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| = césure
COR_1/COR81
Pierre CORNEILLE
Imitation De Jésus-Christ
1656
LIVRE TROISIÈME
CHAPITRE XII
Comme il se faut faire à la patience, et combattre
les passions.
À ce que je puis voir, seigneur, 8 a
J'ai grand besoin de patience 8 b
Contre la rude expérience 8 b
Où cette vie engage un cœur. 8 a
5 Elle n'est qu'un gouffre de maux, 8 a
D'accidents fâcheux et contraires, 8 b
Qu'un accablement de misères, 8 b
D'où naissent travaux sur travaux. 8 a
Je n'y termine aucuns combats 8 a
10 Que chaque instant ne renouvelle, 8 b
Et ma paix y traîne avec elle 8 b
La guerre attachée à mes pas. 8 a
Les soins même de l'affermir 8 a
Ne sont en effet qu'une guerre, 8 b
15 Et tout mon séjour sur la terre 8 b
Qu'une occasion de gémir. 8 a
Tu dis vrai, mon enfant ; aussi ne veux-je pas 6+6 a
Que tu cherches en terre une paix sans combats, 6+6 a
Un repos sans tumulte, un calme sans orage, 6+6 b
20 Où toujours la fortune ait un même visage, 6+6 b
Et semble par le cours de ses événements 6+6 a
S'asservir en esclave à tes contentements. 6+6 a
Je veux te voir en paix, mais parmi les traverses, 6+6 b
Parmi les changements des fortunes diverses ; 6+6 b
25 Je veux y voir ton calme, et que l'adversité 6+6 a
Te serve à t'affermir dans la tranquillité. 6+6 a
« tu ne peux, me dis-tu, souffrir beaucoup de choses ; 6+6 b
En vain tu t'y résous, en vain tu t'y disposes, 6+6 b
Tu sens une révolte en ton cœur mutiné 6+6 a
30 Contre la patience où tu l'as condamné. » 6+6 a
Lâche, qu'oses-tu dire ? Ainsi le purgatoire, 6+6 b
Ainsi ses feux cuisants sont hors de ta mémoire ? 6+6 b
Auras-tu plus de force ? Ou les présumes-tu 6+6 a
Plus aisés à souffrir à ce cœur abattu ? 6+6 a
35 Apprends que de deux maux il faut choisir le moindre, 6+6 b
Que tes soins en ce but se doivent tous rejoindre, 6+6 b
Et que pour éviter les tourments éternels, 6+6 a
Tu dois traiter tes sens d'infâmes criminels, 6+6 a
Braver leurs appétits, leur imposer des gênes, 6+6 b
40 Préparer ta constance aux misères humaines, 6+6 b
Les souffrir sans murmure, et recevoir les croix 6+6 a
Ainsi que des faveurs qui viennent de mon choix. 6+6 a
Crois-tu les gens du monde exempts d'inquiétude ? 6+6 a
Ne vois-tu rien pour eux ni d'amer ni de rude ? 6+6 a
45 Va chez ces délicats qui n'ont soin que d'unir 6+6 b
Le choix des voluptés aux moyens d'y fournir : 6+6 b
Si tu crois y trouver des roses sans épines, 6+6 c
Tu n'y trouveras point ce que tu t'imagines. 6+6 c
« mais ils suivent, dis-tu, leurs inclinations ; 6+6 a
50 Leur seule volonté règle leurs actions, 6+6 a
Et l'excès des plaisirs en un moment consume 6+6 b
Ce peu qui par hasard s'y coule d'amertume. » 6+6 b
Eh bien ! Soit, je le veux, ils ont tout à souhait ; 6+6 c
Mais combien doit durer un bonheur si parfait ? 6+6 c
55 Ces riches, que du siècle adore l'imprudence, 6+6 a
Passent comme fumée avec leur abondance, 6+6 a
Et de leurs voluptés le plus doux souvenir, 6+6 b
S'il ne passe avec eux, ne sert qu'à les punir. 6+6 b
Celles que leur permet une si triste vie 6+6 a
60 Sont dignes de pitié beaucoup plus que d'envie : 6+6 a
Elles vont rarement sans mélange d'ennuis ; 6+6 b
Leurs jours les plus brillants ont les plus sombres nuits ; 6+6 b
Souvent mille chagrins empoisonnent leurs charmes, 6+6 a
Souvent mille terreurs y jettent mille alarmes, 6+6 a
65 Et souvent des objets d'où naissent leurs plaisirs 6+6 b
Ma justice en courroux fait naître leurs soupirs. 6+6 b
L'impétuosité qui les porte aux délices 6+6 a
Elle-même à leur joie enchaîne les supplices, 6+6 a
Et joint aux vains appas d'un peu d'illusion 6+6 b
70 Le repentir, le trouble et la confusion. 6+6 b
Toutes ces voluptés sont courtes et menteuses, 6+6 a
Toutes n'ont que désordre, et toutes sont honteuses. 6+6 a
Les hommes cependant n'en aperçoivent rien ; 6+6 b
Enivrés qu'ils en sont, ils en font tout leur bien : 6+6 b
75 Ils suivent en tous lieux, comme bêtes stupides, 6+6 a
Leurs sens pour souverains, leurs passions pour guides ; 6+6 a
Et pour l'indigne attrait d'un faux chatouillement, 6+6 b
Pour un bien passager, un plaisir d'un moment, 6+6 b
Amoureux d'une vie ingrate et fugitive, 6+6 a
80 Ils acceptent pour l'âme une mort toujours vive, 6+6 a
Où mourant à toute heure, et ne pouvant mourir, 6+6 b
Ils ne sont immortels que pour toujours souffrir. 6+6 b
Plus sage à leurs dépens, donne moins de puissance 6+6 a
Aux brutales fureurs de ta concupiscence ; 6+6 a
85 Garde-toi de courir après les voluptés, 6+6 a
Captive tes desirs, brise tes volontés, 6+6 a
Mets en moi seul ta joie, et m'en fais une offrande, 6+6 b
Et je t'accorderai ce que ton cœur demande. 6+6 b
Oui, ce cœur ainsi libre, ainsi désabusé, 6+6 a
90 Ne peut, quoi qu'il demande, en être refusé ; 6+6 a
Et si tu veux goûter des plaisirs véritables, 6+6 b
Des consolations et pleines et durables, 6+6 b
Tu n'as qu'à dédaigner par un noble mépris 6+6 a
Cet éclat dont le monde éblouit tant d'esprits ; 6+6 a
95 Tu n'as qu'à t'arracher à ces voluptés basses 6+6 b
Qui repoussent des cœurs les effets de mes grâces ; 6+6 b
Tu n'as qu'à te soustraire à leur malignité, 6+6 a
Et je te rendrai plus que tu n'auras quitté. 6+6 a
Plus à leurs faux attraits tu fermeras de portes, 6+6 b
100 Plus mes faveurs seront et charmantes et fortes ; 6+6 b
Et moins la créature aura chez toi d'accès, 6+6 a
Et plus du créateur les dons auront d'excès. 6+6 a
Ne crois pas toutefois sans peine et sans tristesse 6+6 a
À ce détachement élever ta foiblesse : 6+6 a
105 Une vieille habitude y voudra résister, 6+6 b
Mais par une meilleure il faudra la dompter ; 6+6 b
Ta chair murmurera, mais de tout son murmure 6+6 a
La ferveur de l'esprit convaincra l'imposture ; 6+6 a
Enfin le vieux serpent tâchera de t'aigrir 6+6 b
110 Contre les moindres maux que tu voudras souffrir ; 6+6 b
Il fera mille efforts pour brouiller ta conduite ; 6+6 a
Mais avec l'oraison tu le mettras en fuite, 6+6 a
Et l'obstination d'un saint et digne emploi 6+6 b
Ne lui laissera plus aucun pouvoir sur toi. 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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