Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
CHF_1/CHF5
Sébastien-Roch-Nicolas de CHAMFORT
ŒUVRES COMPLÈTES
(POÉSIES)
1851
ÉPITRES
FRAGMENS D’UNE ÉPITRE DIPLOMATIQUE
ADRESSÉE A LA COALITION DES PRINCES ARMÉS CONTRE LA FRANCE
Quoi ! contre nos pamphlets hérissant vos frontières, 6+6 a
Vous formez des cordons, vous dressez des barrières ; 6+6 a
Et vous pourriez, chez nous, vauriens pestiférés, 6+6 a
De l’égalité sainte apôtres conjurés, 6+6 a
5 Hasardant la vertu de vos bandes guerrières, 6+6 a
Souffrir que d’un faux jour les rayons égarés, 6+6 b
Perçant l’épais repli de leurs lourdes paupières, 6+6 a
Offrissent à leurs yeux troubles, mal assurés, 6+6 b
De nos Français nouveaux les façons familières ! 6+6 a
10 Quoi ! vos fiers cuirassiers qui, combattant pour vous, 6+6 a
Meurent sous vos bâtons en perdant vos trois sous, 6+6 a
Verront-ils exposer leur fidèle innocence 6+6 a
Aux piéges que leur tend notre indigne licence ! 6+6 a
Rois, laissez-vous fléchir, ne nous attaquez pas ; 6+6 b
15 Plaignez plutôt l’erreur de notre indépendance, 6+6 a
De cette égalité, fléau de nos climats. 6+6 b
Sans cesse attendrissez sur nous, sur nos misères, 6+6 a
Vos sujets chargés d’or, payant sans assignats 6+6 b
Le brigand breveté qui les traîne en galères, 6+6 a
20 Pour la mort d’un vieux cerf soustrait à vos ébats. 6+6 b
Avant qu’on vous apprît que les hommes sont frères, 6+6 a
Funeste vérité qui peut tout perdre, hélas ! 6+6 b
Nuire à vos recruteurs, renchérir vos soldats, 6+6 b
Corrompre l’ouvrier en haussant les salaires, 6+6 a
25 Et, trompant vos sujets égarés sur nos pas, 6+6 a
Leur ravir tous ces biens si chers à leurs ancêtres, 6+6 b
Ces biens perdus pour nous, mais non pour vos états, 6+6 a
Des moines, des geôliers, des nobles et des prêtres… 6+6 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
A quoi de l’art des rois on borne les leçons ! 6+6 a
30 Transplanter en Brabant les braves de Hongrie, 6+6 b
Puis contre les Hongrois armer les Brabançons, 6+6 a
Styriens à Milan, Milanais en Styrie : 6+6 b
De ce profond mystère est-ce là tout le fin ? 6+6 c
Combien de temps faut-il pour que le monde enfin 6+6 c
35 De ce royal secret découvre l’industrie ? 6+6 b
— Mais, depuis six cents ans ! — Soit : rien ne prouve mieux 6+6 a
Que, pour aller bien loin, ce système est trop vieux. 6+6 a
Kaunitz le sentira : sa tête octogénaire 6+6 a
Dira : Voici du neuf, voyons, que faut-il faire ? 6+6 a
40 Je ne reconnais plus ce commode métier 6+6 b
De régir les états pour se désennuyer. 6+6 b
Régner est chose grave et devient une affaire. 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Voisins des Marquisats, vous savez tous qu’en dire, 6+6
Frédéric, expliquant ses droits régaliens, 6+6 a
45 Forme, allonge, élargit son nouvel apanage ; 6+6 b
Fait chez vous la police et vous prendra vos biens 6+6 a
Par sage surveillance et par bon voisinage, 6+6 b
Pour vous défendre mieux contre les Autrichiens. 6+6 a
Déjà de ses housards une troupe impolie 6+6 a
50 A rançonné deux fois les gens de Nuremberg. 6+6 b
— Bon ! Nuremberg n’est rien : c’est de la bourgeoisie. 6+6 a
— D’accord. Mais un moment : Monsieur de Wirtemberg 6+6 b
S’attend de jour en jour à la même avanie ; 6+6 c
C’est un seigneur, un duc, un prince en Franconie. 6+6 c
55 Que répondre ? on se tait : l’évêque de Bamberg, 6+6 b
Plus confondu que vous, rassemble ses vieux titres, 6+6 a
Et du cercle alarmé consulte les chapitres : 6+6 a
Publicistes, docteurs, à l’escrime excités, 6+6 a
En petit in-quartos resserrant leur logique, 6+6 b
60 Prouvant, démontrant tout, hors les points contestés, 6+6 a
Font admirer de plus cet accord harmonique 6+6 b
Qui, par des mouvemens simples, bien concertés, 6+6 a
Fait marcher sans délais ce grand corps germanique. 6+6 b
Bientôt le brave Hoffmann les a tous réfutés ; 6+6 a
65 Et par vingt régimens que charme sa réplique, 6+6 b
Kalkreuth et Mollendorff, d’avance bien postés, 6+6 a
Assurent le succès de sa diplomatique. 6+6 b
Raguse et ses faubourgs, Luques et Saint-Martin 6+6 a
Attendent, comme on sait, avec impatience, 6+6 b
70 L’arrêté du congrès qui doit livrer la France 6+6 b
Repentante et contrite aux chevaliers du Rhin. 6+6 a
De Mercy, de Breteuil la sagesse profonde, 6+6 a
De Rousseau, de Sieyes réformant les erreurs, 6+6 b
Nous guérira des maux causés par ces penseurs, 6+6 b
75 Qui, malgré la police, ont éclairé le monde, 6+6 a
Et, sans être honorés du poste de commis, 6+6 a
Se mêlent d’influer sur les lois d’un pays. 6+6 a
C’est un abus affreux : il faut qu’on le corrige ; 6+6 a
La constitution le demande et l’exige. 6+6 a
80 Il nous faut au-dehors une révision ; 6+6 a
L’autre est insuffisante, encor qu’elle ait du bon. 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Catherine, posant un tome de Voltaire, 6+6 a
Écrit pour condouloir aux chagrins du saint-père. 6+6 a
Le pontife attendri, presque privé d’enfans, 6+6 a
85 Veut déjà dans Moscou recruter des croyans ; 6+6 a
Et bénissant tout bas l’auguste Catherine, 6+6 b
Adresse un doux reproche à la grâce divine, 6+6 b
Qui, contristant les saints, diffère trop long-temps 6+6 a
D’unir l’église grecque à l’église latine. 6+6 b
90 Hélas ! tout vient trop tard : faut-il qu’un si grand bien 6+6 a
Commence à s’opérer quand on ne croit plus rien ? 6+6 a
(Ce qui suit s’adresse au feu roi de Suède.)
Une croisade noble est œuvre méritoire, 6+6 a
Propre à toucher les cœurs des nobles Suédois, 6+6 b
Utile à vos sujets, commerçans et bourgeois, 6+6 b
95 Qui, resserrant leurs fonds, vous souhaitent la gloire 6+6 a
D’Artus, de Galaor, ou d’Oger le Danois. 6+6 a
Votre abord si prochain dans la riche Neustrie, 6+6 b
Ce fief du grand Rollon promis à vos exploits, 6+6 a
De vos Dalécarliens excitant l’industrie, 6+6 b
100 Préviendra la faillite assez commune aux rois, 6+6 a
Mais qu’on leur passe moins aujourd’hui qu’autrefois ; 6+6 a
Car on se forme enfin ; et du fond de l’Ukraine, 6+6 b
Avant que d’envoyer sa botte souveraine, 6+6 b
Charles, votre patron, balancerait, je crois : 6+6 a
105 Il craindrait qu’à Stockholm on ne se dît peut-être : 6+6 a
« Essayons : Il faut voir, sous ce commode maître, 6+6 a
» S’il n’eût pas mieux valu, pour un peuple indigné, 6+6 a
» Que sur lui dès long-temps cette botte eût régné. 6+6 a
» Ah ! nous n’eussions pas vu dépeupler nos campagnes, 6+6 a
110 » En brigands, en soldats, changer nos laboureurs, 6+6 b
» Sous des fardeaux virils haleter leurs compagnes, 6+6 a
» Et leur fils consumés en précoces sueurs, 6+6 b
» Jeunes, de la vieillesse accuser les langueurs. » 6+6 b
Vous voyez que déjà la question se pose. 6+6 a
115 Le texte est dangereux ; prévenez-en la glose. 6+6 a
Gèfle en fournit un autre ; et, malgré le succès, 6+6 a
Vos états assemblés vers la zône polaire, 6+6 b
En exil, dans un camp, sous le glaive, aux arrêts, 6+6 a
Ou contraints de payer, ou payés pour se taire, 6+6 b
120 Dans leurs foyers rendus exposeront les faits, 6+6 a
Ces faits accusateurs d’un heureux téméraire. 6+6 a
Vous les redoutez peu ; j’entends Sémiramis 6+6 b
Qui vous dit : « Réprimons ces Français réfractaires, 6+6 a
» Prêchant la liberté qui gêne en tout pays ; 6+6 b
125 » Mais craignons nos sujets, ils sont nos ennemis ; 6+6 a
» Et contre eux prêtons-nous nos vaillans mercenaires. 6+6 b
» Unis pour opprimer, despotes solidaires, 6+6 b
» J’espère en vos trébans, comptez sur mes strélitz ; 6+6 a
» Marchez et triomphez : la gloire vous appelle 6+6 a
130 » Aux combats, au congrès dans Aix dit la Chapelle : 6+6 a
» Vous y parlerez trop, mais vous parlerez bien. 6+6 b
» Chefs, soldats, orateurs, il ne vous manque rien. 6+6 b
» Alexandre, partez pour les plaines d’Arbelle ; 6+6 a
» La Beauce en offre assez, et vos braves soldats 6+6 a
135 » Qu’en Finlande la gloire a maigris sur vos pas, 6+6 a
» Dans Gèfle peu refaits, retrouveront en France, 6+6 a
» Dans maint heureux vignoble, en pays de bombance, 6+6 a
» La santé, la vigueur dont souvent mes guerriers 6+6 a
» M’ont présenté l’image en m’offrant leurs lauriers. » 6+6 a
140 Ainsi dit Catherine : et le héros habile, 6+6 a
Qui goûte le traité, mais le trouve incomplet, 6+6 b
Jaloux de s’enrichir d’un article secret, 6+6 b
La flatte, élève au ciel son génie et son style, 6+6 a
Ses conquêtes, ses lois, en ajoutant tout bas 6+6 a
145 Que, sans un fort subside, il ne partira pas. 6+6 a
Sémiramis sourit, et, pour sortir de gêne, 6+6 a
Médite à vingt pour cent un gros emprunt sur Gêne, 6+6 a
Que par les émigrés on croit déjà rempli. 6+6 a
Tranquilles sur le nord, arrêtons-nous ici : 6+6 a
150 A nos héros français sa voix offre un asile. 6+6 a
— Ne vous y fiez pas : sa politique habile 6+6 a
Songe à ses intérêts plus qu’à nos émigrans. 6+6 a
Adroit à nous ravir nos princes et nos grands, 6+6 a
Elle veut transplanter au sein de son empire 6+6 a
155 Le premier de nos arts, le blason qu’elle admire, 6+6 a
D’écussons, de lambels tapisser Astracan ; 6+6 a
Chérin doit recruter pour embellir Cazan : 6+6 a
Tel est l’unique but de ses nobles dépenses. 6+6 a
Elle peut, il est vrai, dans ses déserts immenses, 6+6 a
160 En fiefs, en francs-aleux découper ses états, 6+6 a
Tout brillans de comtés, riches de marquisats, 6+6 a
Sans même expatrier ni les ours, ni les rennes, 6+6 a
Deux ordres, dans le nord, puissances souveraines. 6+6 a
— Vous riez… Si pourtant de ses secours aidés… 6+6 a
165 — Cent mille arpens de neige, en un jour concédés, 6+6 a
Peuvent soudain, s’il plaît à sa munificence, 6+6 a
Montrer chez les Kalmoucks la véritable France ; 6+6 a
La cour des vrais Bourbons, le palais des Condés. 6+6 a
Princes au Kamshatka, ducs dans la Sibérie, 6+6 b
170 Voyez-les excitant une active industrie, 6+6 b
Encourager de l’œil les travaux roturiers 6+6 a
Qui défrichent pour eux leur nouvelle patrie, 6+6 b
Fertile au seul aspect de ces grands chevaliers. 6+6 a
De l’Oby, de l’Irtich, les rives délectables 6+6 a
175 Se peuplant de Français présentés, présentables, 6+6 a
Verront leurs champs féconds sous de si nobles mains, 6+6 a
Étonner Pétersbourg de leur tributs lointains, 6+6 a
Et cet hommage heureux consoler Catherine 6+6 a
D’avoir des Osmanlis différé la ruine. 6+6 a
180 — J’entends. Et les Suédois… Gustave ? Il est bien loin : 6+6 a
Sans avoir d’assignats, sa richesse est en cuivre. 6+6 b
Ses soldats pourraient bien hésiter à le suivre, 6+6 b
Et de le surveiller son sénat prendra soin. 6+6 a
— Vous pourvoyez à tout ; je me tais, et pour cause. 6+6 a
185 Quel homme ! il ne craint rien. — Oh ! je crains quelque chose. 6+6 a
— Eh ! quoi donc, s’il vous plaît ? — D’ennuyer : serviteur. 6+6 a
— Dieu vous envoie à moi quand j’aurai de l’humeur ! 6+6 a
Adieu. Malgré les noms dont chez vous on vous nomme, 6+6 a
J’aime votre candeur, votre sincérité, 6+6 b
190 Et, pour un scélérat, je vous tiens honnête homme. 6+6 a
— Quels que soient les surnoms dont vous soyez noté, 6+6 b
J’honore vos vertus et votre loyauté, 6+6 b
Comme si j’arrivais de Coblentz ou de Rome 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les galères ne sont pas la punition de ce crime dans tous les états d’Allemagne. Les peines y sont variées. Dans quelques-uns, on attache le coupable entre les cornes d’un cerf, avec des cordes bien enlacées dans son bois : on le chasse ensuite dans la forêt. Ce mot galères n’est ici que l’indication d’un châtiment quelconque.
(Note de l’auteur.)
Ansach et Bareuth.
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université