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COR_1/COR112
Pierre CORNEILLE
Imitation De Jésus-Christ
1656
LIVRE TROISIÈME
CHAPITRE XLIII
Contre la vaine science du siècle, et de la vraie
étude du chrétien.
Défends ton cœur de ton oreille ; 8 a
Souvent une fausse merveille 8 a
Entre par elle et te surprend : 8 b
Ne t'émeus donc point, et n'admire, 8 c
5 Quoi que les hommes puissent dire 8 c
De beau, de subtil, ou de grand. 8 b
Mon royaume n'est pas pour ces brillants frivoles 6+6 d
Dont l'humaine éloquence orne ses fictions ; 6+6 e
Il se donne aux vertus, et non pas aux paroles, 6+6 d
10 Et fuit les beaux discours sans bonnes actions. 6+6 e
Ma seule parole sacrée 8 a
Est celle à qui tu dois l'entrée ; 8 a
C'est elle qui te doit charmer ; 8 b
C'est elle qui verse dans l'âme 8 c
15 Les ardeurs de la sainte flamme 8 c
Qui seule s'y doit allumer. 8 b
Elle éclaire l'esprit par des rayons célestes, 6+6 d
Elle jette les cœurs dans la componction, 6+6 e
Et répand sur l'aigreur des maux les plus funestes 6+6 d
20 En cent et cent façons ma consolation. 6+6 e
Jamais à lire ne t'anime 8 a
Par un vain desir qu'on t'estime 8 a
Plus habile homme, ou plus savant : 8 b
De cette ambitieuse étude 8 c
25 L'inépuisable inquiétude 8 c
Ne produit jamais que du vent. 8 b
Sache dompter tes sens, sache amortir tes vices, 6+6 d
Et de cette science espère plus de fruit 6+6 e
Que si de tout autre art les épineux caprices 6+6 d
30 T'avoient laissé percer leur plus obscure nuit. 6+6 e
Quand tu saurois par ta lecture 8 a
Connoître toute la nature, 8 a
Tu n'as qu'un point à retenir : 8 b
Un seul principe est nécessaire ; 8 c
35 On a beau dire, on a beau faire, 8 c
C'est là qu'il en faut revenir. 8 b
C'est moi seul qui dépars la solide science ; 6+6 d
C'est de mes seuls trésors que je la fais couler, 6+6 e
Et j'en prodigue plus à l'humble confiance 6+6 d
40 Que tout l'esprit humain ne t'en peut étaler. 6+6 e
Oui, le cœur humble qui m'adore, 8 a
Le cœur épuré que j'honore 8 a
De mon amoureux entretien, 8 b
Abonde bientôt en sagesse, 8 c
45 Et s'avance en la haute adresse 8 c
Qui mène l'esprit au vrai bien. 8 b
Malheur, malheur à ceux qui se laissant conduire 6+6 d
Aux desirs empressés d'un curieux savoir, 6+6 e
En l'art de me servir dédaignent de s'instruire, 6+6 d
50 Et veulent ignorer leur unique devoir ! 6+6 e
Un jour viendra que le grand maître, 8 a
Le grand roi se fera paroître, 8 a
Armé de foudres et d'éclairs ; 8 b
Qu'assis sur un trône de gloire, 8 c
55 Il rappellera la mémoire 8 c
De ce qu'aura fait l'univers : 8 b
Il faudra voir alors quelle est votre science, 6+6 d
Savants ; il entendra votre leçon à tous, 6+6 e
Et sur cet examen de chaque conscience 6+6 d
60 Un moment réglera sa grâce ou son courroux. 6+6 e
Alors on verra sa lumière 8 a
De Hiérusalem toute entière 8 a
Éplucher jusqu'au moindre trait ; 8 b
Alors les plus obscures vies, 8 c
65 Dans les ténèbres éclaircies, 8 c
Ne trouveront plus de secret. 8 b
Les grands raisonnements de ces langues disertes 6+6 d
N'auront force ni poids en cette occasion : 6+6 e
La parole mourra dans les bouches ouvertes, 6+6 d
70 Et cédera la place à la confusion. 6+6 e
Plus une âme est humiliée, 8 a
Plus elle s'est étudiée 8 a
À ce noble ravalement, 8 b
D'autant mieux cette ferme base 8 c
75 Soutient la haute et sainte extase 8 c
Où je l'élève en un moment. 8 b
C'est alors qu'en secret une de mes paroles 6+6 d
Lui fait comprendre mieux ce qu'est l'éternité, 6+6 e
Que si toute la poudre et le bruit des écoles 6+6 d
80 Avoient lassé dix ans son assiduité. 6+6 e
J'instruis, j'inspire, j'illumine ; 8 a
J'explique toute ma doctrine 8 a
Sans aucun embarras de mots, 8 b
Sans que les âmes balancées 8 c
85 D'aucunes confuses pensées 8 c
En perdent jamais le repos. 8 b
Jamais des vains degrés la pompe imaginaire 6+6 d
De son fast orgueilleux n'embrouille mes savants, 6+6 e
Et les rusés détours d'un argument contraire 6+6 d
90 Ne leur tendent jamais de piéges décevants. 6+6 e
Ainsi je montre, ainsi j'enseigne 8 a
Comme il faut que l'homme dédaigne 8 a
Toutes les douceurs d'ici-bas, 8 b
Qu'il néglige les temporelles, 8 c
95 Qu'il n'aspire qu'aux éternelles, 8 c
Qu'il ne goûte que leurs appas : 8 b
J'enseigne à fuir l'honneur, à souffrir le scandale ; 6+6 d
Pour but, pour seul espoir j'enseigne à me choisir ; 6+6 e
J'enseigne à me chérir d'une ardeur sans égale, 6+6 d
100 J'enseigne à ramasser en moi tout son desir. 6+6 e
Un grand dévot m'a su connoître, 8 a
Sans en consulter d'autre maître 8 a
Que le feu qui sut l'enflammer : 8 b
Il dit des choses admirables 8 c
105 De mes attributs ineffables, 8 c
Et n'avoit appris qu'à m'aimer. 8 b
Il dégagea son cœur de toute la nature, 6+6 d
Et se fit bien plus docte en quittant tout ainsi, 6+6 e
Que s'il eût attaché jusqu'à la sépulture 6+6 d
110 Sur des subtilités un long et vain souci. 6+6 e
Ma façon d'instruire est diverse : 8 a
Je parle aux uns et les exerce 8 a
Sur des préceptes généraux ; 8 b
Je parle à d'autres à l'oreille 8 c
115 Du secret de quelque merveille, 8 c
Ou du choix de quelques travaux ; 8 b
Je ne me montre aux uns que sous quelque figure 6+6 d
Qui leur fait doucement comprendre ma bonté, 6+6 e
Et sur d'autres j'épands cette lumière pure 6+6 d
120 Qui fait voir le mystère avec pleine clarté. 6+6 e
Les livres à leur ouverture 8 a
Offrent à tous même lecture, 8 a
Mais non pas même utilité : 8 b
J'en suis au dedans l'interprète, 8 c
125 Et seul à seul dans la retraite 8 c
J'en explique la vérité. 8 b
Je pénètre les cœurs, je vois dans les pensées, 6+6 d
J'excite, je prépare aux bonnes actions, 6+6 e
Et je tiens mes faveurs plus ou moins avancées, 6+6 d
130 Suivant qu'on fait profit de mes instructions. 6+6 e
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite périodique
schéma : 13(aabccbdede)
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