Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
CHF_1/CHF37
Sébastien-Roch-Nicolas de CHAMFORT
ŒUVRES COMPLÈTES
(POÉSIES)
1851
POÉSIES DIVERSES
CALYPSO A TÉLÉMAQUE
HÉROÏDE
Ainsi donc le destin, dans les murs de Salante, 6+6 a
Fixe pour un moment ta fortune flottante ! 6+6 a
Tu triomphes, ingrat ; et ta crédulité 6+6 b
S’est de tous tes forfaits promis l’impunité ! 6+6 b
5 Que sais-je ? en ce moment ta coupable imprudence 6+6 a
Peut-être ose accuser ma haine d’impuissance. 6+6 a
Je veux avec le jour t’arracher ton erreur ; 6+6 b
Par mon amour passé juge de ma fureur. 6+6 b
Non, tu ne verras point cette Itaque chérie, 6+6 a
10 Ce séjour que je hais, cette obscure patrie, 6+6 a
Pour qui ton cœur jadis, d’un vain espoir flatté, 6+6 b
Méprisa mon amour et l’immortalité. 6+6 b
Grands Dieux ! si vos décrets permettent qu’il la voie, 6+6 a
Puisse-t-il ne goûter qu’une trompeuse joie ! 6+6 a
15 Oui, traître, qu’aussitôt un nuage odieux, 6+6 b
Abusant ton espoir, la dérobe à tes yeux ; 6+6 b
Qu’à te persécuter la fortune constante, 6+6 a
Promène sur les mers ta destinée errante ; 6+6 a
Que les vents, échappés de leurs sombres cachots, 6+6 b
20 De la mer contre toi soulèvent tous les flots ; 6+6 b
Et, pour combler mes vœux, qu’un funeste naufrage 6+6 a
M’offre ton corps mourant poussé vers mon rivage ; 6+6 a
Que ta nymphe, en pleurant sur ton malheureux sort, 6+6 b
Par ses cris douloureux appelle en vain la mort ! 6+6 b
25 Dieux ? quel plaisir de voir ma rivale plaintive 6+6 a
Rappeler vainement ton ombre fugitive ! 6+6 a
Mes yeux, au lieu des tiens, jouiront de ses pleurs, 6+6 b
Et ma présence encor aigrira ses douleurs. 6+6 b
Sans me déplaire alors, de cyprès couronnée, 6+6 a
30 Elle pourra gémir à tes pieds prosternée ; 6+6 a
Et je n’envîrai plus ni ses gémissemens, 6+6 b
Ni ses tendres regards, ni ses embrassemens. 6+6 b
Mais je frémis, mon cœur, mon faible cœur soupire : 6+6 a
Dieux ! serait-ce d’amour ?… Ah ! ma fureur expire ! 6+6 a
35 Malheureuse ! je l’aime et le hais tour à tour. 6+6 b
Que dis-je ? cette haine est un transport d’amour. 6+6 b
Télémaque ! je cède ; oui, c’est ma destinée ; 6+6 a
Sous le joug de l’Amour ma haine est enchaînée ; 6+6 a
N’en crois pas les transports où j’ai pu me livrer ; 6+6 b
40 Ne crains rien : Calypso ne peut que t’adorer. 6+6 b
Grands dieux ! n’exaucez pas ma funeste prière ; 6+6 a
C’était contre moi-même armer votre colère. 6+6 a
Quand mon cœur pour l’ingrat tremble au moindre danger, 6+6 b
Hélas ! que je suis loin de vouloir me venger ! 6+6 b
45 Quelle était ma fureur ? Oui, dieux ! je vous implore : 6+6 a
Mais ce n’est qu’en faveur de l’objet que j’adore ; 6+6 a
Et s’il faut éprouver sur lui votre pouvoir, 6+6 b
Consultez mon amour et non mon désespoir. 6+6 b
Mais, hélas ! que dis-tu ; malheureuse déesse ? 6+6 a
50 Arrête ; où t’emportait une indigne faiblesse ? 6+6 a
Songes-tu que le traître, au mépris de ta foi, 6+6 b
Ose former des vœux qui ne sont pas pour toi ? 6+6 b
Oui, tandis que pour lui, lâchement suppliante, 6+6 a
Je fais des vœux… l’ingrat en fait pour son amante ; 6+6 a
55 Et son farouche orgueil, que je n’ai pu dompter, 6+6 b
Ne se souvient de moi que pour me détester. 6+6 b
Ah ! quand tu vins tremblant, au sortir du naufrage, 6+6 a
M’offrir de tes malheurs l’attendrissante image, 6+6 a
Moi-même je devais, prévenant tes affronts, 6+6 b
60 Te replonger vivant dans ces gouffres profonds, 6+6 b
Dans ces gouffres affreux que le sort te prépare, 6+6 a
Habités par la mort et voisins du Ténare. 6+6 a
Dans ton cœur ennemi, pourquoi mon faible bras 6+6 b
Hésita-t-il alors de porter le trépas ? 6+6 b
65 Sur la tête du fils offert à ma colère, 6+6 a
Ma main devait venger la trahison du père ; 6+6 a
Et ta mort, m’épargnant un fatal entretien, 6+6 b
Devait punir son crime et prévenir le tien. 6+6 b
Mon orgueil, offensé des mépris d’un parjure, 6+6 a
70 Se croyait désormais à l’abri d’une injure : 6+6 a
Je défiais l’Amour, auteur de tous mes maux ; 6+6 b
Je jurai d’immoler au soin de mon repos 6+6 b
Tous les infortunés que leur destin funeste 6+6 a
Conduirait vers ces bords que Calypso déteste ; 6+6 a
75 Leur sang a cimenté cet horrible serment ; 6+6 b
J’ai cru, dans chacun d’eux, immoler un amant ; 6+6 b
Tu parus, mon courroux s’armait pour ton supplice ; 6+6 a
Tu t’avances, je vois… j’aime le fils d’Ulisse : 6+6 a
A la tendre pitié j’abandonne mon cœur, 6+6 b
80 J’y laisse entrer l’amour au lieu de la fureur. 6+6 b
Au meurtre dès long-temps ma main accoutumée, 6+6 a
Ma main par un mortel se vit donc désarmée ; 6+6 a
Je n’osai la porter dans ton coupable flanc ; 6+6 b
Sanglante, je craignis de répandre le sang. 6+6 b
85 Cette divinité dont le mâle courage 6+6 a
Jadis se nourrissait de meurtre et de carnage, 6+6 a
Dont la rage guidait les farouches transports, 6+6 b
Dont le bras tant de fois ensanglanta ces bords, 6+6 b
A l’aspect d’un mortel, désarmée et tremblante, 6+6 a
90 Soupire et n’est déjà qu’une timide amante. 6+6 a
Calypso ne hait plus en ce funeste jour ; 6+6 b
Le poignard à la main, elle implore l’Amour. 6+6 b
Qu’aisément tu surpris ma raison égarée ! 6+6 a
De mon cœur imprudent je te livrai l’entrée. 6+6 a
95 Je respectai ces jours, ces jours infortunés, 6+6 b
Des piéges du trépas sans cesse environnés. 6+6 b
O souvenir cruel d’une ardeur insensée ! 6+6 a
O pleurs ! ô désespoir d’une amante offensée ! 6+6 a
Télémaque !… Eucharis !… Détestables amans ! 6+6 b
100 Malheureuse ! Que faire en ces affreux momens ! 6+6 b
Vous m’évitez en vain, je vole sur vos traces… 6+6 a
Mais que dis-je ? Voudrais-je augmenter mes disgrâces ? 6+6 a
Mes yeux pourraient-ils voir leurs transports amoureux, 6+6 b
Et leurs embrassemens insulter à mes feux ? 6+6 b
105 Encor, si je pouvais, au gré de ma furie, 6+6 a
Briser le nœud cruel qui m’enchaîne à la vie, 6+6 a
Étouffer mes douleurs dans le sein du trépas… 6+6 b
Mais je ne peux mourir… Eh bien ! toi, tu mourras ! 6+6 b
Oui, je veux dans ton sang plonger ma main fumante, 6+6 a
110 Sous les yeux, dans les bras de ton indigne amante. 6+6 a
Oui, dans ses bras sanglans, ingrat, tu vas périr : 6+6 b
Elle triomphera de t’avoir vu mourir. 6+6 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dieux ! vengez par mes mains son infidélité ; 6+6 a
Je vous pardonne alors mon immortalité. 6+6 a
115 Non, c’est peu de la mort pour une telle offense ; 6+6 b
Ah ! par mon désespoir, jugez de ma vengeance. 6+6 b
Sombre divinité des malheureux amans, 6+6 a
Cruelle Jalousie, arme tous tes serpens ; 6+6 a
Allume dans mon cœur tous les feux de la rage ; 6+6 b
120 Je le soumets à toi, règne en moi sans partage ; 6+6 b
Étouffe de l’amour les soupirs et les vœux : 6+6 a
C’en est fait, je me livre à tes plaisirs affreux ; 6+6 a
Change en noire furie une timide amante ; 6+6 b
Enhardis ce poignard dans ma main chancelante… 6+6 b
125 Que dis-je ? Il n’est plus temps, il a dû m’échapper. 6+6 a
Eucharis, dans tes bras, il fallait le frapper. 6+6 a
O souvenir affreux ! jour fatal à ma gloire, 6+6 b
Où ma présence même ennoblit sa victoire ! 6+6 b
Je courais me venger et te percer le sein ; 6+6 a
130 Elle vit le poignard qui tombait de ma main : 6+6 a
Elle vit expirer mon impuissante rage… 6+6 b
Qu’elle va détester ce funeste avantage ! 6+6 b
Oui, sur elle je veux punir ta trahison : 6+6 a
Je veux de tes mépris lui demander raison. 6+6 a
135 Si tu veux adoucir le malheur qui l’accable. 6+6 b
Pour la justifier, cesse d’être coupable ; 6+6 b
Viens me rendre le cœur qu’elle m’avait ravi. 6+6 a
Ah ! si du repentir le crime était suivi, 6+6 a
Si tu venais enfin, terminant mon supplice, 6+6 b
140 Dans mes yeux attendris lire ton injustice ; 6+6 b
Si ta bouche abjurait ta haine et ta fierté, 6+6 a
Je ne me souviendrais de ma divinité 6+6 a
Que pour rendre immortels tes feux et ma tendresse. 6+6 b
Viens désarmer mon bras, c’est l’Amour qui t’en presse 6+6 b
145 Viens régner avec moi. C’en est fait ; oui, je veux 6+6 a
Que le dieu de mon cœur soit le dieu de ces lieux ; 6+6 a
Que du bruit de mes feux l’univers retentisse ; 6+6 b
Qu’à ma félicité tout l’Olympe applaudisse ; 6+6 b
Qu’élevé désormais au rang des immortels, 6+6 a
150 Tu partages l’encens qu’on offre à mes autels. 6+6 a
Sous les berceaux fleuris de ce riant bocage, 6+6 b
Dans cet Olympe enfin, le céleste breuvage 6+6 b
Nous sera présenté par la main des amours ; 6+6 a
Et seuls ils fileront la trame de nos jours. 6+6 a
155 Ne crains point qu’à leurs mains la Parque les ravisse ; 6+6 b
Viens me rendre un bonheur qui jamais ne finisse ; 6+6 b
Que d’éternels plaisirs scellent notre union… 6+6 a
Songe délicieux ! charmante illusion ! 6+6 a
Pouvez-vous un moment occuper ma pensée ? 6+6 b
160 Ah ! cessez d’abuser une amante insensée ; 6+6 b
Pour mon cœur malheureux les plaisirs sont-ils faits ? 6+6 a
Inutiles soupirs ! inutiles souhaits ! 6+6 a
Aveugle Calypso ! déesse infortunée ! 6+6 b
Hélas ! à mon malheur je suis donc enchaînée ! 6+6 b
165 Il faudra de regrets me nourrir chaque jour ; 6+6 a
Je verrai tout finir, excepté mon amour. 6+6 a
Comment me dérober au feu qui me dévore ? 6+6 b
Je retrouve partout le cruel qui m’abhorre. 6+6 b
Ton image importune irrite mes ennuis : 6+6 a
170 Présent, tu me fuyais ; absent, tu me poursuis. 6+6 a
Peut-être apprendras-tu ma triste destinée ; 6+6 b
Mais si tu sais les maux où tu m’as condamnée, 6+6 b
Si du moins la pitié peut encor t’attendrir, 6+6 a
Plains-moi, surtout plains-moi de ne pouvoir mourir. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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