Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
COR_1/COR109
Pierre CORNEILLE
Imitation De Jésus-Christ
1656
LIVRE TROISIÈME
CHAPITRE XL
Que l'homme n'a rien de bon de soi-même, et ne
se peut glorifier d'aucune chose.
Seigneur, qu'est-ce que l'homme, et dans ton souvenir 6+6 a
Qui lui donne le rang que tu l'y fais tenir ? 6+6 a
Que sont les fils d'Adam, que sont tous leurs mérites, 6+6 b
Pour attirer chez eux l'honneur de tes visites ? 6+6 b
5 Que t'a fait l'homme enfin, que ta grâce pour lui 6+6 a
Aime à se prodiguer, et lui servir d'appui ? 6+6 a
Ai-je lieu de m'en plaindre avec quelque justice, 6+6 b
Quand elle m'abandonne à mon propre caprice ? 6+6 b
Et puis-je à ta rigueur reprocher quelque excès, 6+6 a
10 Quand toute ma prière obtient peu de succès ? 6+6 a
C'est bien alors à moi d'avouer ma foiblesse ; 6+6 b
C'est à moi de penser et de dire sans cesse : 6+6 b
« seigneur, je ne suis rien, je ne puis rien de moi, 6+6 a
Et je n'ai rien de bon, s'il ne me vient de toi. » 6+6 a
15 Mes défauts sont si grands, mon impuissance est telle, 6+6 b
Qu'elle a vers le néant une pente éternelle. 6+6 b
À moins que ton secours me relève le cœur, 6+6 a
À moins que ta bonté ranime ma langueur, 6+6 a
Qu'elle daigne au dedans me former et m'instruire, 6+6 b
20 Mes plus ardents efforts ne peuvent rien produire, 6+6 b
Et mon infirmité retrouve en un moment 6+6 a
La tiédeur, le désordre et le relâchement. 6+6 a
Toi seul, toujours le même et toujours immuable, 6+6 b
Te soutiens dans un être à jamais perdurable, 6+6 b
25 Toujours bon, toujours saint, toujours juste, et toujours 6+6 a
Dispensant saintement ton bienheureux secours. 6+6 a
Ta bonté, ta justice agit en toutes choses, 6+6 b
Et de tout et partout sagement tu disposes ; 6+6 b
Mais pour moi, qui toujours penche plus fortement 6+6 a
30 Vers l'imperfection que vers l'avancement, 6+6 a
Je n'ai pas un esprit toujours en même assiette : 6+6 b
Il cherche, il craint, il fuit, il embrasse, il rejette, 6+6 b
Et son meilleur état, par un triste retour, 6+6 a
Est sujet à changer plus de sept fois le jour. 6+6 a
35 Tous mes maux toutefois rencontrent leur remède, 6+6 b
Aussitôt qu'il t'a plu d'accourir à mon aide ; 6+6 b
Et pour faire à mon âme un bonheur souverain, 6+6 a
Tu n'as qu'à lui prêter, qu'à lui tendre la main. 6+6 a
Tu le peux, ô mon Dieu, de ta volonté pure, 6+6 b
40 Sans emprunter le bras d'aucune créature : 6+6 b
Tu me peux de toi seul si bien fortifier, 6+6 a
Que mon âme n'ait plus de quoi se défier, 6+6 a
Que ma constante ardeur ne tourne plus en glace, 6+6 b
Que mon sort affermi ne change plus de face, 6+6 b
45 Et que mon cœur enfin, plein de zèle et de foi, 6+6 a
Ainsi que dans son centre ait son repos en toi. 6+6 a
Ah ! Si jamais ce cœur pouvoit bien se défaire 6+6 b
Des consolations que la terre suggère, 6+6 b
Soit pour mieux faire place aux célestes faveurs 6+6 a
50 Qui font naître ici-bas et croître les ferveurs, 6+6 a
Soit par ce grand besoin qui réduit ma foiblesse 6+6 b
À la nécessité d'implorer ta tendresse, 6+6 b
Puisque dans les malheurs où je me sens couler 6+6 a
Il n'est aucun mortel qui puisse consoler, 6+6 a
55 Alors certes, alors j'aurois pleine matière 6+6 b
D'espérer de ta grâce une abondance entière, 6+6 b
Et de m'épanouir à ces charmes nouveaux 6+6 a
Dont je verrois ta main adoucir mes travaux. 6+6 a
C'est de toi, mon sauveur, c'est de toi, source vive, 6+6 b
60 Que se répand sur moi tout le bien qui m'arrive. 6+6 b
Je ne suis qu'un néant bouffi de vanité, 6+6 a
Je ne suis qu'inconstance et qu'imbécillité ; 6+6 a
Et quand je me demande un titre légitime 6+6 b
D'où prendre quelque gloire, et chercher quelque estime, 6+6 b
65 Je vois, pour tout appui de mes plus hauts efforts, 6+6 a
Le néant que je suis, et le rien d'où je sors, 6+6 a
Et que fonder sa gloire ainsi sur le rien même, 6+6 b
C'est une vanité qui va jusqu'à l'extrême. 6+6 b
Ô vent pernicieux ! ô poison des esprits ! 6+6 a
70 Que le monde sait peu ton véritable prix ! 6+6 a
Ô fausse et vaine gloire ! ô dangereuse peste, 6+6 b
Qui n'es rien qu'un néant, mais un néant funeste ! 6+6 b
Tes décevants attraits retirent tous nos pas 6+6 a
Du chemin où la vraie étale ses appas, 6+6 a
75 Et l'âme, de ton souffle indignement souillée, 6+6 b
Des grâces de son maître est par toi dépouillée. 6+6 b
Oui, notre âme, seigneur, tout ton portrait qu'elle est, 6+6 a
Commence à te déplaire alors qu'elle se plaît, 6+6 a
Et son avidité pour de vaines louanges 6+6 b
80 La prive des vertus qui l'égaloient aux anges. 6+6 b
On peut se réjouir et se glorifier, 6+6 a
Mais ce n'est qu'en toi seul qu'il faut tout appuyer ; 6+6 a
En toi seul, non en soi, qu'il faut prendre sans cesse 6+6 b
La véritable gloire et la sainte allégresse, 6+6 b
85 Rapporter à toi seul, et non à sa vertu, 6+6 a
Le plus solide éclat dont on soit revêtu, 6+6 a
Louer en tous ses dons l'auteur de la nature, 6+6 b
Et ne voir que lui seul en toute créature. 6+6 b
Je le veux, ô mon dieu, si je fais quelque bien, 6+6 a
90 Pour en louer ton nom qu'on supprime le mien, 6+6 a
Que l'univers entier par de communs suffrages 6+6 b
Sur le mépris des miens élève tes ouvrages, 6+6 b
Que même en celui-ci mon nom soit ignoré 6+6 a
Afin que le tien seul en soit mieux adoré, 6+6 a
95 Que ton Saint-Esprit seul en ait toute la gloire, 6+6 b
Sans que louange aucune honore ma mémoire, 6+6 b
Et que puisse à mes yeux s'emparer qui voudra 6+6 a
De la plus douce odeur que mon vers répandra. 6+6 a
En toi seul est ma gloire, en toi seul est ma joie, 6+6 b
100 Et quoi que l'avenir en ma faveur déploie, 6+6 b
Je les veux prendre en toi, sans faire vanité 6+6 a
Que du sincère aveu de mon infirmité. 6+6 a
C'est aux juifs, c'est aux cœurs que ta grâce abandonne, 6+6 b
À chercher cet honneur qu'ici l'on s'entre-donne : 6+6 b
105 Ils peuvent y courir avec empressement, 6+6 a
Sans que je porte envie à leur aveuglement. 6+6 a
La gloire que je cherche, et l'honneur où j'aspire, 6+6 b
C'est celle, c'est celui que fait ton saint empire, 6+6 b
Qu'à tes vrais serviteurs départ ta seule main, 6+6 a
110 Et qui ne peut souffrir aucun mélange humain. 6+6 a
Ces honneurs temporels qui rendent l'âme vaine, 6+6 b
Ces orgueilleux dehors de la grandeur mondaine, 6+6 b
À ta gloire éternelle une fois comparés, 6+6 a
Ne sont qu'amusements de cerveaux égarés. 6+6 a
115 Ô vérité suprême et toujours adorable, 6+6 b
Miséricorde immense et toujours ineffable, 6+6 b
Je ne réclame point dans ma fragilité 6+6 a
D'autre miséricorde ou d'autre vérité. 6+6 a
À toi, trinité sainte, espoir du vrai fidèle, 6+6 b
120 À toi pleine louange, à toi gloire immortelle ! 6+6 b
Puisse tout l'univers, puisse tout l'avenir, 6+6 a
Toute l'éternité te louer et bénir ! 6+6 a
Ce sont là tous mes vœux, c'est là tout l'avantage 6+6 b
Que mes foibles travaux demandent en partage, 6+6 b
125 Trop heureux si l'éclat de mon plus digne emploi 6+6 a
Laisse mon nom obscur pour rejaillir sur toi ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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