Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
COP_5/COP95
François COPPÉE
Sonnets intimes et Poèmes inédits
1925
PREMIÈRE PARTIE
LA RUINE
En Grèce, j’ai trouvé,parmi les noirs érables 6+6 a
Et les lauriers profonds,dans un bois consacré, 6+6 b
Caché par les buissonsles plus impénétrables, 6+6 a
Un vieux temple de Pan,en ruine, ignoré. 6+6 b
5 Pas un sentier ne mèneà ces choses tombées, 6+6 a
Et quand vous allez là,par un instinct poussé, 6+6 b
Les branches devant vouspar votre main courbées 6+6 a
Referment le chemin vous êtes passé. 6+6 b
Sur les blancs chapiteauxet les feuilles d’acanthe 6+6 a
10 Son fronton se dressaitjadis dans les azurs ; 6+6 b
Et sur ses bas-reliefsla lascive bacchante 6+6 a
D’un satyre avinéguidait les pas moins sûrs. 6+6 b
Plus loin, se déroulaientles longues promenades 6+6 a
Des fiers chevaux cabrésqui froncent les naseaux ; 6+6 b
15 Et sur son piédestal,au fond des colonnades, 6+6 a
Pan se tenait, avecses merveilleux roseaux. 6+6 b
Pour porter à ses dentsles flûtes inégales 6+6 a
Dont il aime à grouperles agrestes accords, 6+6 b
Le dieu ployait, avecle geste des cigales, 6+6 a
20 Ses coudes anguleuxserrés contre son corps ; 6+6 b
Et ses jambes, aux piedsfourchus des boucs pareilles, 6+6 a
S’enlaçaient d’une humaineet bizarre façon. 6+6 b
Il écoutait, rieuret dressant les oreilles, 6+6 a
Les oiseaux d’alentourrépéter sa leçon. 6+6 b
25 Il était là, toujoursses flûtes à ses lèvres ; 6+6 a
Et les bergers, laissantdans les rochers voisins 6+6 b
Bondir en libertéleurs béliers et leurs chèvres, 6+6 a
Déposaient devant luides fleurs et des raisins. 6+6 b
Qu’est devenue, hélas !sa superbe attitude ? 6+6 a
30 Le temps a fait son œuvre,encor moins que l’oubli. 6+6 b
Plus rien ! Destruction,silence, solitude, 6+6 a
Écroulement d’un dieupassé, règne accompli ! 6+6 b
D’inégales hauteursles colonnes brisées 6+6 a
S’élèvent çà et là ;l’herbe partout a crû ; 6+6 b
35 Les tronçons sur le solverdis par les rosées 6+6 a
Gisent : on cherche en vainle profil apparu. 6+6 b
Jamais d’hôte ; jamaisune vierge qui cueille 6+6 a
Un sarment vert ; jamaisle rire d’un enfant. 6+6 b
Jamais de bruit, sinonla chute d’une feuille 6+6 a
40 Ou le taillis froissépar la course d’un faon. 6+6 b
Le jour qu’il m’apparut,pourtant de ce ravage 6+6 a
L’antique monumentencor s’ennoblissait, 6+6 b
Paraissant acceptercomme un linceul sauvage 6+6 a
La végétationqui l’ensevelissait. 6+6 b
45 Il s’était couronnéd’une herbe échevelée, 6+6 a
Et de pampres grimpeurschaque fût s’entourait. 6+6 b
Déjà la colonnadeétait presque une allée, 6+6 a
Et la ruine allaitrejoindre la forêt. 6+6 b
Il doit périr ainsi.La nature féconde, 6+6 a
50 Sa mère, veut cacherles restes superflus 6+6 b
De ce culte donnéjadis par elle au monde, 6+6 a
Et qu’il abandonna,ne le comprenant plus. 6+6 b
Pieuse, et protégeantle repos des vieux marbres, 6+6 a
Elle prodigue l’herbeet les épais fourrés, 6+6 b
55 Et, pour ce saint devoir,elle ordonne à ses arbres 6+6 a
D’incliner leurs rameauxsur ces débris sacrés. 6+6 b
Pour les poètes seuls,gardiens de son grand culte, 6+6 a
Elle a voulu, jalouse,ainsi les conserver. 6+6 b
Ta curiositélui serait une insulte, 6+6 a
60 Profane voyageurqui ne sais plus rêver. 6+6 b
Elle est fière ; elle voileà tes regards indignes, 6+6 a
Homme de notre temps,ces antiques débris, 6+6 b
Et sous ses frondaisons,ses lianes, ses vignes, 6+6 a
Elle veut les soustraireà tes hautains mépris. 6+6 b
65 Car tu la méconnais ;car tu n’as plus d’hommage 6+6 a
Pour l’éternel travailde son sein généreux. 6+6 b
Tu hais même tes dieuxcréés à ton image, 6+6 a
Et tu vas, satisfaitd’un scepticisme creux. 6+6 b
De la divinitétu veux d’autres exemples 6+6 a
70 Que tout cet universsplendide que tu vois. 6+6 b
Il ne te suffit pluspour ériger des temples 6+6 a
D’un son lointain de flûteentendu dans les bois. 6+6 b
Quand les flots retombantavec leur bruit d’enclume 6+6 a
Entrnent tes vaisseauxvers les écueils amers, 6+6 b
75 Tu ne vois plus passer,le poitrail dans l’écume, 6+6 a
Les chevaux emportantle char du dieu des mers ; 6+6 b
Et, quand sur tes citéstremblantes les orages 6+6 a
Roulent leurs grondementsprofonds et leurs feux clairs, 6+6 b
Tu ne vois plus partre,au milieu des nuages, 6+6 a
80 La monstrueuse mainqui brandit les éclairs. 6+6 b
Mais, las de ton orgueilqui ne peut se résoudre 6+6 a
A croire aux dieux buvantdans les olympes bleus, 6+6 b
Les poètes, éprisdes flots et de la foudre, 6+6 a
S’envolent, par le rêve,aux siècles fabuleux. 6+6 b
85 Et toujours ils s’en vont,Grèce, vers tes ruines ! 6+6 a
Derniers fervents de l’art,ils viennent y prier. 6+6 b
Vieille patrie ! Il fautton air à leurs poitrines, 6+6 a
Ton air plein d’un parfumde myrte et de laurier, 6+6 b
Ton air pur et vibrant sous un souffle tremblent 6+6 a
90 Les arbres élancésde tes bois toujours verts, 6+6 b
De tes bois pleins d’échossi sonores qu’ils semblent 6+6 a
Créés pour retentirau rythme des beaux vers. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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