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F = "e" féminin
| = césure
COR_1/COR53
Pierre CORNEILLE
Imitation De Jésus-Christ
1656
LIVRE PREMIER
CHAPITRE XXI
De la componction du cœur.
Si tu veux avancer au chemin de la grâce, 6+6 a
Dans la crainte de Dieu soutiens tes volontés ; 6+6 b
Ne sois jamais trop libre, et rends-toi tout de glace 6+6 a
Pour tout ce que les sens t'offrent de voluptés : 6+6 b
5 Dompte sous une exacte et forte discipline 6+6 c
Ces inséparables flatteurs 8 d
Que l'amour de toi-même à te séduire obstine, 6+6 c
Et dans eux n'examine 6 c
Que la grandeur des maux dont ils sont les auteurs. 6+6 d
10 Ainsi fermant la porte à la joie indiscrète 6+6 a
Sous qui leur faux appas sème un poison caché, 6+6 b
Tu la tiendras ouverte à la douleur secrète 6+6 a
Qu'un profond repentir fait naître du péché : 6+6 b
Cette sainte douleur dans l'âme recueillie 6+6 c
15 Produit mille sortes de biens, 8 d
Que son relâchement vers l'aveugle folie 6+6 c
Des plaisirs de la vie 6 c
A bientôt dissipés en de vains entretiens. 6+6 d
Chose étrange que l'homme accessible à la joie, 6+6 a
20 Au milieu des malheurs dont il est enfermé, 6+6 b
Quelque exilé qu'il soit, quelques périls qu'il voie, 6+6 a
Par de fausses douceurs aime à se voir charmé ! 6+6 b
Ah ! S'il peut consentir qu'une telle allégresse 6+6 c
Tienne ses sens épanouis, 8 d
25 Il n'en voit pas la suite, et sa propre foiblesse, 6+6 c
Qu'il reçoit pour maîtresse, 6 c
Dérobe sa misère à ses yeux éblouis. 6+6 d
Oui, sa légèreté que tout desir enflamme, 6+6 a
Et le peu de souci qu'il prend de ses défauts, 6+6 b
30 L'ayant rendu stupide aux intérêts de l'âme, 6+6 a
Ne lui permettent pas d'en ressentir les maux : 6+6 b
Ainsi, pour grands qu'ils soient, jamais il n'en soupire, 6+6 c
Faute de les considérer ; 8 d
Plus il en est blessé, plus lui-même il s'admire, 6+6 c
35 Et souvent ose rire 6 c
Lorsque de tous côtés il a de quoi pleurer. 6+6 d
Homme, apprends qu'il n'est point ni de liberté vraie, 6+6 a
Ni de plaisir parfait qu'en la crainte de Dieu, 6+6 b
Et que la conscience et sans tache et sans plaie 6+6 a
40 À de pareils trésors seule peut donner lieu. 6+6 b
Toute autre liberté n'est qu'un long esclavage 6+6 c
Qui cache ou qui dore ses fers ; 8 d
Et tout autre plaisir ne laisse en ton courage 6+6 c
Qu'un prompt dégoût pour gage 6 c
45 Du tourment immortel qui l'attend aux enfers. 6+6 d
Heureux qui peut bannir de toutes ses pensées 6+6 a
Les vains amusements de la distraction ! 6+6 b
Heureux qui peut tenir ses forces ramassées 6+6 a
Dans le recueillement de la componction ! 6+6 b
50 Mais plus heureux encor celui qui se dépouille 6+6 c
De tout indigne et lâche emploi, 8 d
Qui pour ne rien souffrir qui lui pèse ou le souille, 6+6 c
Fuit ce qui le chatouille, 6 c
Et pour mieux servir Dieu se rend maître de soi ! 6+6 d
55 Combats donc fortement contre l'inquiétude 6+6 a
Où te jettent du monde et l'amour et le bruit : 6+6 b
L'habitude se vainc par une autre habitude, 6+6 a
Et les hommes jamais ne cherchent qui les fuit. 6+6 b
Néglige leur commerce, et romps l'intelligence 6+6 c
60 Qui te lie encore avec eux, 8 d
Et bientôt à leur tour, te rendant par vengeance 6+6 c
La même négligence, 6 c
Ils t'abandonneront à tout ce que tu veux. 6+6 d
N'attire point sur toi les affaires des autres, 6+6 a
65 Ne t'embarrasse point des intérêts des grands : 6+6 b
Notre propre besoin nous charge assez des nôtres ; 6+6 a
Tu te dois le premier les soins que tu leur rends. 6+6 b
Tiens sur toi l'œil ouvert, et toi-même t'éclaire 6+6 c
Avant qu'éclairer tes amis ; 8 d
70 Et quand tu peux donner un conseil salutaire 6+6 c
Qui les porte à bien faire, 6 c
Donne-t'en le plus ample et le plus prompt avis. 6+6 d
Pour te voir éloigné de la faveur des hommes, 6+6 a
Ne crois point avoir lieu de justes déplaisirs : 6+6 b
75 Elle ne produit rien, en l'exil où nous sommes, 6+6 a
Qu'un espoir décevant et de vagues desirs. 6+6 b
Ce qui doit t'attrister, ce dont tu dois te plaindre, 6+6 c
C'est de ne te régler pas mieux, 8 d
C'est de sentir ton feu s'amortir et s'éteindre 6+6 c
80 Avant qu'il puisse atteindre 6 c
Où doit aller celui d'un vrai religieux. 6+6 d
Souvent il est plus sûr, tant que l'homme respire, 6+6 a
Qu'il sente peu de joie en son cœur s'épancher, 6+6 b
Surtout de ces douceurs que le dehors inspire, 6+6 a
85 Et qui naissent en lui du sang et de la chair. 6+6 b
Que si Dieu rarement sur notre longue peine 6+6 c
Répand sa consolation, 8 d
La faute en est à nous, dont la prudence vaine 6+6 c
Cherche un peu trop l'humaine, 6 c
90 Et ne s'attache point à la componction. 6+6 d
Reconnois-toi, mortel, indigne des tendresses 6+6 a
Que départ aux élus la divine bonté ; 6+6 b
Et des afflictions regarde les rudesses 6+6 a
Comme des traitements dus à ta lâcheté. 6+6 b
95 L'homme vraiment atteint de la douleur profonde 6+6 c
Qu'enfante un plein recueillement, 8 d
Ne trouve qu'amertume aux voluptés du monde, 6+6 c
Et voit qu'il ne les fonde 6 c
Que sur de longs périls que déguise un moment. 6+6 d
100 Le moyen donc qu'il puisse y trouver quelques charmes, 6+6 a
Soit qu'il se considère, ou qu'il regarde autrui, 6+6 b
S'il n'y peut voir partout que des sujets de larmes, 6+6 a
N'y voyant que des croix pour tout autre et pour lui ? 6+6 b
Plus il le sait connoître, et plus la vie entière 6+6 c
105 Lui semble un amas de malheurs ; 8 d
Et plus du haut du ciel il reçoit de lumière, 6+6 c
Plus il voit de matière 6 c
Dessus toute la terre à de justes douleurs. 6+6 d
Sacrés ressentiments, réflexions perçantes, 6+6 a
110 Qui dans un cœur navré versez d'heureux regrets, 6+6 b
Que vous trouvez souvent d'occasions pressantes 6+6 a
Parmi tant de péchés et publics et secrets ! 6+6 b
Mais, hélas ! Ces tyrans de l'âme criminelle 6+6 c
L'enchaînent si bien en ces lieux, 8 d
115 Qu'il est bien malaisé que vous arrachiez d'elle 6+6 c
Quelque soupir fidèle 6 c
Qui la puisse élever un moment vers les cieux. 6+6 d
Pense plus à la mort, que tu vois assurée, 6+6 a
Qu'à la vaine longueur de tes jours incertains, 6+6 b
120 Et tu ressentiras dans ton âme épurée 6+6 a
Une ferveur plus forte et des desirs plus saints. 6+6 b
Si ton cœur chaque jour mettoit dans la balance 6+6 c
Ou le purgatoire ou l'enfer, 8 d
Il n'est point de travail, il n'est point de souffrance 6+6 c
125 Où soudain ta constance 6 c
Ne portât sans effroi l'ardeur d'en triompher. 6+6 d
Mais nous n'en concevons qu'une légère image, 6+6 a
Dont les traits impuissants ne vont point jusqu'au cœur ; 6+6 b
Nous aimons ce qui flatte, et consumons notre âge 6+6 a
130 Dans l'assoupissement d'une froide langueur : 6+6 b
Aussi le corps se plaint, le corps gémit sans cesse, 6+6 c
Accablé sous les moindres croix, 8 d
Parce que de l'esprit la honteuse mollesse 6+6 c
N'agit qu'avec foiblesse, 6 c
135 Et refuse son aide à soutenir leur poids. 6+6 d
Demande donc à Dieu pour faveur singulière 6+6 a
L'esprit fortifiant de la componction ; 6+6 b
Avec le roi prophète élève ta prière, 6+6 a
Et dis à son exemple avec submission : 6+6 b
140 « nourrissez-moi de pleurs, seigneur, pour témoignage 6+6 c
Que vous me voulez consoler. 8 d
Détrempez-en mon pain, mêlez-en mon breuvage, 6+6 c
Et de tout mon visage 6 c
Jour et nuit à grands flots faites-les distiller. » 6+6 d
mètre profils métriques : 8, 6, 6+6
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