Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
COR_1/COR57
Pierre CORNEILLE
Imitation De Jésus-Christ
1656
LIVRE PREMIER
CHAPITRE XXV
Du fervent amendement de toute la vie.
De ton zèle envers Dieu bannis la nonchalance ; 6+6 a
Porte un amour actif dans un cœur enflammé ; 6+6 b
Souviens-toi que le cloître où tu t'es enfermé 6+6 b
Veut de l'intérieur et de la vigilance ; 6+6 a
5 Demande souvent compte au secret de ton cœur 6+6 c
Du dessein qui t'en fit épouser la rigueur, 6+6 c
Et renoncer au siècle, à sa pompe, à ses charmes ; 6+6 d
N'étoit-ce pas pour vivre à Dieu seul attaché, 6+6 e
Pour embrasser la croix, pour la baigner de larmes, 6+6 d
10 Et t'épurer l'esprit dans l'horreur du péché ? 6+6 e
Montre en ce grand dessein une ferveur constante, 6+6 a
Et pour un saint progrès rends ce cœur tout de feu ; 6+6 b
Ta récompense est proche, elle est grande, et dans peu 6+6 b
Son excès surprenant passera ton attente. 6+6 a
15 À tes moindres souhaits tu verras lors s'offrir, 6+6 c
Non plus de quoi trembler, non plus de quoi souffrir, 6+6 c
Mais du solide bien l'heureuse plénitude : 6+6 d
Tes yeux admireront son immense valeur ; 6+6 e
Tu l'obtiendras sans peine et sans inquiétude, 6+6 d
20 Et la posséderas sans crainte et sans douleur. 6+6 e
Ne dors pas cependant, prends courage, et l'emploie 6+6 a
Aux précieux effets d'un vertueux propos : 6+6 b
D'une heure de travail doit naître un long repos, 6+6 b
D'un moment de souffrance une éternelle joie. 6+6 a
25 C'est Dieu qui te promet cette félicité : 6+6 c
Si tu sais le servir avec fidélité, 6+6 c
Il sera comme toi fidèle en ses promesses ; 6+6 d
Sa main quand tu combats cherche à te couronner, 6+6 e
Et sa profusion, égale à ses richesses, 6+6 d
30 Ne voit tous ses trésors que pour te les donner. 6+6 e
Conçois, il t'en avoue, une haute espérance 6+6 a
De remporter la palme en combattant sous lui ; 6+6 b
Espère un plein triomphe avec un tel appui ; 6+6 b
Mais garde-toi d'en prendre une entière assurance. 6+6 a
35 Les philtres dangereux de cette illusion 6+6 c
Charment si puissamment, que dans l'occasion 6+6 c
Nous laissons de nos mains échapper la victoire ; 6+6 d
Et quand le souvenir d'avoir le mieux vécu 6+6 e
Relâche la ferveur à quelque vaine gloire, 6+6 d
40 Qui s'assure de vaincre est aisément vaincu. 6+6 e
Un jour un grand dévot, dont l'âme, encor que sainte, 6+6 a
Flottoit dans une longue et triste anxiété, 6+6 b
Et tournoit sans repos son instabilité 6+6 b
Tantôt vers l'espérance, et tantôt vers la crainte, 6+6 a
45 Accablé sous le poids de cet ennui mortel, 6+6 c
Prosterné dans l'église au devant d'un autel, 6+6 c
Rouloit cette inquiète et timide pensée : 6+6 d
« ô dieu ! Si je savois, disoit-il en son cœur, 6+6 e
Qu'enfin ma lâcheté, par mes pleurs effacée, 6+6 d
50 De bien persévérer me laissât la vigueur ! » 6+6 e
Une céleste voix de lui seul entendue 6+6 a
À sa douleur secrète aussitôt répondit, 6+6 b
Et par un doux oracle à l'instant lui rendit 6+6 b
Le calme qui manquoit à son âme éperdue : 6+6 a
55 « eh bien ! Que ferois-tu ? Dit cette aimable voix. 6+6 c
Montre la même ardeur que si tu le savois, 6+6 c
Et fais dès maintenant ce que tu voudrois faire ; 6+6 d
Commence, continue, et ne perds point de temps ; 6+6 e
Applique tous tes soins à m'aimer, à me plaire, 6+6 d
60 Et demeure assuré de ce que tu prétends. » 6+6 e
Ainsi Dieu conforta cette âme désolée ; 6+6 a
Cette âme en crut ainsi la divine bonté, 6+6 b
Et soudain vit céder à la tranquillité 6+6 b
Les agitations qui l'avoient ébranlée ; 6+6 a
65 Un parfait abandon au souverain vouloir 6+6 c
Dans l'avenir obscur ne chercha plus à voir 6+6 c
Que les moyens de plaire à l'auteur de sa joie ; 6+6 d
Un bon commencement fit son ambition, 6+6 e
Et son unique soin fut de prendre la voie 6+6 d
70 Qui pût conduire l'œuvre à sa perfection. 6+6 e
Espère, espère en Dieu, fais du bien sur la terre, 6+6 a
Tu recevras du ciel l'abondance des biens : 6+6 b
C'est par là que David t'enseigne les moyens 6+6 b
De te rendre vainqueur en cette rude guerre. 6+6 a
75 Une chose, il est vrai, fait souvent balancer, 6+6 c
Attiédit en plusieurs l'ardeur de s'avancer, 6+6 c
Et dès le premier pas les retire en arrière : 6+6 d
C'est que leur cœur, sensible encore aux voluptés, 6+6 e
Ne s'ouvre qu'en tremblant cette rude carrière, 6+6 d
80 Tant il conçoit d'horreur de ses difficultés. 6+6 e
L'objet de cette horreur te doit servir d'amorce, 6+6 a
La grandeur des travaux ennoblit le combat, 6+6 b
Et la gloire de vaincre a d'autant plus d'éclat 6+6 b
Que pour y parvenir on fait voir plus de force. 6+6 a
85 L'homme qui porte en soi son plus grand ennemi, 6+6 c
Plus, à se bien haïr saintement affermi, 6+6 c
Il trouve en l'amour-propre une âpre résistance, 6+6 d
Plus il a de mérite à se dompter partout ; 6+6 e
Et la grâce, que Dieu mesure à sa constance, 6+6 d
90 D'autant plus dignement l'en fait venir à bout. 6+6 e
Tous n'ont pas toutefois mêmes efforts à faire, 6+6 a
Comme ils n'ont pas en eux à vaincre également, 6+6 b
Et la diversité de leur tempérament 6+6 b
Leur donne un plus puissant ou plus foible adversaire ; 6+6 a
95 Mais un esprit ardent aux saintes fonctions, 6+6 c
Quoiqu'il ait à forcer beaucoup de passions, 6+6 c
Tout chargé d'ennemis, fera plus de miracles 6+6 d
Qu'un naturel bénin, doux, facile, arrêté, 6+6 e
Qui ne ressentant point en soi de grands obstacles, 6+6 d
100 S'enveloppe et s'endort dans sa tranquillité. 6+6 e
Agis donc fortement, et fais-toi violence 6+6 a
Pour te soustraire au mal où tu te vois pencher ; 6+6 b
Examine quel bien tu dois le plus chercher, 6+6 b
Et portes-y soudain toute ta vigilance ; 6+6 a
105 Mais ne crois pas en toi le voir jamais assez : 6+6 c
Tes sens à te flatter toujours intéressés 6+6 c
T'en pourroient souvent faire une fausse peinture 6+6 d
Porte les yeux plus loin, et regarde en autrui 6+6 e
Tout ce qui t'y déplaît, tout ce qu'on y censure, 6+6 d
110 Et déracine en toi ce qui te choque en lui. 6+6 e
Dans ce miroir fidèle exactement contemple 6+6 a
Ce que sont en effet et ce mal et ce bien ; 6+6 b
Et les considérant d'un œil vraiment chrétien, 6+6 b
Fais ton profit du bon et du mauvais exemple : 6+6 a
115 Que l'un allume en toi l'ardeur de l'imiter, 6+6 c
Que l'autre excite en toi les soins de l'éviter, 6+6 c
Ou, si tu l'as suivi, d'en effacer la tache ; 6+6 d
Sers toi-même d'exemple, et t'en fais une loi, 6+6 e
Puisque ainsi que ton œil sur les autres s'attache, 6+6 d
120 Les autres à leur tour attachent l'œil sur toi. 6+6 e
Oh ! Qu'il est doux de voir une ferveur divine 6+6 a
Dans les religieux nourrir la sainteté ! 6+6 b
Qu'on admire avec joie en eux la fermeté 6+6 b
Et de l'obéissance et de la discipline ! 6+6 a
125 Qu'il est dur au contraire et scandaleux d'en voir 6+6 c
S'égarer chaque jour du cloître et du devoir, 6+6 c
Divaguer en désordre, et s'empresser d'affaires, 6+6 d
Désavouer l'habit par l'inclination, 6+6 e
Et pour des embarras un peu trop volontaires 6+6 d
130 Négliger les emplois de leur vocation ! 6+6 e
Souviens-toi de tes vœux, et pense à quoi t'engage 6+6 a
Ce vertueux projet dont ton âme a fait choix ; 6+6 b
Mets-toi devant les yeux un Jésus-Christ en croix, 6+6 b
Et jusques en ton cœur fais-en passer l'image : 6+6 a
135 À l'aspect amoureux de ce mourant sauveur 6+6 c
Combien dois-tu rougir de ton peu de ferveur, 6+6 c
Et du peu de rapport de ta vie à sa vie ! 6+6 d
Et quand il te dira : « je t'appelois aux cieux, 6+6 e
Je t'ai mis en la voie, et tu l'as mal suivie, » 6+6 d
140 Combien doivent couler de larmes de tes yeux ! 6+6 e
Oh ! Qu'un religieux heureusement s'exerce 6+6 a
Sur cette illustre vie et cette indigne mort ! 6+6 b
Que tout ce qui peut faire ici-bas un doux sort 6+6 b
Se trouve abondamment dans ce divin commerce ! 6+6 a
145 Qu'avec peu de raison il chercheroit ailleurs 6+6 c
Des secours plus puissants, ou des emplois meilleurs ! 6+6 c
Qu'avec pleine clarté la grâce l'illumine ! 6+6 d
Que son intérieur en est fortifié, 6+6 e
Et se fait promptement une haute doctrine 6+6 d
150 Quand il grave en son cœur un dieu crucifié ! 6+6 e
Sa paix est toujours ferme, et quoi qu'on lui commande, 6+6 a
Il s'y porte avec joie et court avec chaleur ; 6+6 b
Mais le tiède au contraire a douleur sur douleur, 6+6 b
Et voit fondre sur lui tout ce qu'il appréhende : 6+6 a
155 L'angoisse, le chagrin, les contrariétés, 6+6 c
Dans son cœur inquiet tombant de tous côtés, 6+6 c
Lui donnent les ennuis et le trouble en partage ; 6+6 d
Il demeure accablé sous leurs moindres efforts, 6+6 e
Parce que le dedans n'a rien qui le soulage, 6+6 d
160 Et qu'il n'ose ou ne peut en chercher au dehors. 6+6 e
Oui, le religieux qui hait la discipline, 6+6 a
Qu'importune la règle, à qui pèse l'habit, 6+6 b
Qui par ses actions chaque jour les dédit, 6+6 b
Se jette en grand péril d'une prompte ruine. 6+6 a
165 Qui cherche à vivre au large est toujours à l'étroit : 6+6 c
Dans ce honteux dessein son esprit maladroit 6+6 c
Se gêne d'autant plus qu'il se croit satisfaire ; 6+6 d
Et quoi que de sa règle il ose relâcher, 6+6 e
Le reste n'a jamais si bien de quoi lui plaire 6+6 d
170 Que ses nouveaux dégoûts n'en veuillent retrancher. 6+6 e
Si ton cœur pour le cloître a de la répugnance 6+6 a
Jusqu'à grossir l'orgueil de tes sens révoltés, 6+6 b
Regarde ce que font tant d'autres mieux domptés, 6+6 b
Jusqu'où va leur étroite et fidèle observance : 6+6 a
175 Ils vivent retirés et sortent rarement, 6+6 c
Grossièrement vêtus et nourris pauvrement, 6+6 c
Travaillent sans relâche ainsi que sans murmure, 6+6 d
Parlent peu, dorment peu, se lèvent du matin, 6+6 e
Prolongent l'oraison, prolongent la lecture, 6+6 d
180 Et sous ces dures lois font une douce fin. 6+6 e
Vois ces grands escadrons d'âmes laborieuses, 6+6 a
Vois l'ordre des chartreux, vois celui de Cîteaux, 6+6 b
Vois tout autour de toi mille sacrés troupeaux 6+6 b
Et de religieux et de religieuses ; 6+6 a
185 Vois comme chaque nuit ils rompent le sommeil, 6+6 c
Et n'attendent jamais le retour du soleil 6+6 c
Pour envoyer à Dieu l'encens de ses louanges : 6+6 d
Il te seroit honteux d'avoir quelque lenteur, 6+6 e
Alors que sur la terre un si grand nombre d'anges 6+6 d
190 S'unit à ceux du ciel pour bénir leur auteur. 6+6 e
Oh ! Si nous pouvions vivre et n'avoir rien à faire 6+6 a
Qu'à dissiper en nous cette infâme langueur, 6+6 b
Qu'à louer ce grand maître et de bouche et de cœur, 6+6 b
Sans que rien de plus bas nous devînt nécessaire ! 6+6 a
195 Oh ! Si l'âme chrétienne et ses plus saints transports 6+6 c
N'étoient point asservis aux foiblesses du corps, 6+6 c
Aux besoins de dormir, de manger et de boire ! 6+6 d
Si rien n'interrompoit un soin continuel 6+6 e
De publier de Dieu les bontés et la gloire, 6+6 d
200 Et d'avancer l'esprit dans le spirituel ! 6+6 e
Que nous serions heureux ! Qu'un an, un jour, une heure, 6+6 a
Nous feroit bien goûter plus de félicité 6+6 b
Que les siècles entiers de la captivité 6+6 b
Où nous réduit la chair dans sa triste demeure ! 6+6 a
205 Ô dieu, pourquoi faut-il que ces infirmités, 6+6 c
Ces journaliers tributs, soient des nécessités 6+6 c
Pour tes vivants portraits qu'illumine ta flamme ? 6+6 d
Pourquoi pour subsister sur ce lourd élément 6+6 e
Faut-il d'autres repas que les repas de l'âme ? 6+6 d
210 Pourquoi les goûtons-nous, ô dieu, si rarement ? 6+6 e
Quand l'homme se possède, et que les créatures 6+6 a
N'ont aucunes douceurs qui puissent l'arrêter, 6+6 b
C'est alors que sans peine il commence à goûter 6+6 b
Combien le créateur est doux aux âmes pures. 6+6 a
215 Alors, quoi qu'il arrive ou de bien ou de mal, 6+6 c
Il vit toujours content, et d'un visage égal 6+6 c
Il reçoit la mauvaise et la bonne fortune : 6+6 d
L'abondance sur lui tombe sans l'émouvoir, 6+6 e
La pauvreté pour lui n'est jamais importune, 6+6 d
220 La gloire et le mépris n'ont qu'un même pouvoir. 6+6 e
C'est lors entièrement en Dieu qu'il se repose, 6+6 a
En Dieu, sa confiance et son unique appui, 6+6 b
En Dieu, qu'il voit partout, en soi-même, en autrui, 6+6 b
En Dieu, qui pour son âme est tout en toute chose. 6+6 a
225 Où qu'il soit, quoi qu'il fasse, il redoute, il chérit 6+6 c
Cet être universel à qui rien ne périt, 6+6 c
Et dans qui tout conserve une immortelle vie, 6+6 d
Qui ne connoît jamais diversité de temps, 6+6 e
Et dont la voix sitôt de l'effet est suivie 6+6 d
230 Que dire et faire en lui ne sont point deux instants. 6+6 e
Toi qui, bien que mortel, inconstant, misérable, 6+6 a
Peux avec son secours aisément te sauver, 6+6 b
Souviens-toi de la fin où tu dois arriver, 6+6 b
Et que le temps perdu n'est jamais réparable. 6+6 a
235 Va, cours, vole sans cesse aux emplois fructueux : 6+6 c
Cette sainte chaleur qui fait les vertueux 6+6 c
Veut des soins assidus et de la diligence ; 6+6 d
Et du moment fatal que ton manque d'ardeur 6+6 e
T'osera relâcher à quelque négligence, 6+6 d
240 Mille peines suivront ce moment de tiédeur. 6+6 e
Que si dans un beau feu ton âme persévère, 6+6 a
Tu n'auras plus à craindre aucun funeste assaut, 6+6 b
Et l'amour des vertus joint aux grâces d'en haut 6+6 b
Rendra de jour en jour ta peine plus légère. 6+6 a
245 Le zèle et la ferveur peuvent nous préparer 6+6 c
À quoi qu'en cette vie il nous faille endurer : 6+6 c
Ils sèment des douceurs au milieu des supplices ; 6+6 d
Mais ne t'y trompe pas, il faut d'autres efforts, 6+6 e
Il en faut de plus grands à résister aux vices, 6+6 d
250 À se dompter l'esprit, qu'à se gêner le corps. 6+6 e
L'âme aux petits défauts souvent abandonnée 6+6 a
En de plus dangereux se laisse bientôt choir, 6+6 b
Et la parfaite joie arrive avec le soir 6+6 b
Chez qui sait avec fruit employer la journée. 6+6 a
255 Veille donc sur toi-même et sur tes appétits, 6+6 c
Excite, échauffe-toi toi-même, et t'avertis ; 6+6 c
Quoi qu'il en soit d'autrui, jamais ne te néglige ; 6+6 d
Gêne-toi, force-toi, change de bien en mieux ; 6+6 e
Plus se fait violence un cœur qui se corrige, 6+6 d
260 Plus son progrès va haut dans la route des cieux. 6+6 e
mètre profil métrique : 6+6
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