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COP_5/COP116
François COPPÉE
Sonnets intimes et Poèmes inédits
1925
PREMIÈRE PARTIE
POUR LES RUSSES
Oui, toute âme française est de pitié saisie 6+6 a
Devant l’affreux carnage où, sur le sol d’Asie, 6+6 a
Les Russes tombent par milliers ; 8 b
Car ces cadavres froids que le vautour dévore, 6+6 c
5 Nous les nommions hier, nous les nommons encore 6+6 c
Nos amis et nos alliés. 8 b
Sous la trombe de fer qui tue ou qui mutile, 6+6 a
Ces marins, ces héros, luttant cent contre mille, 6+6 a
Dans la rade de Chémulpo, 8 b
10 Criblés de fleurs, naguère ils visitaient la France, 6+6 c
Et devant eux un souffle enivrant d’espérance 6+6 c
Fit palpiter notre drapeau. 8 b
Ce Tsar qui désirait la paix universelle, 6+6 a
Et qui, lorsque le sang de son peuple ruisselle, 6+6 a
15 Est si malheureux aujourd’hui, 8 b
Il vint vers nous, les mains loyalement tendues, 6+6 c
Il vint et traversa des foules éperdues 6+6 c
Où tous les cœurs battaient pour lui. 8 b
Voilà des vérités ; il faut les faire entendre. 6+6 a
20 C’est grâce au magnanime empereur Alexandre 6+6 a
Qui, par malheur, a peu vécu, 8 b
Que, de son grand désastre encore endolorie 6+6 c
Et sous tant de haineux regards, notre patrie 6+6 c
A relevé son front vaincu. 8 b
25 Ce fut alors pour nous la paix, mais digne et fière. 6+6 a
Sans angoisse on pouvait songer à la frontière 6+6 a
Dont fut reculé le poteau. 8 b
Le peuple russe et nous, après ces nobles fêtes, 6+6 c
Nous tenions le danger des injustes conquêtes 6+6 c
30 Entre les pinces d’un étau. 8 b
Ces choses se passaient voilà très peu d’années. 6+6 a
Mais, hélas ! un seul jour change les desties 6+6 a
Des hommes comme des États. 8 b
C’est là-bas maintenant qu’il faut que le sang pleuve. 6+6 c
35 Du moins qu’ils sachent bien, nos amis dans l’épreuve, 6+6 c
Que nos cœurs ne sont pas ingrats. 8 b
En Occident, plus d’un est égoïste et lâche. 6+6 a
Mais la France comprend leur héroïque tâche 6+6 a
Et le dit par ma faible voix. 8 b
40 Ils protègent l’Europe, ils en sont la cuirasse, 6+6 c
Et, quand ils meurent, c’est pour nous, pour notre race 6+6 c
Et son signe éternel, la Croix. 8 b
Pourtant ne croyez pas que le poète oublie 6+6 a
Que la guerre est souvent une atroce folie. 6+6 a
45 Les lauriers coûtent trop de sang. 8 b
Que de mères en deuil qui pleurent sous leurs voiles, 6+6 c
Et que de morts couchés sous les froides étoiles ! 6+6 c
Je frémis rien qu’en y pensant. 8 b
Mais la nation russe a le bon droit pour elle ; 6+6 a
50 Car, au fond de l’Asie innombrable et cruelle, 6+6 a
Sommeille un grand péril, toujours. 8 b
J’admire ce rempart de vaillants cœurs qui barre 6+6 c
Le vieux chemin tra par la marche barbare 6+6 c
Des Attilas et des Timours. 8 b
55 Jadis, la France, qui ne s’est jamais trome 6+6 a
Sur son devoir, d’instinct eût saisi son ée. 6+6 a
Aujourd’hui son geste est moins prompt. 8 b
Aux Russes adressons nos vœux et nos prières ; 6+6 c
Leurs âmes à la fois pieuses et guerrières 6+6 c
60 Seront tristes, mais comprendront. 8 b
Oh ! qu’enfin le lointain Mikado, sur son trône, 6+6 a
Entende leur canon à l’invasion jaune 6+6 a
Jeter le dernier : « Quos ego ! » 8 b
Que leurs revanches soient superbes et prochaines ! 6+6 c
65 Stcessel dans Port-Arthur, c’est Masséna dans Gênes, 6+6 c
Souhaitons-leur un Marengo ! 8 b
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