Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
COR_1/COR131
Pierre CORNEILLE
Imitation De Jésus-Christ
1656
LIVRE QUATRIÈME
CHAPITRE II
Que le sacrement de l'autel nous découvre une grande
bonté et un grand amour de Dieu.
Je m'approche, seigneur, plein de la confiance 6+6 a
Que tu veux que je prenne en ta haute bonté : 6+6 b
Je m'approche en malade, avec impatience 6+6 a
De recevoir de toi la parfaite santé. 6+6 b
5 Je cherche en altéré la fontaine de vie ; 6+6 a
Je cherche en affamé le pain vivifiant ; 6+6 b
Et c'est sur cet espoir que mon âme ravie 6+6 a
Au monarque du ciel présente un mendiant. 6+6 b
Aux faveurs de son maître ainsi l'esclave espère, 6+6 a
10 Ainsi la créature aux dons du créateur ; 6+6 b
Ainsi le désolé cherche dans sa misère 6+6 a
Un doux refuge au sein de son consolateur. 6+6 b
Qui peut m'avoir rendu ta bonté si propice, 6+6 a
Que jusqu'à moi, seigneur, il te plaise venir ? 6+6 b
15 Et qui suis-je après tout, que ton corps me nourrisse, 6+6 a
Qu'au mien en ce banquet tu le daignes unir ? 6+6 b
De quel front un pécheur devant toi comparoître ? 6+6 a
De quel front jusqu'à toi s'ose-t-il avancer ? 6+6 b
Comment le souffres-tu, toi, son juge et son maître ? 6+6 a
20 Et comment jusqu'à lui daignes-tu t'abaisser ? 6+6 b
Ce n'est point avec toi qu'il faut que je raisonne : 6+6 a
Tu connois ma foiblesse et mon peu de ferveur, 6+6 b
Et tu sais que de moi je n'ai rien qui me donne 6+6 a
Aucun droit de prétendre une telle faveur. 6+6 b
25 Plus je contemple aussi l'excès de ma bassesse, 6+6 a
Plus j'admire aussitôt celui de ton amour : 6+6 b
J'adore ta pitié, je bénis ta largesse, 6+6 a
Je t'en veux rendre gloire et grâces nuit et jour. 6+6 b
C'est par cette clémence, et non pour mes mérites, 6+6 a
30 Que tu fais à mes yeux luire ainsi ta bonté, 6+6 b
Pour faire croître en moi l'amour où tu m'invites, 6+6 a
Et mieux enraciner la vraie humilité. 6+6 b
Puis donc que tu le veux, puisque tu le commandes, 6+6 a
J'ose me présenter au don que tu me fais ; 6+6 b
35 Et puissé-je ne mettre à des bontés si grandes 6+6 a
Aucun empêchement par mes lâches forfaits ! 6+6 b
Débonnaire Jésus, quelles sont les louanges, 6+6 a
Quels sont et les respects et les remercîments 6+6 b
Que te doivent nos cœurs pour ce vrai pain des anges 6+6 a
40 Que ta main nous prodigue en ces festins charmants ? 6+6 b
Telle est la dignité de ce pain angélique, 6+6 a
Que son expression passe notre pouvoir, 6+6 b
Et nous voulons en vain que la bouche l'explique, 6+6 a
Lorsque l'entendement ne la peut concevoir. 6+6 b
45 Mais que dois-je penser à cette table sainte ? 6+6 a
M'approchant de mon dieu, de quoi m'entretenir ? 6+6 b
J'y porte du respect, du zèle et de la crainte, 6+6 a
Et ne le puis assez respecter ni bénir. 6+6 b
Je n'ai rien de meilleur ni de plus salutaire, 6+6 a
50 Que de m'humilier devant ta majesté, 6+6 b
Et de tenir l'œil bas sur toute ma misère, 6+6 a
Pour élever d'autant l'excès de ta bonté. 6+6 b
Je te loue, ô mon Dieu, je t'exalte sans cesse ; 6+6 a
De mon propre mépris je me fais une loi, 6+6 b
55 Et je m'abîme au fond de toute ma bassesse, 6+6 a
Pour de tout mon pouvoir me ravaler sous toi. 6+6 b
Toi, la pureté même, et moi, la même ordure, 6+6 a
Toi, le grand saint des saints, toi, leur unique roi, 6+6 b
Tu viens à cette indigne et vile créature 6+6 a
60 Qui ne mérite pas de porter l'œil sur toi ! 6+6 b
Tu viens jusques à moi pour loger en moi-même, 6+6 a
Tu m'invites toi-même à ces divins banquets, 6+6 b
Où la profusion de ton amour extrême 6+6 a
Sert un pain angélique et de célestes mets ! 6+6 b
65 Ce pain, ce mets sacré que tu nous y fais prendre, 6+6 a
C'est toi, c'est ton vrai corps, arbitre de mon sort, 6+6 b
Pain vivant, qui du ciel as bien voulu descendre 6+6 a
Pour redonner la vie aux enfants de la mort. 6+6 b
Quels tendres soins pour nous ton amour fait paroître ! 6+6 a
70 Que grande est la bonté dont part ce grand amour ! 6+6 b
Que ta louange, ô Dieu ! Chaque jour en doit croître ! 6+6 a
Que de remercîments on t'en doit chaque jour ! 6+6 b
Que tu pris un dessein utile et salutaire, 6+6 a
Quand tu te fis auteur de ce grand sacrement ! 6+6 b
75 Et l'aimable festin qu'il te plut de nous faire, 6+6 a
Quand tu nous y donnas ton corps pour aliment ! 6+6 b
Qu'en cet effort d'amour tes œuvres admirables 6+6 a
Montrent de ta vertu le pouvoir éclatant ! 6+6 b
Et que ces vérités sont pour nous ineffables, 6+6 a
80 Que ta voix exécute aussitôt qu'on l'entend ! 6+6 b
Ta parole jadis fit si tôt toutes choses, 6+6 a
Que rien n'en sépara le son d'avec l'effet ; 6+6 b
Et ta vertu passant dans les secondes causes, 6+6 a
À peine l'homme parle, et ton vouloir est fait. 6+6 b
85 Chose étrange, et bien digne enfin que la foi vienne 6+6 a
Au secours de nos sens et de l'esprit humain, 6+6 b
Que l'espèce du vin tout entier te contienne, 6+6 a
Que tu sois tout entier sous l'espèce du pain ! 6+6 b
Tu fais de leur substance en toi-même un échange, 6+6 a
90 Tu les anéantis, et revêts leurs dehors ; 6+6 b
Et bien qu'à tous moments on te boive et te mange, 6+6 a
On ne consume point ni ton sang ni ton corps. 6+6 b
Grand monarque du ciel, qui dans ce haut étage 6+6 a
N'as besoin de personne, et ne manques de rien, 6+6 b
95 Tu veux loger en nous, et faire un alliage, 6+6 a
Par ce grand sacrement, de notre sang au tien ! 6+6 b
Conserve donc mon cœur et tout mon corps sans tache, 6+6 a
Afin qu'un plein repos dans mon âme épandu, 6+6 b
À ce mystère saint un saint amour m'attache, 6+6 a
100 Et qu'à le célébrer je me rende assidu ; 6+6 b
Que souvent je le puisse offrir en ta mémoire, 6+6 a
Comme de ta voix propre il t'a plu commander, 6+6 b
Et qu'après l'avoir pris pour ta plus grande gloire, 6+6 a
Au salut éternel il me puisse guider. 6+6 b
105 Par des transports de joie et de reconnoissance, 6+6 a
Bénis ton Dieu, mon âme, en ce val de malheurs, 6+6 b
Où tu reçois ainsi de sa toute-puissance 6+6 a
Un don si favorable à consoler tes pleurs. 6+6 b
Sais-tu qu'autant de fois que ton zèle s'élève 6+6 a
110 À prendre du sauveur le véritable corps, 6+6 b
L'œuvre de ton salut autant de fois s'achève, 6+6 a
Et de tous ses tourments t'applique les trésors ? 6+6 b
Il n'a rien mérité qu'il ne t'y communique ; 6+6 a
Et comme son amour ne peut rien refuser, 6+6 b
115 Sa bonté toujours pleine et toujours magnifique 6+6 a
Est un vaste océan qu'on ne peut épuiser. 6+6 b
Portes-y de ta part l'attention sévère 6+6 a
D'un cœur renouvelé pour s'y mieux préparer, 6+6 b
Et pèse mûrement la grandeur d'un mystère 6+6 a
120 Dont dépend ton salut que tu vas opérer. 6+6 b
Lorsque ta propre main offre cette victime, 6+6 a
Quand tu la vois offrir par un autre à l'autel, 6+6 b
Tout doit être pour toi surprenant, doux, sublime, 6+6 a
Comme si de nouveau Dieu se faisoit mortel. 6+6 b
125 Oui, tout t'y doit sembler aussi grand, aussi rare 6+6 a
Que si ce jour-là même il naissoit ici-bas, 6+6 b
Ou que la cruauté d'une troupe barbare 6+6 a
Pour le salut de tous le livrât au trépas. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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