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P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
COR_1/COR88
Pierre CORNEILLE
Imitation De Jésus-Christ
1656
LIVRE TROISIÈME
CHAPITRE XIX
De la véritable patience.
Qu'as-tu, mon fils, que tu soupires ? 8 a
Considère ma passion, 8 b
Considère mes saints, | regarde leurs martyres, 6+6 a
Et baisse après les yeux | sur ton affliction : 6+6 b
5 Qu'y trouves-tu | qui leur soit comparable, 4+6 c
Toi qui prétends | une place en leur rang ? 4+6 d
Va, cesse de nommer | ton malheur déplorable : 6+6 c
Tu n'en es pas encor | jusqu'à verser ton sang. 6+6 d
Tu souffres, mais si peu de chose 8 a
10 Au prix de ce qu'ils ont souffert, 8 b
Que le fardeau léger | des croix que je t'impose 6+6 a
Ne vaut pas que sur lui | tu tiennes l'œil ouvert : 6+6 b
Vois, vois plutôt | celles qu'ils ont portées ; 4+6 c
Vois quels tourments | a bravés leur vertu, 4+6 d
15 Que d'assauts repoussés, | que d'horreurs surmontées ; 6+6 c
Et si tu le peux voir, | dis-moi, que souffres-tu ? 6+6 d
Vois par mille épreuves diverses 8 a
Leurs cœurs sans relâche exercés ; 8 b
Vois-les bénir mon nom | dans toutes leurs traverses, 6+6 a
20 Et tomber sous le faix | sans en être lassés ; 6+6 b
Vois leur constance | au milieu de leurs gênes 4+6 c
Monter plus haut, | plus on les fait languir ; 4+6 d
Mesure bien tes maux | sur l'excès de leurs peines, 6+6 c
Tes maux n'auront plus rien | qui mérite un soupir. 6+6 d
25 Sans doute, alors que ta foiblesse 8 a
Les trouve trop lourds à porter, 8 b
Ta propre impatience | est tout ce qui te blesse, 6+6 a
Et seule fait le poids | qu'elle veut rejeter. 6+6 b
Légers ou lourds, | il faut que tu les portes : 4+6 c
30 Tu ne peux rompre | un ordre fait pour tous, 4+6 d
Et soit que tes douleurs | soient ou foibles ou fortes, 6+6 c
Tu dois même constance | à soutenir leurs coups. 6+6 d
Tu te montres d'autant plus sage, 8 a
Que tu t'y prépares le mieux ; 8 b
35 Ton mérite en augmente, | et prend un avantage 6+6 a
Qui te rend d'autant plus | agréable à mes yeux ; 6+6 b
La douleur même | en est d'autant moins rude, 4+6 c
Quand le courage, | à souffrir disposé, 4+6 d
S'en est fait par avance | une douce habitude ; 6+6 c
40 Et lorsqu'il s'est vaincu, | tout lui devient aisé. 6+6 d
Ne dis jamais pour ton excuse : 8 a
« je ne saurois souffrir d'un tel, 8 b
De mon trop de bonté | sa calomnie abuse, 6+6 a
Le dommage est trop grand, | l'outrage trop mortel ; 6+6 b
45 À ma ruine | il se montre inflexible, 4+6 c
Il prend pour but | de me déshonorer ; 4+6 d
Je souffrirai d'un autre, | et serai moins sensible, 6+6 c
Selon que je verrai | qu'il est bon d'endurer. » 6+6 d
Cette pensée est folle et vaine, 8 a
50 Et l'amour-propre qu'elle suit, 8 b
Sous ce discernement | de la prudence humaine, 6+6 a
Cache un orgueil secret | qui t'enfle et te séduit. 6+6 b
Au lieu de voir | ce qu'est la patience, 4+6 c
Et quelle main | la doit récompenser, 4+6 d
55 Il attache tes yeux | à voir quelle est l'offense, 6+6 c
Et mesurer la main | qui vient de t'offenser. 6+6 d
La patience est délicate 8 a
Qui ne veut souffrir qu'à son choix, 8 b
Qui borne ses malheurs, | et jusque-là se flatte 6+6 a
60 Qu'elle en prétend régler | et le nombre et le poids. 6+6 b
La véritable | est d'une autre nature ; 4+6 c
Et quelques maux | qui se puissent offrir, 4+6 d
Elle ne leur prescrit | ordre, temps, ni mesure, 6+6 c
Et n'a d'yeux que pour moi | quand il lui faut souffrir. 6+6 d
65 Que son supérieur l'exerce, 8 a
Son pareil, son inférieur, 8 b
Elle est toujours la même, | et sa peine diverse 6+6 a
Conserve également | son calme intérieur : 6+6 b
Quelle que soit | l'épreuve ou la personne, 4+6 c
70 Elle y présente | un courage affermi, 4+6 d
Et n'examine point | si l'essai qui l'étonne 6+6 c
Vient d'un homme de bien, | ou d'un lâche ennemi. 6+6 d
Sa vertueuse indifférence 8 a
Reçoit avec remercîments 8 b
75 Ces odieux trésors | d'amertume et d'offense 6+6 a
Qui font partout ailleurs | tant de ressentiments : 6+6 b
Autant de fois | qu'elle se voit pressée, 4+6 c
Autant de fois | elle l'impute à gain, 4+6 d
Et regarde si peu | la main qui l'a blessée, 6+6 c
80 Que tout devient pour elle | un présent de ma main. 6+6 d
Instruite dans ma sainte école, 8 a
Elle met son espoir aux cieux, 8 b
Et sait que dans ses maux, | si je ne la console, 6+6 a
Du moins ce qu'elle souffre | est présent à mes yeux ; 6+6 b
85 Qu'un jour viendra | que ma douce visite 4+6 c
De ses travaux | couronnera la foi, 4+6 d
Et qu'un peu de souffrance | amasse un grand mérite, 6+6 c
Quand ce peu qu'on endure | est enduré pour moi. 6+6 d
Tiens donc ton âme toujours prête 8 a
90 À toute épreuve, à tous combats, 8 b
Du moins si tu veux vaincre | et couronner ta tête 6+6 a
De ce qu'un beau triomphe | a de gloire et d'appas : 6+6 b
La patience | a sa couronne acquise ; 4+6 c
Mais sans combattre | on n'y peut aspirer : 4+6 d
95 À qui sait bien souffrir | ma bouche l'a promise, 6+6 c
Et c'en est un refus | qu'un refus d'endurer. 6+6 d
Encore un coup, cette couronne 8 a
N'est que pour les hommes de cœur : 8 b
Si tu peux souhaiter | qu'un jour je te la donne, 6+6 a
100 Résiste avec courage, | et souffre avec douceur. 6+6 b
Sans le travail | et sans l'inquiétude 4+6 c
Le vrai repos | ne se peut obtenir, 4+6 d
Et sans le dur effort | d'un combat long et rude 6+6 c
À la pleine victoire | on ne peut parvenir. 6+6 d
105 Donne-moi donc ta grâce ; | et par elle, seigneur, 6+6 a
Fais pouvoir à ta créature 8 b
Ce qui semble impossible | à la morne langueur 6+6 a
Où l'ensevelit la nature. 8 b
Tu connois mieux que moi | que mon peu de vertu 6+6 a
110 Ne peut souffrir que peu de chose ; 8 b
Tu sais que mon courage | est soudain abattu, 6+6 a
Au moindre obstacle qui s'oppose. 8 b
Daigne le relever | de cet abattement, 6+6 a
Quelque injure qui me soit faite ; 8 b
115 Et fais-moi pour ton nom | souffrir si constamment, 6+6 a
Que je m'y plaise et le souhaite ; 8 b
Car endurer pour toi | l'outrage et le rebut, 6+6 a
Être pour toi traité d'infâme, 8 b
C'est prendre le chemin | qui conduit au salut, 6+6 a
120 C'est la haute gloire de l'âme. 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6, 4+6
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