Métrique en Ligne
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C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
COR_1/COR101
Pierre CORNEILLE
Imitation De Jésus-Christ
1656
LIVRE TROISIÈME
CHAPITRE XXXII
Qu'il faut renoncer à soi-même et à toutes sortes
de convoitises.
Cherche la liberté comme un bonheur suprême ; 6+6 a
Mais souviens-toi, mon fils, de cette vérité, 6+6 b
Qu'il te faut renoncer tout à fait à toi-même, 6+6 a
Ou tu n'obtiendras point d'entière liberté. 6+6 b
5 Ceux qui pensent ici posséder quelque chose 6+6 a
La possèdent bien moins qu'ils n'en sont possédés, 6+6 b
Et ceux dont l'amour-propre en leur faveur dispose 6+6 a
Sont autant de captifs par eux-mêmes gardés. 6+6 b
Les appétits des sens ne font que des esclaves ; 6+6 a
10 La curiosi comme eux a ses liens, 6+6 b
Et les plus grands coureurs ne courent qu'aux entraves 6+6 a
Que jettent sous leurs pas les charmes des faux biens. 6+6 b
Ils recherchent partout les douceurs passagères 6+6 a
Plus que ce qui conduit jusqu'à l'éternité ; 6+6 b
15 Et souvent pour tout but ils se font des chimères, 6+6 a
Qui n'ont pour fondement que l'instabilité. 6+6 b
Hors ce qui vient de moi, tout passe, tout s'envole ; 6+6 a
Tout en son vrai néant aussitôt se résout ; 6+6 b
Et pour te dire tout d'une seule parole, 6+6 a
20 Quitte tout, mon enfant, et tu trouveras tout. 6+6 b
Tu trouveras la paix, quittant la convoitise ; 6+6 a
C'est ce que fortement il te faut concevoir : 6+6 b
Du ciel en ces deux mots la science est comprise ; 6+6 a
Qui les pratique entend tout ce qu'il faut savoir. 6+6 b
25 Oui, leur pratique est ma félicité, 4+6 a
Mais, seigneur, d'un seul jour elle n'est pas l'ouvrage, 6+6 b
Ni de ces jeux dont la facili 4+6 a
Amuse des enfants l'esprit foible et volage, 6+6 b
Et suit leur imbécillité. 8 a
30 De ces deux mots le précieux effet 4+6 a
Demande bien du temps, bien des soins, bien des veilles ; 6+6 b
Et ces deux traits forment le grand portrait 4+6 a
De tout ce que le cloître enfante de merveilles 6+6 b
Dans son état le plus parfait. 8 a
35 Il est vrai, des parfaits c'est la sublime voie ; 6+6 a
Mais quand je te la montre, en dois-tu perdre cœur ? 6+6 b
Ne dois-tu pas plutôt t'y porter avec joie, 6+6 a
Ou du moins soupirer après un tel bonheur ? 6+6 b
Ah ! Si je te voyois en venir à ce terme, 6+6 a
40 Que l'amour-propre en toi fût bien déraciné, 6+6 b
Que sous mes volontés tu demeurasses ferme, 6+6 a
Et sous celle du père à qui je t'ai donné ! 6+6 b
Alors tu me plairois, et le cours de ta vie 6+6 a
Seroit d'autant plus doux que tu serois soumis : 6+6 b
45 De mille vrais plaisirs tu la verrois suivie, 6+6 a
Et s'écouler en paix entre mille ennemis. 6+6 b
Mais il te reste encore à quitter bien des choses, 6+6 a
Que si tu ne me peux résigner tout à fait, 6+6 b
Tu n'acquerras jamais ce que tu te proposes, 6+6 a
50 Jamais de tes desirs tu n'obtiendras l'effet. 6+6 b
Veux-tu mettre en ta main la solide richesse ? 6+6 a
Achète de la mienne un or tout enflammé : 6+6 b
Je veux dire, mon fils, la céleste sagesse, 6+6 a
Qui foule aux pieds ces biens dont le monde est charmé. 6+6 b
55 Préfère ses trésors à l'humaine prudence, 6+6 a
À tout ce qu'elle prend pour son plus digne emploi, 6+6 b
À tout ce que sur terre il est de complaisance, 6+6 a
À tout ce que toi-même en peux avoir pour toi. 6+6 b
Préfère, encore un coup, ce qu'on méprise au monde 6+6 a
60 À tout ce que son choix a le plus ennobli, 6+6 b
Puisque cette sagesse en vrais biens si féconde 6+6 a
Y traîne dans l'opprobre et presque dans l'oubli. 6+6 b
Elle ne s'enfle point aussi de ces pensées 6+6 a
Que la vanité pousse en sa propre faveur, 6+6 b
65 Et voit avec dédain ces ardeurs empressées 6+6 a
Dont la soif des honneurs entretient la ferveur. 6+6 b
Beaucoup en font sonner l'estime ambitieuse, 6+6 a
Qui montrent par leur vie en faire peu d'état ; 6+6 b
Et tu la peux nommer la perle précieuse 6+6 a
70 Qui cache à beaucoup d'yeux son véritable éclat. 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6, 4+6
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