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COP_5/COP102
François COPPÉE
Sonnets intimes et Poèmes inédits
1925
PREMIÈRE PARTIE
LE SIÈGE DE PARIS
I
APPROVISIONNEMENTS
Les troupeaux poussiéreux et gris 8 a
Qui promettent maigre ripaille 8 b
Ruminent, couchés sur la paille, 8 b
Dans tous les jardins de Paris. 8 a
5 Mais le passant mélancolique 8 a
Ne trouve dans tout ce bétail 8 b
Ni d’ensemble ni de détail 8 b
Empreint d’un charme bucolique ; 8 a
Ces grands bœufs aux gens peu frugaux 8 a
10 Font rêver des repas d’Homère, 8 b
Et cet agneau tétant sa mère 8 b
N’est qu’un avenir de gigots. 8 a
Ils ont faim et froid, ils sont mornes. 8 a
L’un contre l’autre acoquinés, 8 b
15 Ils ont des airs de condamnés 8 b
Et baissent tristement leurs cornes. 8 a
Le pourceau dormant au soleil 8 a
Frémit au contact d’une mouche 8 b
Dont l’ardent aiguillon le touche 8 b
20 Et le fait geindre en son sommeil. 8 a
Et dans leurs clôtures de planches 8 a
Ils semblent, pauvres animaux, 8 b
Savoir qu’au bout de tous ces maux 8 b
Ils seront mangés par éclanches. 8 a
25 — Mais n’ayons pas naïvement 8 a
De pitié pour cette hécatombe ; 8 b
Car j’entends, dans le soir qui tombe, 8 b
Les durs clairons d’un régiment, 8 a
Et, songeant au temps où nous sommes, 8 a
30 Sombre, j’ai murmuré bien bas : 8 b
« O troupeaux, ne vous plaignez pas 8 b
De la férocité des hommes ! » 8 a
II
VOITURES D’AMBULANCE
L’été, sous la claire nuit bleue, 8 a
Galopant le long des moissons, 8 b
35 Les omnibus de la banlieue 8 a
Rentraient, le soir, pleins de chansons. 8 b
Les grisettes sur ces voitures 8 a
Grimpaient avec les calicots. 8 b
On avait mangé des fritures 8 a
40 Et cueilli des coquelicots. 8 b
Les moustaches frôlaient les joues, 8 a
Car dans l’ombre on peut tout oser, 8 b
Le bruit des grelots et des roues 8 a
Étouffant le bruit d’un baiser. 8 b
45 Et l’on revenait, sous les branches, 8 a
De Boulogne ou de Charenton, 8 b
Les bras noirs sur les tailles blanches, 8 a
Tout en jouant du mirliton. 8 b
— Or j’ai revu ces voiturées, 8 a
50 Mais non plus telles que jadis, 8 b
Par les amusantes soirées 8 a
Des dimanches et des lundis. 8 b
Le drapeau blanc de l’ambulance 8 a
Pendait, morne, auprès du cocher. 8 b
55 C’est au petit pas, en silence, 8 a
Que leurs chevaux devaient marcher. 8 b
Elles glissaient comme des ombres, 8 a
Et les passants, d’horreur saisis, 8 b
Voyaient par les portières sombres 8 a
60 Passer des canons de fusils. 8 b
Ceux de la bataille dernière 8 a
Revenaient là, tristes et lents, 8 b
Et l’on souffrait à chaque ornière 8 a
Qui secouait leurs fronts ballants. 8 b
65 Ils ont fait à peine deux lieues, 8 a
Ces ironiques omnibus 8 b
Pleins de blessés aux vestes bleues 8 a
Qu’ensanglanta l’éclat d’obus. 8 b
Ce convoi de coucous qui passe 8 a
70 Semble nous faire réfléchir 8 b
A l’étroitesse de l’espace 8 a
Qui nous reste encor pour mourir ; 8 b
Et, malgré mes pleurs de souffrance, 8 a
J’ai pu lire sur leurs panneaux 8 b
75 Les noms des frontières de France : 8 a
Courbevoie, Asnières, Puteaux. 8 b
III
EN FACTION
L’œil ouvert sur l’horizon, 7 a
On m’a mis en sentinelle. 7 b
— Comme l’arrière-saison 7 a
80 Est morose et solennelle ! 7 b
Un long convoi de blessés, 7 a
Funèbre, franchit nos portes. 7 b
— Combien sous ces vents glacés 7 a
S’envolent de feuilles mortes ? 7 b
85 On a vaincu cependant, 7 a
Mais nos pertes sont trop sûres. 7 b
— Pourquoi ce soir l’occident 7 a
Saigne-t-il par vingt blessures ? 7 b
Dans tes vieux murs, ô Paris, 7 a
90 Nous tiendrons, forts et fidèles. 7 b
— Qu’il fait mal, dans ce ciel gris, 7 a
Le départ des hirondelles. 7 b
IV
TABLEAU DE BIVOUAC
Furieux de la double étape, 8 a
Les soldats n’ont pas le cœur gai ; 8 b
95 On a donné plus d’une tape 8 a
Au petit tambour fatigué. 8 b
Mais, quand il a taillé la soupe, 8 a
Coupé le bois et fait du feu, 8 b
On laisse enfin l’enfant de troupe 8 a
100 Se coucher et dormir un peu. 8 b
Les vétérans sont là, farouches, 8 a
A ce bivouac qu’on voit briller ; 8 b
Et d’un sac rempli de cartouches 8 a
L’enfant s’est fait un oreiller. 8 b
105 Le sac est si gonflé qu’il crève, 8 a
La poudre à terre se répand ; 8 b
Mais l’orphelin sommeille et rêve 8 a
A trois pas du foyer flambant. 8 b
Rien qu’une étincelle, une seule ! 8 a
110 Tout est dit — Cela fait frémir ! 8 b
Comme une vigilante aïeule, 8 a
La mort le regarde dormir. 8 b
— Mais non ! Lorsque par les espaces 8 a
L’hirondelle fuyant l’hiver 8 b
115 Repose un peu ses ailes lasses 8 a
Sur l’onde en courroux de la mer, 8 b
La lame énorme, dont la chute 8 a
Pourrait écraser un vaisseau, 8 b
Offre un repos d’une minute 8 a
120 A la fatigue de l’oiseau- 8 b
mètre profils métriques : 8, 7
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