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COP_4/COP85
François COPPÉE
LES HUMBLES
1872
Petits Bourgeois
Je n'ai jamais compris l'ambition. Je pense 6+6 a
Que l'homme simple trouve en lui sa récompense, 6+6 a
Et le modeste sort dont je suis envieux, 6+6 b
Si je travaille bien et si je deviens vieux, 6+6 b
5 Sans que mon cœur de luxe ou de gloire s'affame, 6+6 a
C'est celui d'un vieil homme avec sa vieille femme, 6+6 a
Aujourd'hui bons rentiers, hier petits marchands, 6+6 b
Retirés tout au bout du faubourg, près des champs. 6+6 b
Oui, cette vie intime est digne du poète. 6+6 a
10 Voyez : le toit pointu porte une girouette, 6+6 a
Les roses sentent bon dans leurs carrés de buis 6+6 b
Et l'ornement de fer fait bien sur le vieux puits. 6+6 b
Près du seuil dont les trois degrés forment terrasse, 6+6 a
Un paisible chien noir, qui n'est guère de race, 6+6 a
15 Au soleil de midi, dort couché sur le flanc. 6+6 b
Le maître, en vieux chapeau de paille, en habit blanc, 6+6 b
Avec un sécateur qui lui sort de la poche, 6+6 a
Marche dans le sentier principal et s'approche 6+6 a
Quelquefois d'un certain rosier de sa façon 6+6 b
20 Pour le débarrasser d'un gros colimaçon. 6+6 b
Sous le bosquet, sa femme est à l'ombre et tricote ; 6+6 a
Auprès d'elle, le chat joue avec sa pelote. 6+6 a
La treille est faite avec des cercles de tonneaux, 6+6 b
Et sur le sable fin sautillent les moineaux. 6+6 b
25 Par la porte, on peut voir, dans la maison commode, 6+6 a
Un vieux salon meublé selon l'ancienne mode, 6+6 a
Même quelques détails vaguement aperçus : 6+6 b
Une pendule avec Napoléon dessus 6+6 b
Et des têtes de sphinx à tous les bras de chaise. 6+6 a
30 Mais ne souriez pas. Car on doit être à l'aise, 6+6 a
Heureux du jour présent et sûr du lendemain, 6+6 b
Dans ce logis de sage observé du chemin. 6+6 b
Là sont des gens de bien, sans regret, sans envie, 6+6 a
Et qui font comme ont fait leurs pères. Dans leur vie 6+6 a
35 Tout est patriarcal et traditionnel. 6+6 b
Ils mettent de côté la bûche de Noël, 6+6 b
Ils songent à l'avance aux lessives futures 6+6 a
Et, vers le temps des fruits, ils font des confitures. 6+6 a
Ils boivent du cassis, innocente liqueur ! 6+6 b
40 Et chez eux tout est vieux, tout, excepté le cœur. 6+6 b
Ont-ils tort, après tout, de trouver nécessaires 6+6 a
Le premier jour de l'an et les anniversaires, 6+6 a
D'observer le Carême et de tirer les Rois, 6+6 b
De faire, quand il tonne, un grand signe de croix, 6+6 b
45 D'être heureux que la fleur embaume et l'herbe croisse, 6+6 a
Et de rendre le pain bénit à leur paroisse ? 6+6 a
— Ceux-là seuls ont raison qui, dans ce monde-ci, 6+6 b
Calmes et dédaigneux du hasard, ont choisi 6+6 b
Les douces voluptés que l'habitude engendre. — 6+6 a
50 Chaque dimanche, ils ont leur fille avec leur gendre ; 6+6 a
Le jardinet s'emplit du rire des enfants, 6+6 b
Et, bien que les après-midi soient étouffants, 6−6 b
L'on puise et l'on arrose, et la journée est courte. 6+6 a
Puis, quand le pâtissier survient avec la tourte, 6+6 a
55 On s'attable au jardin, déjà moins échauffé, 6+6 b
Et la lune se lève au moment du café. 6+6 b
Quand le petit garçon s'endort, on le secoue, 6+6 a
Et tous s'en vont alors, baisés sur chaque joue, 6+6 a
Monter dans l'omnibus voisin, contents et las, 6+6 b
60 Et chargés de bouquets énormes de lilas. 6+6 b
— Merci bien, bonnes gens, merci bien, maisonnette, 6+6 a
Pour m'avoir, l'autre jour, donné ce rêve honnête, 6+6 a
Qu'en m'éloignant de vous mon esprit prolongeait 6+6 b
Avec la jouissance exquise du projet. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
forme globale type : suite de distiques
schéma : 30((aa))
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