Métrique en Ligne
CRB_1/CRB60
Tristan CORBIÈRE
LES AMOURS JAUNES
1873
RACCROCS
IDYLLE COUPÉE
C'est très parisien dans les rues 8 a
Quand l'Aurore fait le trottoir, 8 b
De voir sortir toutes les Grues 8 a
Du violon, ou de leur boudoir 8 b
5 Chanson pitoyable et gaillarde ; 8 a
Chiffons fanés papillotants, 8 b
Fausse note rauque et criarde 8 a
Et petits traits crûs, turlutants : 8 b
Velours râtissant la chaussée ; 8 a
10 Grande-duchesse mal chaussée, 8 a
Cocotte qui court becqueter 8 b
Et qui dit bonjour pour chanter 8 b
J'aime les voir, tout plein légères, 8 a
Et, comme en façon de prières, 8 a
15 Entrer dire… Bonjour, gros chien 8 b
Au merlan, puis au pharmacien. 8 b
J'aime les voir, chauves, déteintes, 8 a
Vierges de seize à soixante ans, 8 b
Rossignoler pas mal d'absinthes, 8 a
20 Perruches de tout leur printemps ; 8 b
Et puis payer le mannezingue, 8 a
Au Polyte qui sert d'Arthur, 8 b
Bon jeune homme né brandezingue, 8 a
Dos-bleu sous la blouse d'azur. 8 b
25 — C'est au boulevard excentrique, 8 a
Au — BON RETOUR DU CHAMP DU NORD 8 b
Là : toujours vert le jus de trique, 8 a
Rose le nez des Croque-mort 8 b
Moitié panaches, moitié cire, 8 a
30 Nez croqués vifs au demeurant, 8 b
Et gais comme un enterrement 8 b
— Toujours le petit mort pour rire ! — 8 a
Le voyou siffle — vilain merle 8 a
Et le poète de charnier 8 b
35 Dans ce fumier cherche la perle, 8 a
Avec le peintre chiffonnier. 8 b
Tous les deux fouillant la pâture 8 a
De leur art … à coups de grouins ; 8 b
Sûrs toujours de trouver l'ordure. 8 a
40 — C'est le fonds qui manque le moins. 8 b
C'est toujours un fond chaud qui fume, 8 a
Et, par le soleil, lardé d'or 8 b
Le rapin nomme ça : bitume ; 8 a
Et le marchand de lyre : accord. 8 b
45 — Ajoutez une pipe en terre 8 a
Dont la spirale fait les cieux 8 b
Allez : je plains votre misère, 8 a
Vous qui trouvez qu'on trouve mieux ! 8 b
C'est le Persil des gueux sans poses, 8 a
50 Et des riches sans un radis 8 b
— Mais ce n'est pas pour vous, ces choses, 8 a
O provinciaux de Paris !… 8 b
Ni pour vous, essayeurs de sauces, 8 a
Pour qui l'azur est un ragoût ! 8 b
55 Grands empâteurs d'emplâtres fausses, 8 a
Ne fesant rien, fesant partout ! 8 b
— Rembranesque ! Raphaélique ! 8 a
— Manet et Courbet au milieu 8 b
… Ils donnent des noms de fabrique 8 a
60 A la pochade du bon Dieu ! 8 b
Ces Gallimard cherchant la ligne, 8 a
Et ces Ducornet-né-sans-bras, 8 b
Dont la blague, de chic, vous signe 8 a
N'importe quoi … qu'on ne peint pas. 8 b
65 Dieu garde encor l'homme qui glane 8 a
Sur le soleil du promenoir, 8 b
De flairer jamais la soutane 8 a
De la vieille dame au bas noir ! 8 b
… On dégèle, animal nocturne, 8 a
70 Et l'on se détache en vigueur ; 8 b
On veut, aveugle taciturne, 8 a
A soi tout seul être blagueur. 8 b
Savates et chapeau grotesque 8 a
Deviennent de l'antique pur ; 8 b
75 On se colle comme une fresque 8 a
Enrayonnée au pied d'un mur. 8 b
Il coule une divine flamme, 8 a
Sous la peau ; l'on se sent avoir 8 b
Je ne sais quoi qui fleure l'âme 8 a
80 Je ne sais — mais ne veux savoir. 8 b
La Muse malade s'étire 8 a
Il semble que l'huissier sursoit 8 b
Soi-même on cherche à se sourire, 8 a
Soi-même on a pitié de soi. 8 b
85 Volez, mouches et demoiselles !… 8 a
Le gouapeur aussi vole un peu 8 b
D'idéal… Tout n'a pas des ailes 8 a
Et chacun vole comme il peut. 8 b
— Un grand pendard, cocasse, triste, 8 a
90 Jouissait de tout ça, comme moi, 8 b
Point ne lui demandais pourquoi 8 b
Du reste — une gueule d'artiste 8 a
Il reluquait surtout la tête 8 a
Et moi je reluquais le pié. 8 b
95 — Jaloux … pourquoi ? c'eût été bête, 8 a
Ayant chacun notre moitié. — 8 b
Ma béatitude nagée 8 a
Jamais, jamais n'avait bravé 8 b
Sa silhouette ravagée 8 a
100 Plantée au milieu du pavé 8 b
— Mais il fut un Dieu pour ce drille : 8 a
Au soleil loupant comme ça, 8 b
Dessinant des yeux une fille 8 a
— Un omnibus vert l'écrasa. 8 b
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite de strophes
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