Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
COP_1/COP2
François COPPÉE
PROMENADES ET INTÉRIEURS
1872
II
Mon père
Tenez, lecteur ! – souvent, | tout seul, je me promène 6+6 a
Au lieu qui fut jadis | la barrière du Maine. 6+6 a
C’est laid, surtout depuis | le siège de Paris. 6+6 b
On a planté d’affreux | arbustes rabougris 6+6 b
5 Sur ces longs boulevards | où naguère des ormes 6+6 a
De deux cents ans croisaient | leurs ramures énormes. 6+6 a
Le mur d’octroi n’est plus ; | le quartier se bâtit. 6+6 b
Mais c’est là que jadis, | quand j’étais tout petit, 6+6 b
Mon père me menait, | enfant faible et malade, 6+6 a
10 Par les couchants d’été | faire une promenade. 6+6 a
C’est sur ces boulevards | déserts, c’est dans ce lieu 6+6 b
Que cet homme de bien, | pur, simple et craignant Dieu, 6+6 b
Qui fut bon comme un saint, | naïf comme un poète, 6+6 a
Et qui, bien que très pauvre, | eut toujours l’âme en fête, 6+6 a
15 Au fond d’un bureau sombre | après avoir passé 6+6 b
Tout le jour, se croyant | assez récompensé 6+6 b
Par la douce chaleur | qu’au cœur nous communique 6+6 a
La main d’un dernier-né, | la main d’un fils unique, 6+6 a
C’est là qu’il me menait. | Tous deux nous allions voir 6+6 b
20 Les longs troupeaux de bœufs | marchant vers l’abattoir, 6+6 b
Et quand mes petits pieds | étaient assez solides, 6+6 a
Nous poussions quelquefois | jusques aux Invalides, 6+6 a
Où, mêlés aux badauds | descendus des faubourgs, 6+6 b
Nous suivions la retraite | et les petits tambours. 6+6 b
25 Et puis enfin, à l’heure | où la lune se lève, 6+6 a
Nous prenions pour rentrer | la route la plus brève ; 6+6 a
On montait au cinquième | étage, lentement ; 6+6 b
Et j’embrassais alors | mes trois sœurs et maman, 6+6 b
Assises et cousant | auprès d’une bougie. 6+6 a
30 – Eh bien, quand m’abandonne | un instant l’énergie, 6+6 a
Quand m’accable par trop | le spleen décourageant, 6+6 b
Je retourne, tout seul, | à l’heure du couchant, 6+6 b
Dans ce quartier paisible | où me menait mon père ; 6+6 a
Et du cher souvenir | toujours le charme opère. 6+6 a
35 Je songe à ce qu’il fit, | cet homme de devoir, 6+6 b
Ce pauvre fier et pur, | à ce qu’il dut avoir 6+6 b
De résignation | patiente et chrétienne 6+6 a
Pour gagner notre pain, | tâche quotidienne, 6+6 a
Et se priver de tout, | sans se plaindre jamais. 6+6 b
40 Au chagrin qui me frappe | alors je me soumets, 6+6 b
Et je sens remonter | à mes lèvres surprises 6+6 a
Les prières qu’il m’a | dans mon enfance apprises. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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