Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
COP_7/COP199
François COPPÉE
LE RELIQUAIRE
1866
UNE SAINTE
A ma mère
C'EST une vieille filleen cheveux blancs ; elle est 6+6 a
Pâle et maigre ; un antiqueet grossier chapelet 6+6 a
S'égrène, machinal,sous ses doigts à mitaines. 6+6 b
Sans cesse remuantses lèvres puritaines 6+6 b
5 D' tombent les Paternoster et les Ave, 6+6 a
Et laissant son tricotde laine inachevé, 6+6 a
Droite, elle prie, assiseau coin d'un feu de veuve, 6+6 b
Dans sa robe de deuilrigide et toujours neuve. 6+6 b
Le logis est glacécomme elle. Le cordeau 6+6 a
10 Semble avoir alignéles plis droits du rideau, 6+6 a
Que blêmit le refletpâle d'un jour d'automne ; 6+6 b
Et, s'il vient un rayonde soleil, il détonne 6+6 b
Et sur le sol découpeun grand carré brutal. 6+6 a
Le lit est étriquécomme un lit d'hôpital. 6+6 a
15 L'heure marche sans bruitsous son globe de verre. 6+6 b
Tout est froid, triste, gris,monotone et sévère ; 6+6 b
Et près du crucifixpenché comme un fruit mûr, 6+6 a
Deux béquilles d'enfant,en croix, pendent au mur. 6+6 a
C'est une histoire simpleet très mélancolique 6+6 b
20 Que raconte l'étrangeet lugubre relique : 6+6 b
Les baisers sur les mainsfroides des vieux parents ; 6+6 a
La bénédictiontremblante des mourants ; 6+6 a
Et puis deux orphelinstout seuls, le petit frère 6+6 b
Infirme, étiolé,qui souffre et qui se serre, 6+6 b
25 Frileux, contre le seind'un ange aux cheveux blonds ; 6+6 a
La grande sœur, si pâleavec ses voiles longs, 6+6 a
Qui, la veille, devantle linceul et le cierge, 6+6 b
Jurait aux parents morts,à Jésus, à la Vierge, 6+6 b
D'être une mère au pauvreenfant, frêle roseau ; 6+6 a
30 Ce sont les petits brastendus hors du berceau, 6+6 a
La douleur apaiséeun instant par un conte, 6+6 b
L'insomnie et la voixde l'horloge qui compte 6+6 b
L'heure très lentement,les réveils pleins d'effrois, 6+6 a
Les soins donnés, les piedsnus sur les carreaux froids, 6+6 a
35 Les baisers appuyéssur la trace des larmes, 6+6 b
Et la tisane offerte,et les folles alarmes, 6+6 b
Et le petit maladeà l'aurore n'offrant 6+6 a
Qu'un front plus pâle et qu'unsourire plus navrant. 6+6 a
Ce dévment obscura duré dix années : 6+6 b
40 Beauté, jeunesse, fleursloin du soleil fanées, 6+6 b
Tout fut sacrifiésans plainte et sans regret ; 6+6 a
Et quand, par les beaux soirs,un instant elle ouvrait 6+6 a
A la brise de maicharmante et parfumée 6+6 b
La fenêtre toujourspar prudence fermée 6+6 b
45 Et laissait ses regardserrer à l'horizon, 6+6 a
Une toux de l'enfantrefermait sa prison. 6+6 a
Elle est libre aujourd'hui.
C'est une pauvre vieille, 6+6 b
Toujours en deuil, dévote,ascétique, pareille 6+6 b
Aux béguines qu'on voiterrer dans le couvent. 6+6 a
50 Libre ! Pauvre âme simpleet douce ! Bien souvent 6+6 a
Elle songe, très triste,à son cher esclavage, 6+6 b
Et, tout bas, d'une voixsourde, presque sauvage, 6+6 b
Elle dit : « Il est mort !» Puis elle s'attendrit, 6+6 a
Et reprend. Il avaitdéjà beaucoup d'esprit. 6+6 a
55 Quand il était méchant,il m'appelait Madame. 6+6 b
Il est mort ! Le bon Dieul'a pris. Sa petite âme 6+6 b
A des ailes. Il estun ange au paradis. 6+6 a
Sans quoi, serait-il mort ?Quelquefois je me dis 6+6 a
Que Dieu prend les enfantspour en faire des anges. 6+6 b
60 Puis il avait des motset des regards étranges : 6+6 b
Peut-être qu'il étaitange avant d'être né ? 6+6 a
Tes pleurs de chaque jour,ô pauvre condamné, 6+6 a
Valent bien tous les longsOremus qu'on prodigue. 6+6 b
Puis un signe de croixétait une fatigue 6+6 b
65 Pour son bras. Il savaitsourire, et non prier. 6+6 a
Il est mort ! Une nuit,je l'entendis crier. 6+6 a
J'accourus, je penchaila tête vers sa couche, 6+6 b
Et sa dernière haleinea passé sur ma bouche, 6+6 b
Et depuis ce temps-làje n'ai plus de gté. 6+6 a
70 Le lendemain, des genssombres l'ont emporté. 6+6 a
Pauvre martyr ! Sa bièreétait toute petite ! 6+6 b
J'ai laissé sur son cœursa médaille bénite. 6+6 b
Cela fera plaisirau bon Dieu, n'est-ce pas ? 6+6 a
Il est au Ciel. Hélas !est-il heureux là-bas ? 6+6 a
75 Les anges, on se faitparfois de ces chimères, 6+6 b
Ont-ils soin des enfantsaussi bien que les mères ? 6+6 b
Je doute. Pardonnez,Seigneur, à mon regret ! » 6+6 a
Et baissant ses grands yeux, l'âme transpart, 6+6 a
Elle active le coursrythmique et monotone 6+6 b
80 De son lent chapelet.Et le soleil d'automne, 6+6 b
Qui dore les carreauxde ses rayons tremblants, 6+6 a
Met de vagues lueursparmi ses cheveux blancs. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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