Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
COP_2/COP37
François COPPÉE
POÈMES MODERNES
1867-1869
L'Attente
À Auguste Vacquerie
Au bout du vieux canal plein de mâts, juste en face 6+6 a
De l'Océan et dans la dernière maison, 6−6 b
Assise à sa fenêtre, et quelque temps qu'il fasse, 6+6 a
Elle se tient, les yeux fixés sur l'horizon. 6+6 b
5 Bien qu'elle ait la pâleur des éternels veuvages, 6+6 a
Sa robe est claire ; et bien que les soucis pesants 6+6 b
Aient sur ses traits flétris exercé leurs ravages, 6+6 a
Ses vêtements sont ceux des filles de seize ans. 6+6 b
Car depuis bien des jours, patiente vigie, 6+6 a
10 Dès l'instant où la mer bleuit dans le matin 6+6 b
Jusqu'à ce qu'elle soit par le couchant rougie, 6+6 a
Elle est assise là, regardant au lointain. 6+6 b
Chaque aurore elle voit une tardive étoile 6+6 a
S'éteindre, et chaque soir le soleil s'enfoncer 6+6 b
15 A cette place où doit reparaître la voile 6+6 a
Qu'elle vit là, jadis, pâlir et s'effacer. 6+6 b
Son cœur de fiancée, immuable et fidèle, 6+6 a
Attend toujours, certain de l'espoir partagé, 6+6 b
Loyal ; et rien en elle, aussi bien qu'autour d'elle, 6+6 a
20 Depuis dix ans qu'il est parti, rien n'a changé. 6+6 b
Les quelques doux vieillards qui lui rendent visite, 6+6 a
En la voyant avec ses bandeaux réguliers, 6+6 b
Son ruban mince où pend sa médaille bénite, 6+6 a
Son corsage à la vierge et ses petits souliers, 6+6 b
25 La croiraient une enfant ingénue et qui boude, 6+6 a
Si parfois ses doigts purs, ivoirins et tremblants, 6+6 b
Alors que sur sa main fiévreuse elle s'accoude, 6+6 a
Ne livraient le secret des premiers cheveux blancs. 6+6 b
Partout le souvenir de l'absent se rencontre 6+6 a
30 En mille objets fanés et déjà presque anciens 6+6 b
Cette lunette en cuivre est à lui, cette montre 6+6 a
Est la sienne, et ces vieux instruments sont les siens. 6+6 b
Il a laissé, de peur d'encombrer sa cabine, 6+6 a
Ces gros livres poudreux dans leur oubli profond, 6+6 b
35 Et c'est lui qui tua d'un coup de carabine 6+6 a
Le monstrueux lézard qui s'étale au plafond. 6+6 b
Ces mille riens, décor naïf de la muraille, 6+6 a
Naguère, il les a tous apportés de très loin. 6+6 b
Seule, comme un témoin inclément et qui raille, 6+6 a
40 Une carte navale est pendue en un coin ; 6+6 b
Sur le tableau jaunâtre, entre ses noires tringles, 6+6 a
Les vents et les courants se croisent à l'envi : 6+6 b
Et la succession des petites épingles 6+6 a
N'a pas marqué longtemps le voyage suivi. 6+6 b
45 Elle conduit jusqu'à la ligne tropicale 6−6 a
Le navire vainqueur du flux et du reflux, 6+6 b
Puis cesse brusquement à la dernière escale, 6+6 a
Celle d'où le marin, hélas ! n'écrivit plus. 6+6 b
Et ce point justement où sa trace s'arrête 6+6 a
50 Est celui qu'un burin savant fit le plus noir : 6+6 b
C'est l'obscur rendez-vous des flots où la tempête 6+6 a
Creuse un inexorable et profond entonnoir. 6+6 b
Mais elle ne voit pas le tableau redoutable 6+6 a
Et feuillette, l'esprit ailleurs, du bout des doigts, 6+6 b
55 Les planches d'un herbier éparses sur la table, 6+6 a
Fleurs pâles qu'il cueillit aux Indes autrefois. 6+6 b
Jusqu'au soir sa pensée extatique et sereine 6+6 a
Songe au chemin qu'il fait en mer pour revenir, 6+6 b
Ou parfois, évoquant des jours meilleurs, égrène 6+6 a
60 Le chapelet mystique et doux du souvenir ; 6+6 b
Et, quand sur l'Océan la nuit met son mystère, 6+6 a
Calme et fermant les yeux, elle rêve du chant 6+6 b
Des matelots joyeux d'apercevoir la terre, 6+6 a
Et d'un navire d'or dans le soleil couchant. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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