Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
COP_2/COP35
François COPPÉE
POÈMES MODERNES
1867-1869
Le Banc
Idylle parisienne
Non loin du piédestal j'étais accoudé, 6+6 a
A l'ombre d'un Sylvainde marbre démodé 6+6 a
Et sur un banc perdudu jardin solitaire, 6+6 b
Je vis une servanteauprès d'un militaire. 6+6 b
5 Ils se tenaient tous deuxassis à chaque coin 6+6 a
Du banc, et se parlaientdoucement, mais de loin, 6+6 a
Attitude l'amourjeune est reconnaissable. — 6+6 b
A leurs pieds un enfantjouait avec le sable. 6+6 b
C'était le soir ; c'étaitl'heure les amoureux, 6+6 a
10 Moins timides, tout basosent se faire entre eux 6+6 a
Les tendres questionset les douces réponses. 6+6 b
Le couchant empourpraitle front noir des quinconces ; 6+6 b
Lentement descendaitl'ombre, comme à dessein ; 6+6 a
Le vent, déjà plus frais,ridait l'eau du bassin 6+6 a
15 tremblait un beau cielvert et moiré de rose ; 6+6 b
Tout s'apaisait. C'étaitcette adorable chose : 6+6 b
Une fin de beau jourà la fin de l'été. 6+6 a
Et, n'ayant rien de mieuxà faire, j'écoutai. 6+6 a
Tous deux dirent d'abordle plaisir qu'on éprouve 6+6 b
20 A parler du passé,comment on se retrouve 6+6 b
Si loin, bien qu'étant nésdans un petit pays, 6+6 a
Leur enfance commune,et les parents vieillis 6+6 a
Dont on est inquiet,sans trop oser le dire 6+6 b
Dans ses lettres, les vieuxne sachant pas écrire 6+6 b
25 Et ne pouvant payerla plume du bedeau. 6+6 a
Ils dirent la rivièreombreuse, le rideau 6+6 a
De peupliers, l'endroitpour pêcher à la ligne 6+6 b
Caché sous le houblonet sous la folle vigne, 6+6 b
Le cerisier qu'ensembleils avaient dépouillé, 6+6 a
30 Le vieux bateau, remplide feuillage mouillé, 6+6 a
Qu'on prenait pour allerjouer dans le coin d'île, 6+6 b
Les moulins, les sentierssous bois, toute l'idylle. 6+6 b
Mais l'enfance du pauvreest très courte, et depuis 6+6 a
N'avaient-ils pas tous deuxsouffert bien des ennuis ? 6+6 a
35 Et naïve, ignorantencore la prudence, 6+6 b
La simple enfant livratoute sa confidence, 6+6 b
La première.
Elle dit,en termes très touchants, 6+6 a
Que, ne supportant pasles durs travaux des champs 6+6 a
Et ne voulant pas êtreà charge à sa famille, 6+6 b
40 Elle avait bien prévuqu'elle resterait fille, 6+6 b
Ses père et mère étantde pauvres villageois, 6+6 a
Et qu'elle était entréealors chez des bourgeois. 6+6 a
Or cette vie étaitpour elle bien amère, 6+6 b
A son âge, d'avoirtous les soins d'une mère 6+6 b
45 Pour des enfants ingratset qui ne l'aimaient pas. 6+6 a
Elle pleurait souventà l'heure des repas, 6+6 a
Dans sa froide cuisine,auprès d'une chandelle, 6+6 b
Toute seule. Elle étaitcourageuse et fidèle ; 6+6 b
Mais ses mtres, gardanttoujours leur air grognon, 6+6 a
50 Ne semblaient même pasla conntre de nom 6+6 a
Et lui donnaient celuide la servante ancienne. 6+6 b
Enfin la vie étaitdure à tous, et la sienne 6+6 b
Lui compterait sans douteun jour pour ses péchés. 6+6 a
Les deux enfants s'étaientdoucement rapprochés. 6+6 a
55 Mais, sans pouvoir trouverun bon mot qui console, 6+6 b
Le militaire prità son tour la parole. 6+6 b
Il parla, le front baset les yeux assombris : 6+6 a
Lui, la conscriptionà vingt ans l'avait pris. 6+6 a
Être soldat, celase nomme encor service. 6+6 b
60 Il maudit ce métierqui lui donnait un vice : 6+6 b
De pauvre on l'avait faitdevenir paresseux. 6+6 a
L'avenir ! il n'osaity croire, étant de ceux 6+6 a
Qu'on peut le lendemainenvoyer à la guerre, 6+6 b
Un de ces hommes, faitsd'une argile vulgaire, 6+6 b
65 Que pour l'ambitiondu premier conquérant 6+6 a
Dieu sans doute pétritd'un pouce indifférent, 6+6 a
Chair à canon, chair àscalpel, matière infâme 6−6 b
Et que la statistiqueappelle seule une âme. 6+6 b
Il raconta ses jourssans fin de garnison, 6+6 a
70 Ses courses dans les champs,le soir, vers l'horizon, 6+6 a
Sans but, en écoutantsi la retraite sonne. 6+6 b
Il était sans ami,sans pays, sans personne, 6+6 b
Sans rien. Il ne pouvaitse faire à son état 6+6 a
Et parfois souhaitaitque la guerre éclatât. 6+6 a
75 A ce mot, prononcésimplement, la servante 6+6 b
Eut un petit frissonde soudaine épouvante, 6+6 b
Et s'approchant, avecun bon geste de sœur : 6+6 a
« Ne parlez pas ainsi,» dit-elle avec douceur ; 6+6 a
Puis elle prit les mainsdu soldat, sans rien dire, 6+6 b
80 Et tous deux, essayantun douloureux sourire, 6+6 b
Écoutèrent au loinmourir le chant des nids. 6+6 a
Alors — mystérieuxtémoin, je te bénis, 6+6 a
Amour, consolateurdernier des misérables, 6+6 b
Je vous bénis, ô nuit,ô rameaux vénérables 6+6 b
85 Qui les cachiez, pendantqu'ils oubliaient un peu ! 6+6 a
En silence, les mainsfroides, la tête en feu, 6+6 a
Ils virent dans l'azurles étoiles éclore, 6+6 b
Puis longtemps et tout baséchangèrent encore, 6+6 b
Heureux et confiants,l'un près de l'autre assis, 6+6 a
90 Leurs modestes espoirset leurs humbles soucis. 6+6 a
Le murmure des voix,plus craintif et plus tendre, 6+6 b
S'affaiblit ; et, bientôtaprès, je pus entendre 6+6 b
— Car l'ombre m'empêchaitde voir les deux amis — 6+6 a
Un baiser, qu'un soupird'abord avait promis, 6+6 a
95 Vibrer, pareil au bruitd'un oiseau qui s'effare. 6+6 b
Tout à coup une claireet brutale fanfare 6+6 b
Éclata dans la nuitprofonde du jardin. 6+6 a
Le soldat inquietse releva soudain : 6+6 a
Il fallait se quitter,car c'était la retraite. 6+6 b
100 Oh ! le triste momentd'un départ qui s'apprête ! 6+6 b
Vingt fois on se reditqu'on se reverrait là ; 6+6 a
Et le pauvre amoureuxen hâte s'en alla, 6+6 a
Mais non sans regarderbien souvent en arrière. 6+6 b
Elle, les yeux baisséscomme pour la prière, 6+6 b
105 Triste, joignant les mainssur son tablier blanc, 6+6 a
Resta longtemps rêveuseet seule sur le banc. 6+6 a
Lentement s'éloignaitla fanfare importune ; 6+6 b
Et, lorsque dans le cielmonta le clair de lune, 6+6 b
Je la vis, pâle encordu baiser de l'amant 6+6 a
110 Et les larmes aux yeux,écouter vaguement 6+6 a
La retraite s'éteindreau fond du crépuscule. 6+6 b
Et je n'ai pas trouvécela si ridicule. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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