Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
COP_4/COP88
François COPPÉE
LES HUMBLES
1872
Une Femme seule
Dans le salon bourgeois où je l’ai rencontrée, 6+6 a
Ses yeux doux et craintifs, son front d’ange proscrit, 6+6 b
M’attirèrent d’abord vers elle, et l’on m’apprit 6+6 b
Que d’un mari brutal elle était séparée. 6+6 a
5 Elle venait encor chez ces anciens amis, 6+6 a
Dont la maison avait vu grandir son enfance 6+6 b
Et qui, malgré le bruit dont le monde s’offense, 6+6 b
Au préjugé cruel ne s’étaient point soumis, 6+6 a
Mais elle savait bien, résignée et très-douce, 6+6 a
10 Qu’on ne la recevait qu’en petit comité, 6+6 b
Et s’attendait toujours, dans sa tranquillité, 6+6 b
Au mot qui congédie, à l’accueil qui repousse. 6+6 a
Donc, les soirs sans dîner ni bal au piano, 6+6 a
Elle venait broder près de l’âtre, en famille, 6+6 b
15 Et c’est là que, devant son air de jeune fille, 6+6 b
Je m’étonnai de voir à son doigt un anneau. 6+6 a
Stoïque, elle acceptait son étrange veuvage, 6+6 a
Sans arrière-pensée et très naïvement ; 6+6 b
Pour prouver qu’elle était fidèle à son serment, 6+6 b
20 Sa main avait gardé le signe d’esclavage. 6+6 a
Elle était pâle et brune, elle avait vingt-cinq ans. 6+6 a
Le sang veinait de bleu ses mains longues et fières, 6+6 b
Et, nerveux, les longs cils de ses chastes paupières 6+6 b
Voilaient ses regards bruns de battements fréquents. 6+6 a
25 Ni bijou, ni ruban. Nulle marque de joie. 6+6 a
Jamais la moindre fleur dans le bandeau châtain ; 6+6 b
Et le petit col blanc, étroit et puritain, 6+6 b
Tranchait seul sur le deuil de la robe de soie 6+6 a
Brodant très-lentement et d’un geste assoupli 6+6 a
30 Et ne se doutant pas que l’ombre transfigure, 6+6 b
Sa place dans la chambre était la plus obscure ; 6+6 b
Elle parlait à peine et désirait l’oubli. 6+6 a
Mais, à la question banale qu’on adresse 6+6 a
Quand elle répondait quelques mots en passant, 6+6 b
35 Cela faisait du mal d’entendre cet accent 6+6 b
Brisé par la douleur et fait pour la tendresse, 6+6 a
Cette voix lente et pure, et lasse de prier, 6+6 a
Qu’interrompait jadis la forte voix d’un maître 6+6 b
Et qu’une insulte, hélas ! un bras levé peut-être, 6+6 b
40 De honte et de terreur un jour firent crier. 6+6 a
Quand un petit enfant présentait à la ronde 6+6 a
Son front à nos baisers, oh ! comme lentement, 6+6 b
Mélancoliquement et douloureusement, 6+6 b
Ses lèvres s’appuyaient sur cette tête blonde ! 6+6 a
45 Mais aussitôt après ce trop cruel plaisir, 6+6 a
Comme elle reprenait son travail au plus vite ! 6+6 b
Et sur ses traits alors quelle rougeur subite, 6+6 b
En songeant au regret qu’on avait pu saisir ! 6+6 a
Car je m’apercevais, quoiqu’on fût bon pour elle, 6+6 a
50 Qu’on la plaignît d’avoir fait un si mauvais choix, 6+6 b
Que ce monde aux instincts timorés et bourgeois 6+6 b
Conservait une crainte, après tout naturelle. 6+6 a
J’ avais bien remarqué que son humble regard 6+6 a
Tremblait d’être heurté par un regard qui brille, 6+6 b
55 Qu’elle n’allait jamais près d’une jeune fille 6+6 b
Et ne levait les yeux que devant un vieillard. 6+6 a
— Jeune homme qui pourrais aimer la pauvre femme 6+6 a
Et qui la trouveras quelque jour sur tes pas, 6+6 b
Ne la regarde pas et ne lui parle pas. 6+6 b
60 Ne te fais pas aimer, car ce serait infâme ! 6+6 a
Va, je connais l’adresse et les subtilités 6+6 a
Du sophisme, aussi bien que tu peux les connaître. 6+6 b
Je sais que son œil brûle et que sa voix pénètre, 6+6 b
Et quel sang bondira dans vos cœurs révoltés. 6+6 a
65 Je sais qu’elle succombe et qu’elle est sans défense, 6+6 a
Qu’elle meurtrit son sein devant le crucifix, 6+6 b
Qu’elle t’adorerait comme un dieu, comme un fils ; 6+6 b
Je sais que ta victoire est certaine d’avance. 6+6 a
Oui, pour toi je suis sûr qu’elle sacrifierait 6+6 a
70 Son unique trésor, l’honneur pur et fidèle, 6+6 b
Et que tu voudrais vivre et mourir auprès d’elle. 6+6 b
— C’est bien. Mais je suis sûr aussi qu’elle en mourrait. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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