Métrique en Ligne
COP_1/COP22
François COPPÉE
PROMENADES ET INTÉRIEURS
1872
III
En faction
Sur le rempart, portant mon lourd fusil de guerre, 6+6 a
Je vous revois, pays que j’explorais naguère, 6+6 a
Montrouge, Gentilly, vieux hameaux oubliés 6+6 b
Qui cachez vos toits bruns parmi les peupliers. 6+6 b
5 Je respire, surpris, sombre ruisseau de Bièvre, 6+6 a
Ta forte odeur de cuir et tes miasmes de fièvre. 6+6 a
Je vous suis du regard, pauvres coteaux pelés, 6+6 b
Tels encor que jadis je vous ai contemplés, 6+6 b
Et dans ce ciel connu, mon souvenir s’étonne 6+6 a
10 De retrouver les tons exquis d’un soir d’automne ; 6+6 a
Et mes yeux sont mouillés des larmes de l’adieu. 6+6 b
Car mon rêve a souvent erré dans ce milieu 6+6 b
Que va bouleverser la dure loi du siège. 6+6 a
Jusqu’ici j’allongeais la chaîne de mon piège ; 6+6 a
15 Triste captif, ayant Paris pour ma prison, 6+6 b
Longtemps ce fut ici pour moi tout l’horizon ; 6+6 b
Ici j’ai pris l’amour des couchants verts et roses ; 6+6 a
Penché dès le matin sur des papiers moroses, 6+6 a
Dans une chambre où ma fantaisie étouffait, 6−6 b
20 C’est ici que souvent, le soir, j’ai satisfait, 6+6 b
À cette heure où la nuit monte au ciel et le gagne, 6+6 a
Mon désir de lointain, d’air libre et de campagne. 6+6 a
Me reprochera-t-on, dans cet affreux moment, 6+6 b
Un regret pour ce coin misérable et charmant ? 6+6 b
25 Car il va disparaître à tout jamais. Sans doute, 6+6 a
Les boulets vont couper les arbres de la route ; 6+6 a
Et l’humble cabaret où je me suis assis, 6+6 b
Incendié déjà, fume au pied du glacis ; 6+6 b
Dans ce champ dépouillé, morne comme une tombe, 6+6 a
30 Il croule, abandonné. Regardez. Une bombe 6+6 a
A crevé ces vieux murs qui gênaient pour le tir : 6+6 b
Et, tels que mon regret qui ne veut pas partir, 6+6 b
Se brûlant au vieux toit, quelques pigeons fidèles 6+6 a
L’entourent, en criant, de leurs battements d’ailes. 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
forme globale type : suite de distiques
schéma : 17((aa))
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