Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
COR_1/COR123
Pierre CORNEILLE
Imitation De Jésus-Christ
1656
LIVRE TROISIÈME
CHAPITRE LIV
Des divers mouvements de la nature
et de la grace.
Considère, mon fils,en tout ce qui se passe, 6+6 a
 De la nature et de la grâce 8 a
Les mouvements subtilsl'un à l'autre opposés : 6+6 b
Leurs images souventen lieu même épandues, 6+6 c
5  L'une dans l'autre confondues, 8 c
Ont des traits si pareilset si peu divisés, 6+6 b
Que les plus grands dévots,après s'être épuisés 6+6 b
 En des recherches assidues, 8 c
À peine, quelque soinqu'ils s'en puissent donner, 6+6 b
10 Ont des yeux assez vifspour les bien discerner. 6+6 b
Chacun se porte au bien,et le desir avide 6+6 e
 Jamais n'embrasse d'autre objet ; 8 f
Mais il en est de fauxainsi que de solide ; 6+6 e
Et comme l'apparenceattire le projet, 6+6 f
15 La fausse avec tant d'artquelquefois y préside, 6+6 e
Que l'un passe pour l'autre,et les yeux les meilleurs 6+6 g
 Se trompent aux mêmes couleurs. 8 g
C'est ainsi que souventà force d'artifices 6+6 h
 La nature enchne et déçoit, 8 i
20 Se considère seuleaux vœux qu'elle conçoit, 6+6 i
Et se prend pour seul buten toutes ses délices ; 6+6 h
Mais la grâce chemineavec simplicité, 6+6 d
Ne peut souffrir du mall'ombre ni l'apparence, 6+6 j
Ne tend jamais de piégeà la crédulité, 6+6 d
25  Voit toujours Dieu par préférence, 8 j
Ne fait rien que pour lui,le prend pour seule fin, 6+6 k
Et met tout son reposen cet être divin. 6+6 k
S'il faut mourir en soi,se vaincre, se soumettre, 6+6 l
Se laisser opprimer,se voir assujettir, 6+6 m
30 La nature jamaisne veut y consentir, 6+6 m
 Jamais n'ose se le permettre ; 8 l
Mais la grâce prend peineà se mortifier, 6+6 d
Sous le vouloir d'autruicherche à s'humilier, 6+6 d
À se dompter partoutmet toute son étude ; 6+6 n
35  Et de la sensualité 8 d
Le joug, si doux pour l'autre,est pour elle si rude, 6+6 n
Qu'à lui seul elle opposeun esprit révolté. 6+6 d
 Pour en mieux briser l'esclavage, 8 o
La propre liberté,chez elle hors d'usage, 6+6 o
40  N'a rien qu'elle daigne garder : 8 d
Elle aime à se tenirdessous la discipline, 6+6 p
Jamais avec plaisirsur aucun ne domine, 6+6 p
 Jamais n'aspire à commander. 8 d
Être et vivre sous Dieu,s'attacher en captive 6+6 q
45  À l'ordre aimable de ses lois, 8 r
Et se ranger pour luisous le moindre qui vive, 6+6 q
C'est de tous ses desirsl'inébranlable choix. 6+6 r
 Regarde comme la nature 8 t
 S'empresse avec activité 8 d
50 À la moindre couleur,à la moindre ouverture 6+6 t
Que fait son intérêtou sa commodité. 6+6 d
Dans son plus beau travailtout ce qu'elle examine, 6+6 p
C'est combien sur un autreun tel emploi butine ; 6+6 p
L'estime s'en mesureà ce qu'il rend de fruit : 6+6 u
55 La grâce cherche aussil'utile et le commode ; 6+6 v
 Mais la sainte ardeur qu'elle suit, 8 u
 Par une contraire méthode, 8 v
Sans se considérer,embrasse à cœur ouvert 6+6 w
Ce qui sert à plusieurs,et non ce qui lui sert. 6+6 w
60 L'une aime les honneurs le monde l'appelle, 6+6 x
Les reçoit avec joie,et court même au-devant : 6+6 y
L'autre m'en fait toujoursun hommage fidèle, 6+6 x
Et sur ceux qu'on lui rendson zèle s'élevant 6+6 y
Me les réfère tous,sans en vouloir pour elle. 6+6 x
65 L'une craint les mépriset la confusion : 6+6 z
 L'autre en bénit l'occasion, 8 z
 Et d'une allégresse infinie 8 a
Au nom de Jésus-Christsouffre l'ignominie. 6+6 a
La molle oisiveté,le repos nonchalant, 6+6 y
70  Pour la natureont de douces amorces ; 4+6 b
Mais la grâce, au contraire,est d'un esprit bouillant 6+6 y
Qui veut faire sans cesseun essai de ses forces : 6+6 b
 Sa vie est toute d'action, 8 z
Et ne peut subsistersans occupation. 6+6 z
75  Les nouveautésplaisent à la nature ; 4+6 t
Elle aime l'ajusté,le beau, le précieux ; 6+6 c
Le vil et le grossiersont l'horreur de ses yeux, 6+6 c
L'en vouloir revêtir,c'est lui faire une injure : 6+6 t
La grâce aime l'habitsimple et sans ornement ; 6+6 y
80  Elle n'affecte point la mode ; 8 v
Le plus vieux drap n'a rienqui lui semble incommode, 6+6 v
Et le plus mal polilui plt également. 6+6 y
La nature a le cœuraux choses de la terre, 6+6 d
 Dont le vain éclat l'éblouit, 8 u
85  Et si le gain l'épanouit, 8 u
 La perte aussitôt le resserre : 8 d
Il chancelle, il s'abatsous le moindre revers, 6+6 e
Et s'aigrit fortementpour un mot de travers. 6+6 e
 Comme la grâce est éloignée 8 f
90  De cet indigne attachement, 8 y
Les seuls biens éternelsattirent pleinement 6+6 y
 L'œil d'une âme qu'elle a gagnée : 8 f
 Elle tient pour indifférents 8 g
Et la perte et le gainde ces biens apparents ; 6+6 g
95 Contre elle sans effetl'opprobre se déploie ; 6+6 h
Rien ne la peut troubler,rien ne la peut aigrir ; 6+6 m
Et ne mettant qu'au cielses trésors et sa joie, 6+6 h
Elle ne peut rien perdre rien ne peut périr. 6+6 m
La nature est cupideautant qu'elle est avare, 6+6 i
100  Et sa brûlante soif d'avoir 8 j
 La rend plus prompte à recevoir 8 j
 Qu'à faire partde ce qu'elle a de rare ; 4+6 i
Tout ce qu'elle possèdeémeut le propre amour, 6+6 k
 Et la possédant à son tour, 8 k
105 À l'usage privépar cet amour s'applique : 6+6 l
La grâce est libérale,et contente de peu, 6+6 m
Ne veut point de trésorsqu'elle ne communique, 6+6 l
Et du propre intérêtfait un tel désaveu, 6+6 m
Qu'elle trouve à donnerplus de béatitude 6+6 n
110 Qu'à recevoir d'autruila juste gratitude. 6+6 n
 Emprunte, emprunte mes clartés 8 b
 Pour voir penche la nature, 8 t
 Comme elle incline aux vanités, 8 b
 À la chair, à la créature, 8 t
115  Comme elle se plt à courir 8 m
 Et pour voir et pour discourir, 8 m
Cependant que vers Dieula grâce attire une âme, 6+6 n
 Et que sur le vice abattu 8 o
Elle aplanit aux cœursqu'un saint desir enflamme 6+6 n
120  L'heureux sentier de la vertu. 8 o
 Elle fait bien plus, cette grâce, 8 a
Elle renonce au monde,et son feu généreux 6+6 c
 Devient une invincible glace 8 a
Pour tout ce que la terrea d'attraits dangereux. 6+6 c
125 Tout ce qu'aime la chairest l'objet de sa haine ; 6+6 p
Et bien loin de courirvagabonde, incertaine, 6+6 p
 Au gré de quelque folle ardeur, 8 q
La retraite a pour elleune si douce chne 6+6 p
Que partre en publicfait rougir sa pudeur. 6+6 q
130 Leurs consolationssont même si diverses, 6+6 r
Que l'une les arrêteà ce qu'aiment les sens : 6+6 g
 L'autre, qui les tient impuissants, 8 g
Ne regarde que Dieudans toutes ses traverses, 6+6 r
N'a recours qu'à lui seul,et ne se plt à rien 6+6 k
135  Qu'en l'unique et souverain bien. 8 k
 Retrancher l'espoir du salaire, 8 d
C'est rendre la natureà son oisiveté ; 6+6 d
Et détourner ses yeuxde sa commodité, 6+6 d
C'est la mettre en étatde ne pouvoir rien faire. 6+6 d
140 Elle ne prête pointses soins officieux, 6+6 c
Sans prétendre aussitôtou la pareille ou mieux ; 6+6 c
Quelques dons qu'elle fasse,elle veut qu'on les prise, 6+6 s
Que ses moindres bienfaitssoient tenus de grand poids, 6+6 r
Qu'elle en ait la louangeou qu'on l'en favorise, 6+6 s
145 Et qu'un foible serviceacquière de pleins droits. 6+6 r
 Oh ! Que la grâce est différente ! 8 t
Qu'elle fait du salaireun généreux mépris ! 6+6 u
 Son dieu seul est le digne prix 8 u
 Qui puisse remplir son attente. 8 t
150  Comme l'humaine infirmité 8 d
Fait des biens temporelsune nécessité, 6+6 d
C'est pour ce besoin seulqu'elle en souffre l'usage ; 6+6 o
 Et ne consent d'en obtenir 8 m
 Que pour mieux se faire un passage 8 o
155  À ceux qui ne sauroient finir. 8 m
Si le nombre d'amis,si la haute alliance, 6+6 j
 Si le vieil amas des trésors, 8 w
Si le rang que tu tiens,si le lieu dont tu sors, 6+6 w
De quelque vaine gloireenflent ta confiance ; 6+6 j
160  Si tu fais ta cour aux puissants, 8 g
 Si les riches ont tes encens 8 g
 Par une molle flatterie ; 8 a
Si tu vantes partoutce que font tes pareils : 6+6 x
Tu ne suis que le coursde cette afféterie 6+6 a
165 Qu'inspire la natureà qui croit ses conseils. 6+6 x
 La grâce agit d'une autre sorte : 8 y
 Elle chérit ses ennemis, 8 u
 Et la foule épaisse d'amis 8 u
 Jamais hors d'elle ne l'emporte. 8 y
170 Quoiqu'elle fasse étatdes qualités, du rang, 6+6 z
 De l'illustre et haute naissance, 8 j
Elle n'en prise pointl'éclat ni la puissance, 6+6 j
Si la haute vertune passe encor le sang. 6+6 z
Le pauvre en sa faveurla trouve plus flexible 6+6 a
175  Que ne fait le riche orgueilleux ; 8 c
Avec l'humble innocenceelle est plus compatible 6+6 a
 Qu'avec le pouvoir sourcilleux. 8 c
Ses applaudissementssont pour les cœurs sincères, 6+6 b
 Non pour ces bouches mensongères 8 b
180  Que la seule fourbe remplit : 8 u
Elle exhorte les bonsà ces œuvres parfaites, 6+6 c
Ces hautes charitéspubliques et secrètes, 6+6 c
Par qui du fils de Dieul'image s'accomplit ; 6+6 u
Et sa pieuse adresseaux vertus les avance 6+6 j
185 Par l'émulationde cette ressemblance. 6+6 j
La nature jamaisne veut manquer de rien, 6+6 k
Jamais du moindre maln'aime à souffrir l'atteinte ; 6+6 d
Tout ce qu'elle n'a pas,faute d'un peu de bien, 6+6 k
 Lui donne un grand sujet de plainte : 8 d
190 La grâce n'en vient pointà cette lâcheté, 6+6 d
Et porte constammenttoute la pauvreté. 6+6 d
La nature sur soifixe toute sa vue, 6+6 e
Y jette tout l'effortde ses réflexions, 6+6 f
Et n'a point de combatsni d'agitations 6+6 f
195 par l'intérêt propreelle ne soit émue. 6+6 e
 La grâce a d'autres mouvements, 8 g
 Dont les sacrés épurements 8 g
Rapportent tout à Dieucomme à leur origine : 6+6 p
Elle ne s'attribueaucun bien qu'elle ait fait, 6+6 f
200 Et toute sa vertujamais ne s'imagine 6+6 p
Que son plus grand mériteait rien que d'imparfait. 6+6 f
 Elle n'est point contentieuse, 8 g
 Et ne donne point ses avis 8 u
 D'une manière impérieuse 8 g
205  Qui demande à les voir suivis. 8 u
Jamais à ceux d'un autreelle ne les préfère ; 6+6 d
Et de quoi qu'elle jugeou qu'elle délibère, 6+6 d
À l'examen divinelle soumet le tout, 6+6 h
 Et fait la sagesse éternelle 8 x
210 Arbitre souveraineet de ce qu'on croit d'elle, 6+6 x
 Et de tout ce qu'elle résout. 8 h
L'âpre démangeaisond'entendre des nouvelles, 6+6 i
 Ou de pénétrer un secret, 8 f
 Pour la nature a tant d'attrait, 8 f
215 Qu'elle prête l'oreilleà mille bagatelles ; 6+6 i
L'ambitieuse soifde partre au dehors 6+6 w
 Lui fait consumer mille efforts 8 w
À lasser de ses sensla vaine expérience ; 6+6 j
Et l'éclat d'un grand nomlui semble un tel bonheur, 6+6 q
220 Qu'il la force à couriravec impatience 6+6 j
brille quelque espoirde louange et d'honneur. 6+6 q
La grâce n'a jamaiscette humeur curieuse 6+6 g
 Qui court après les raretés ; 8 b
 Jamais les folles nouveautés 8 b
225 N'allument dans son seind'amour capricieuse : 6+6 g
Toutes naissent ausside ces corruptions 6+6 f
Que du cercle des tempsles révolutions 6+6 f
Sous de nouveaux dehorsrendent à la nature, 6+6 t
Et jamais sur la terreon n'a lieu d'espérer 6+6 d
230 Du retour déguiséde cette pourriture 6+6 t
Aucun effet nouveau,ni qui puisse durer. 6+6 d
Elle enseigne à rangertes sens sous ta puissance, 6+6 j
 À bannir de tes actions 8 f
 L'orgueil des ostentations, 8 f
235  Et le fard de la complaisance ; 8 j
Elle enseigne à cacherdessous l'humilité 6+6 d
Ce que de tes vertusl'effort a mérité, 6+6 d
 Quand même il est tout admirable ; 8 j
 En toute science, en tout art, 8 k
240 Elle cherche quel fruiten peut être estimable, 6+6 j
Et combien de son dieula gloire y tient de part. 6+6 k
Elle ne veut jamaisni qu'on la considère, 6+6 d
Ni qu'on daigne priserquoi qu'elle puisse faire, 6+6 d
Mais que dans tous ses donsce Dieu seul soit béni, 6+6 l
245 Ce Dieu qui les fait tousde sa pure largesse, 6+6 m
 Et se plt à livrer sans cesse 8 m
Aux prodigalitésd'un amour infini 6+6 l
L'inépuisable fondsde toute sa richesse. 6+6 m
Pour t'exprimer enfince que la grâce vaut, 6+6 n
250 C'est un don spécialdu souverain monarque, 6+6 o
Un trait surnatureldes lumières d'en haut, 6+6 n
Le grand sceau des éluset leur céleste marque, 6+6 o
Du salut éternelle gage précieux, 6+6 c
L'arrhe du paradis,et l'avant-gt des cieux. 6+6 c
255 C'est par elle que l'homme,arraché de la terre, 6+6 d
Pousse jusqu'à leur vteun feu continuel, 6+6 p
De charnel qu'il étoitdevient spirituel, 6+6 p
Et se fait à soi-mêmeune implacable guerre. 6+6 d
Plus tu vaincs la natureet l'oses maltraiter, 6+6 d
260 Plus cette grâce abonde,et sème des mérites, 6+6 q
Que moi-même honorantde mes douces visites 6+6 q
Je fais de jour en jourd'autant plus haut monter ; 6+6 d
Et ma main, d'autant mieuxréparant mon ouvrage, 6+6 o
Dans ton intérieurrétablit mon image. 6+6 o
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