Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
COP_1/COP3
François COPPÉE
PROMENADES ET INTÉRIEURS
1872
II
Compliment
Tous ces jours-ci, mes cherslecteurs, je désirais, 6+6 a
Tel un petit gaonqui, frisé tout exprès, 6+6 a
Présente son rouleaunoué d’un ruban rose, 6+6 b
Vous offrir un jolicompliment – vers ou prose 6+6 b
5 Pour l’an qui, cette nuit,naquit et commença. 6+6 a
Mais, quand j’étais enfant –oh ! pas plus haut que ça ! – 6+6 a
Dans ce genre déjàje n’ai pas fait merveille. 6+6 b
Le texte qu’à l’écoleon nous donnait, la veille, 6+6 b
Et qu’il fallait, le soir,au logis copier, 6+6 a
10 M’effrayait. J’ai noirci,depuis, bien du papier ; 6+6 a
Mais c’étaient mes débutsdans la littérature. 6+6 b
Ces phrases, réclamantma plus belle écriture, 6+6 b
Étaient alors, pour moi,pleines de « mots d’auteur ». 6+6 a
Sur mon grand tabouret,pour être à la hauteur 6+6 a
15 Du pupitre, j’avaisun Boiste en deux volumes ; 6+6 b
Devant moi, sur la table,un encrier, des plumes, 6+6 b
Plus un bristol ornéd’un beau feston doré 6+6 a
Et fleuri d’un petitbouquet peinturluré. 6+6 a
Devant ce grand travail,que j’étais mal à l’aise ! 6+6 b
20 Fallait-il adopterla bâtarde ou l’anglaise ? 6+6 b
Que faire ? Je mouillaisma plume avec effroi ; 6+6 a
Je songeais au tableaudu passage Jouffroy, 6+6 a
monsieur Favargermit trois ans de sa vie, 6+6 b
Chef-d’œuvre et dernier motde la calligraphie, 6+6 b
25 Qui montre aux gens, par untel art humiliés, 6+6 a
Le « Lion d’Androclès »en « pleins » et « déliés » ; 6+6 a
Et, le dos rond, roulantles yeux, tirant la langue, 6+6 b
Je transcrivais alorsma petite harangue. 6+6 b
Pas mal le « Chers parents,à qui je dois le jour ». 6+6 a
30 Mais, lorsque j’arrivaisau « cœur rempli d’amour », 6+6 a
Comment écrire « cœur »? « Cœur », un mot difficile !… 6+6 b
Je m’agitais et, commeun petit imbécile, 6+6 b
Je me mettais, avecdes gestes consternés, 6+6 a
De l’encre au bout des doigts,de l’encre au bout du nez. 6+6 a
35 Alors, j’étais perdu.Les fautes d’orthographe 6+6 b
Pleuvaient. Je signais malet ratais mon paraphe, 6+6 b
Et sur mes beaux souhaitsde joie et de santé 6+6 a
Je laissais choir enfinun monstrueux pâté. 6+6 a
C’était affreux !
Pourtant,plein d’une angoisse énorme, 6+6 b
40 Le lendemain, avecce manuscrit informe, 6+6 b
Quand je me présentaisdevant mes bons parents, 6+6 a
Ils prenaient le papier,ouvraient les yeux tout grands, 6+6 a
S’écriaient : « C’est superbe !» et, sans dédains ni moues, 6+6 b
Embrassaient tendrementleur fils sur les deux joues. 6+6 b
45 Oui, ma page illisible,ils semblaient l’admirer. 6+6 a
Et l’on ouvrait l’armoire,et j’en voyais tirer 6+6 a
Des trésors, un tambour,un fusil à capsules ! 6+6 b
Et je m’en emparais,joyeux et sans scrupules, 6+6 b
Ne sachant pas alors –pour l’enfant tout est beau 6+6 a
50 Pourquoi mon père avaittoujours un vieux chapeau 6+6 a
Et pourquoi la maman,sainte parmi les saintes, 6+6 b
Portait des gants flétriset des jupes reteintes. 6+6 b
Aux humbles, comme moinés dans la pauvreté, 6+6 a
Je souhaite d’abordavec sincérité, 6+6 a
55 Quand la nouvelle annéeentreprend sa carrière, 6+6 b
Le pain quotidiende la vieille prière ; 6+6 b
Et puis, pour qu’ils ne soientjamais trop malheureux, 6+6 a
Je leur souhaite encorde bien s’aimer entre eux. 6+6 a
Du pain et de l’amour !Tout est là. Le pauvre homme 6+6 b
60 N’a vraiment pas le droitde trop se plaindre, en somme, 6+6 b
Si, du berceau d’osierau cercueil de sapin, 6+6 a
Toute sa vie, il ade l’amour et du pain. 6+6 a
Mes honnêtes parentsn’eurent pas davantage ; 6+6 b
Mais la bonté régnaitdans leur cœur sans partage. 6+6 b
65 Des sentiments profondsils ont connu le prix, 6+6 a
Et, si je sais aimer,c’est qu’ils me l’ont appris. 6+6 a
Et tel riche, donnantde splendides étrennes, 6+6 b
N’éprouve pas leur joieen ces heures sereines, 6+6 b
Quand ils payaient, ayantépargné quelques sous, 6+6 a
70 Mon mauvais complimentpar de pauvres joujoux. 6+6 a
Mes amis, en ce jourqui groupe la famille, 6+6 b
Si cher que soit le pain,si peu que le feu brille, 6+6 b
Épanouissez-vous,ne devenez pas durs. 6+6 a
Quand les enfants viendrontvous tendre leurs fronts purs, 6+6 a
75 À défaut de cadeaux,comblez-les de caresses. 6+6 b
Entretenez en euxle foyer des tendresses, 6+6 b
Comme, en soufflant dessus,on rallume un charbon. 6+6 a
Le méchant souffre, et presqueaucun homme n’est bon 6+6 a
Que grâce aux souvenirsde son enfance aimée, 6+6 b
80 Dont son âme demeureà jamais parfumée. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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