ses bras au flot ; 6+6 a
Et l'amiral ***ııCe n'est pas matelot ! 6+6 a
— Matelots — quelle brusqueet nerveuse saillie 6+6 a
10 Fait cette Race à partsur la race faillie ! 6+6 a
Comme ils vous mettent tous,terriens, au même sac ! 6+6 a
Un curé dans ton lit,un' fill' dans mon hamac ! — 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
On ne les connt pas,ces gens à rudes nœuds. 6+6 a
Ils ont le mal de mersur vos planchers à bœufs : 6+6 a
15 A terreoiseaux palmés —ils sont gauches et vles. 6+6 a
Ils sont mal culottéscomme leurs brûle-gueules. 6+6 a
Quand le roulis leur manqueils se sentent rouler : 6+6 a
A terre, on a beau boire,on ne peut désoûler ! 6+6 a
On ne les connt pas.Eux : que leur fait la terre ?… 6+6 a
20 Une relâche, avecl'hôpital militaire, 6+6 a
Des filles, la prison,des horions, du vin 6+6 a
Le reste : Eh bien, après ?Est-ce que c'est marin ?… 6+6 a
Eux ils sont matelots.A travers les tortures, 6+6 a
Les luttes, les dangers,les larges aventures, 6+6 a
25 Leur face-à-coups-de-hachea pris un tic nerveux 6+6 a
D'insouciant dédainpour ce qui n'est pas Eux… 6+6 a
C'est qu'ils se sentent bien,ces chiens ! Ce sont des mâles ! 6+6 a
Eux : l'Océan ! — et vous :les plates-bandes sales ; 6+6 a
Vous êtes des terriens,en un mot, des troupiers : 6+6 a
30 De la terre de pipeet de la sueur de pieds ! 6+6 a
Eux sont les vieux-de-caleet les frères-la côte, 6+6 a
Gens au cœur sur la main,et toujours la main haute ; 6+6 a
Des natures en barre !Et capables de tout… 6+6 a
— Faites-en donc autant !… — Ils sont de mauvais gt 6+6 a
35 — Peut-êtreIls ont chez vousdes amours tolérées 6+6 a
Par un grippe-Jésus1 accueillant leurs entrées… 6+6 a
Eh ! faut-il pas du cœurau ventre quelque part, 6+6 a
Pour entrer en plein jourlà — bagne-lupanar, 6+6 a
Qu'ils nomment le Cap-Horn,dans leur langue hâlée : 6+6 a
40 — Le cap Horn, noir séjourde tempête grêlée 6+6 a
Et se coller en vrac,sans crampe d'estomac, 6+6 a
De la chair à chiquercomme un nœud de tabac ! 6+6 a
Jetant leur solde avecleur trop-plein de tendresse, 6+6 a
A tout vent ; ils vont làcomme ils vont à la messe 6+6 a
45 Ces anges mal léchés,ces durs enfants perdus ! 6+6 a
— Leur tête a du requinet du petit-Jésus. 6+6 a
Ils aiment à tout crin :Ils aiment plaie et bosse, 6+6 a
La Bonne-Vierge, avecle gendarme qu'on rosse ; 6+6 a
Ils font des vœux à tout …mais leur vœu caressé 6+6 a
50 A toujours l'habit bleud'un Jésus-christ2 rossé. 6+6 a
Allez : ce franc cyniquea sa grâce native 6+6 a
Comme il vous toise un chef,à sa façon naïve ! 6+6 a
Comme il connt son mtre :Un d'un seul bloc de bois ! 6+6 a
Un mauvais chien toujoursqu'un bon enfant parfois ! 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
55 Allez : à bord, chez eux,ils ont leur poésie ! 6+6 a
Ces brutes ont des chantsivres d'âme saisie 6+6 a
Improvisés aux quartssur le gaillard-d'avant… 6+6 a
Ils ne s'en doutent pas,eux, poème vivant. 6+6 a
Ils ont toujours, pour leurbonne femme de mère, 6−6 a
60 Une larme d'enfant,ces héros de misère ; 6+6 a
Pour leur Douce-Jolie,une larme d'amour !… 6+6 a
Au pays — loinils ont,espérant leur retour, 6+6 a
Ces gens de cuivre rouge,une pâle fiancée 6+6 a
Que, pour la mer jolie,un jour ils ont laissée. 6+6 a
65 Elle attend vaguement …comme on attend là-bas. 6+6 a
Eux ils portent son nomtatoué sur leur bras. 6+6 a
Peut-être elle seraveuve avant d'être épouse 6+6 a
— Car la mer est bien grandeet la mer est jalouse. — 6+6 a
Mais elle sera fière,à travers un sanglot, 6+6 a
70 De pouvoir dire encore :Il était matelot !… 6+6 a
— C'est plus qu'un homme aussidevant la mer géante, 6+6 a
Ce matelot entier !
Piétinant sous la plante 6+6 a
De son pied marinle pont près de crouler ; 6+6 a
Tiens bon ! ça le connt,ça va le désoûler. 6+6 a
75 Il finit comme ça,simple en sa grande allure, 6+6 a
D'un bloc : — Un trou dans l'eau,quoi !… pas de fioriture. 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
On en voit revenirpourtant : bris de naufrage. 6+6 a
Ramassis de scorbutet hachis d'abordage 6+6 a
Cassés, défigurés,dépaysés, perclus : 6+6 a
80 Un œil en moins. — Et vous,en avez-vous en plus : 6+6 a
— La fièvre-jaune. — Eh bien,et vous, l'avez-vous rose ? 6+6 a
Une balafre. — Ah, c'estsigné !…C'est quelque chose ! 6+6 a
Et le bras en pantenne.— Oui, c'est un biscaïen, 6+6 a
Le reste c'est le belouvrage au chirurgien. 6+6 a
85 Et ce trou dans la joue ?Un ancien coup de pique. 6+6 a
— Cette bosse ? — A tribord ?excusez : c'est ma chique. 6+6 a
— ça ? — Rien : une foutaise,un pruneau dans la main, 6+6 a
ça sert de baromètre,et vous verrez demain : 6+6 a
Je ne vous dis que ça,sûr ! quand je sens ma crampe 6+6 a
90 Allez, on n'en fait plusdes coques de ma trempe ! 6+6 a
On m'a pendu deux fois…
Et l'honnête forban 6+6 a
Creuse un bateau de boispour un petit enfant. 6+6 a
Ils durent comme ça,reniflant la tempête 6+6 a
Riches de gloire et detrois cents francs de retraite, 6−6 a
95 Vieux culots de gargousse,épaves de héros !… 6+6 a
— Héros ? — ils riraient bien !… — Non merci : matelots ! 6+6 a
— Matelots ! — Ce n'est pasvous, jeunes mateluches, 6+6 a
Pour qui les femmes onttoujours des coqueluches… 6+6 a
Ah, les vieux avaient deplus fiers appétits ! 6−6 a
100 En haussant leur épauleils vous trouvent petits. 6+6 a
A treize ans ils mangeaientde l'Anglais, les corsaires ! 6+6 a
Vous, vous n'êtes que despelletas militaires… 6−6 a
Allez, on n'en fait plusde ces purs, premier brin ! 6+6 a
Tout s'en va … tout ! La mer …elle n'est plus marin ! 6+6 a
105 De leur temps, elle étaitplus salée et sauvage. 6+6 a
Mais, à présent, rienn'a plus de pucelage 6+6 a
La mer… La mer n'est plusqu'une fille à soldats !… 6+6 a
— Vous, matelots, rêvez,en faisant vos cent pas 6+6 a
Comme dans les grands quarts…Paisible rêverie 6+6 a
110 De carcasse qui geint,de mât craqué qui crie 6+6 a
Aux pompes !…
— Non … fini !— Les beaux jours sont passés 6+6 a
Adieu mon beau navireaux trois mâts pavoisés ! 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tel qu'une vieille coqueau sec et dégréée, 6+6 a
vient encor parfoisclapoter la marée ; 6+6 a
115 Âme-de-mer en peineest le vieux matelot 6+6 a
Attendant, échoué— quoi : la mort ?
— Non, le flot. 6+6 a
Grippe-Jésus : petit nom marin du gendarme.
Jésus-Christ : du même au même.
mètre profil métrique : 6−6
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