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6-6 mètre
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Sébastien-Roch-Nicolas de CHAMFORT
ŒUVRES COMPLÈTES
(POÉSIES)
1851
POÉSIES DIVERSES
LES FÊTES ESPAGNOLES
Il me souvientd’avoir passé deux mois 4+6 a
Dans un châteaude gothique structure, 4+6 b
Flanqué de tours,imposante masure 4+6 b
Dont le seigneurm’ennuyait quelquefois, 4+6 a
5 Ou me grondaitquand je daignais l’entendre. 4+6 c
Mais curieux,il me plaisait d’apprendre 4+6 c
Mainte anecdote ;il avait vu des rois, 4+6 a
Des empereurs,des princes d’Allemagne, 4+6 d
Ces cours vraimentont de très-bons endroits. 4+6 a
10 Sa favoriteétait la cour d’Espagne ; 4+6 d
Il la citaitsans relâche et partout, 4+6 e
Cherchant quelqu’unqui pour elle t du gt. 4+6 e
Du roi Philippeet de la Parmesane 4+6 f
J’ai remportédes traits assez plaisans, 4+6 g
15 Je dis pour moi,plaisans pour un profane, 4+6 f
Qui veut de loindes princes amusans. 4+6 g
Mon rabâcheurtrouvait son passe-temps 4+6 g
A parler d’eux,de lui, de leurs caresses. 4+6 h
Il possédaitdes reines, des princesses, 4+6 h
20 En bague, en bte,en bijoux bien montés, 4+6 i
Rois, électeurs,en ordre étiquetés ; 4+6 i
Ayant garnitout un écrin d’altesses, 4+6 h
Près de la tombe,épris des dignités, 4+6 i
Et raffolantsurtout des majestés ; 4+6 i
25 Puis, allongeantdeux tiroirs parallèles, 4+6 j
Il m’étalaitcent joyaux radieux, 4+6 k
Luxe enterré,pompeuses bagatelles, 4+6 j
Perles, rubis,diamans précieux, 4+6 k
Présens des rois,et qui plus est, des belles. 4+6 j
30 En l’écoutant,cent fois je me suis dit : 4+6 l
Les rois d’alorsaimaient bien peu l’esprit. 4+6 l
N’importe : il faut,pour prix de ses nouvelles, 4+6 j
Le suivre encorà Madrid, au Prado, 4+6 m
Quitte à partirpour le Ben-Retiro 4+6 m
35 le roi court,quand le sourcil lui fronce : 4+6 n
Et n’a-t-on pasd’ailleurs Saint-Ildephonse, 4+6 n
Lieux enchantés,palais du doux printemps 4+6 g
dans l’ennuisa majesté s’enfonce 4+6 n
Tout à son aise,et loin des courtisans ? 4+6 g
40 Bâiller tout seulmarque un certain bon sens, 4+6 g
Et montre au moinsque la grandeur suprême 4+6 o
Pour s’ennuyerse suffit à soi-même. 4+6 o
De ce babildu vieil ambassadeur 4+6 p
Que j’écoutais,vous en voyez la cause : 4+6 q
45 Il m’est restédans l’esprit, cher lecteur, 4+6 p
Je ne sais quoidont il faut que je cause. 4+6 q
Là… pour causer,perdre son sérieux, 4+6 k
Dire un peu… tout,sans fadeur, sans scrupule. 4+6 r
J’ai des amisaimant le ridicule, 4+6 r
50 Moi, … je le peins…par amitié pour eux. 4+6 k
Vous saurez donc,sans plus de préambule, 4+6 r
Que dans Madrid,sous l’avant-dernier roi, 4+6 s
Prince pieuxet vraiment catholique, 4+6 t
Mais trop souventbattu, malgré sa foi, 4+6 s
55 Par les Anglais,maudit peuple hérétique : 4+6 t
Quand je dis lui,c’étaient (vous sentez bien) 4+6 u
Ses généraux,le roi n’en savait rien ; 4+6 u
On lui sauvaittout chagrin politique ; 4+6 t
C’était plaisirde voir comme on tendait 4+6 v
60 Devers ce but,et comme on s’accordait 4+6 v
A tenir lointout parleur véridique ; 4+6 t
Pour lui tout seulla gazette mentait, 4+6 v
Gazette à part,de plaisante fabrique, 4+6 t
Que le ministreou la reine dictait : 4+6 v
65 Oh ! que n’a-t-oncet exemplaire unique ! 4+6 t
La cour, la chambreet le moindre valet, 4+6 v
Secondaient tousla reine et le ministre : 4+6 w
Tenant pour sûrqu’un triste événement, 4+6 x
Un grand désastre,un revers bien sinistre, 4+6 w
70 Appris au roi,pouvait subitement 4+6 x
Plisser son front,obscurcir son visage, 4+6 y
D’un peu d’humeury laisser le nuage 4+6 y
Et retardersa chasse d’un moment, 4+6 x
Tant ce bon princeavait de sentiment ! 4+6 x
75 Or, cette fois,le mal étant extrême, 4+6 o
Il fut réglé,d’après ce beau système, 4+6 o
Qu’on donneraitfêtes de grand éclat, 4+6 z
Pour réparerles malheurs de l’état. 4+6 z
Le temps pressait :zèle, soins et dépense, 4+6 a
80 On prodiguatout, hors l’invention, 4+6 b
Pour étaleravec profusion 4+6 b
Tous les plaisirsde la magnificence, 4+6 a
Un beau gala,dans sa perfection, 4+6 b
Jeu, grand couvert,la musique, la danse, 4+6 a
85 Feux d’artifice,illumination, 4+6 b
Tout le fracasd’une cour excédée, 4+6 c
Sans frais d’esprit,sans l’ombre d’une idée. 4+6 c
Pardon ; j’ai tort ;on se disait tout bas, 4+6 d
Que c’est vraimentun prince formidable ; 4+6 e
90 Que les Anglaisse rendront sans combats, 4+6 d
Que tous les joursla reine est plus aimable 4+6 e
Malgré les ans,on ne la conçoit pas ; 4+6 d
Que le ministreest un homme admirable ; 4+6 e
Que les Infanssont plus beaux que le jour ; 4+6 f
95 Bref, ce qu’on dit,ce qu’il est convenable 4+6 e
Qu’un roi vivantentende dans sa cour. 4+6 f
Le lendemaindonne fête nouvelle. 4+6 g
Vous connaissezce que l’Espagne appelle 4+6 g
Acte de foi.La foi devait brûler 4+6 h
100 De cent Hébreuxune troupe infidelle, 4+6 g
D’infortunéstriste et longue séquelle 4+6 g
Qu’on dénombrait,la voyant défiler ; 4+6 h
Et puis venaitun renfort d’hérétiques, 4+6 i
Seuls vrais auteursdes disgrâces publiques. 4+6 i
105 La foi console :il faut se consoler. 4+6 h
C’est bien aussice que l’on se propose, 4+6 q
Quant au public ;le roi, c’est autre chose : 4+6 q
Ignorant tout,rien ne peut le troubler ; 4+6 h
Nul embarras,nul souci ne l’approche. 4+6 j
110 Content, heureux,et la gazette en poche, 4+6 j
De l’avenirirait-il se mêler ? 4+6 h
Vainqueur partout,terrible (on l’en assure), 4+6 b
Son cœur jouitd’une allégresse pure. 4+6 b
Environnéde messieurs les Infans, 4+6 g
115 D’un air dévotil dit ses patenôtres : 4+6 k
Il faut donnerl’exemple à ses enfans, 4+6 g
Priant pour euxla vierge et les apôtres. 4+6 k
Bien surveilléspar l’inquisition, 4+6 b
Ils sont dressésà la religion 4+6 b
120 Par des prélatshumbles comme les nôtres, 4+6 k
Mais qui, croyantce qu’ils prêchaient aux autres, 4+6 k
Avaient de plusla persuasion. 4+6 b
Des trois Infansla sournoise jeunesse 4+6 l
Montrait du gtpour la contrition ; 4+6 b
125 Le sérieuxde la componction 4+6 b
Tartufiaitleur sombre gentillesse : 4+6 l
Un maintien gauche,en dépit de l’altesse, 4+6 l
Ce tour d’égliseet cet air d’oraison, 4+6 b
Cet humble instinctqui détruit la raison, 4+6 b
130 Qui plt au prêtre,aussitôt l’intéresse 4+6 l
Et lui fait dire :Oh ! celui-ci m’est bon. 4+6 b
On a vouluqu’au sortir de la messe, 4+6 l
L’né, surtout,vint à l’acte de foi 4+6 s
Voir la douceurde notre sainte loi, 4+6 s
135 Mâter ses sens,sa pitié, sa faiblesse, 4+6 l
Enfin promettreà l’Espagne un grand roi, 4+6 s
Qui vît toujoursl’enfer autour de soi. 4+6 s
Et dans le fait,voyant des misérables 4+6 m
Précipitésdans des brasiers ardens, 4+6 g
140 Tordant leurs brasdéchirés de leurs dents, 4+6 g
Et leurs bourreaux,des hommes, ses semblables, 4+6 m
Usurpateursdu bel emploi des diables, 4+6 m
N’est-il pas vraique monseigneur l’Infant 4+6 x
Doit à l’enfercroire plus aisément ? 4+6 x
145 Aimable prince,ô combien ton enfance 4+6 a
En ce beau joura donné l’espérance 4+6 a
Au saint office !Il dit que tôt ou tard 4+6 n
Tu reprendrassûrement Gibraltar, 4+6 n
Qui fut ton bien,et que la Providence 4+6 a
150 A laissé prendreaux Anglais par hasard. 4+6 n
Ce pronostic,qu’on répand dans l’Espagne, 4+6 d
N’eut point d’accèsau journal de la cour ; 4+6 f
On s’y bornaità louer tour à tour 4+6 f
L’auguste roi,son auguste compagne, 4+6 d
155 Qui sont du mondeet l’exemple et l’amour : 4+6 f
Puis de vanter,en phrases fanatiques, 4+6 i
Leur zèle ardentcontre les hérétiques, 4+6 i
Contre l’Anglais,surtout contre l’Hébreu, 4+6 p
Peuple endurcidans ses vieilles pratiques, 4+6 i
160 Que l’on convientvenir d’assez bon lieu ; 4+6 p
Mais qui, fidèleà ses cahiers antiques, 4+6 i
Livres chéris,divins de notre aveu, 4+6 p
Meurt méchammentet pour adorer Dieu 4+6 p
Comme David,de qui les doux cantiques 4+6 i
165 Lui sont chantésquand on le jette au feu. 4+6 p
Certes, voilàde quoi mettre en colère 4+6 q
Un saint journal :puis, viennent les couplets, 4+6 r
Hymnes, chansons,redondilles, sonnets, 4+6 r
Qu’une foi vive,hypocrite ou sincère, 4+6 q
170 Un vain désir,ou le talent de plaire, 4+6 q
Adresse au roisur ses brillans succès ; 4+6 r
Car tout le plande la cérémonie 4+6 s
Est un effortde son puissant génie. 4+6 s
Pourquoi, soudain,places et carrefours 4+6 t
175 Vont de sa gloireoccuper quelques jours 4+6 t
Les regardans :estampes et gravures, 4+6 u
Grotesque affreux,sombres caricatures, 4+6 u
, consumésdans leurs sacrés atours, 4+6 t
La tête en bas,feux et flamme à rebours, 4+6 t
180 En noirs démons,grimacent les figures 4+6 u
Des torturés,infligeant des tortures ; 4+6 u
Dieu, qui d’en hautcontemple cet enfer 4+6 v
Avec amour,et bénit Lucifer ; 4+6 v
Le doux Jésus ;l’attrayante Marie, 4+6 s
185 Qui, caressantd’un sourire amical 4+6 w
Les vils suppôtsdu monstre monacal, 4+6 w
Semble exciterleur dévote furie ; 4+6 s
En bas, le roid’un beau zèle échauffé, 4+6 h
La croix en main,guidant l’auto-da-fé, 4+6 h
190 Dont le livret,lu dans chaque famille, 4+6 x
D’un jacobinvu, revu, paraphé, 4+6 h
Va sur les mers,pieuse pacotille, 4+6 x
Charmer, ravir,de Cadix à Manille, 4+6 x
Ses heureux saintsqui prennent leur café. 4+6 h
195 Vous conviendrezque maintenant l’Espagne 4+6 d
Avec honneurpeut ouvrir la campagne, 4+6 d
Qu’on va tout vaincre,et que les ennemis 4+6 y
Seront bientôtchassés du plat pays. 4+6 y
Soit, j’en conviens ;mais un moment, de grâce ; 4+6 z
200 Rendons surtoutla victoire efficace, 4+6 z
Modérons-nous,et faisons qu’aujourd’hui 4+6 a
Le roi n’ait plusune gazette à lui. 4+6 a
Songeons au butde la troisième fête, 4+6 b
Que cette foispour le peuple on apprête. 4+6 b
205 Que dites-vous ?le peuple ! Eh, oui ! vraiment, 4+6 x
Dans le malheuron y pense un moment. 4+6 x
Le plus grand roi,quand la chance varie, 4+6 s
Avec le peupleest en coquetterie. 4+6 s
A son épouxla reine a prudemment 4+6 x
210 Insinuéqu’au sein de la victoire, 4+6 c
Un roi couvertdes rayons de la gloire, 4+6 c
S’il est chéri,part encor plus grand. 4+6 x
Le roi, frappé,vit l’importance extrême 4+6 o
De ce conseil :« Eh bien ! dit-il, qu’on m’aime. 4+6 o
215 Veillez-y bien,réglez tout promptement. » 4+6 x
On obéit,et le gouvernement, 4+6 x
Voyant le peupleabattu de tristesse, 4+6 l
Prit le partid’ordonner l’allégresse, 4+6 l
De la payer.On prit l’argent ; mais quoi ? 4+6 s
220 On ne rit pasainsi de par le roi. 4+6 s
L’auto-da-fé,merveilleux en lui même, 4+6 o
Soutient le cœur,mais ne peut réjouir : 4+6 e
Il faut chercherailleurs ce bien suprême 4+6 o
Et s’adresserà quelqu’autre plaisir. 4+6 e
225 Or, le plus grand,le seul par excellence, 4+6 a
Vous devinez,c’est de voir des taureaux 4+6 f
Mis en fureur,poussés à toute outrance 4+6 a
Par des guerriers,des piqueurs, des héros, 4+6 f
Gens vigoureux,bien armés, bien dispos. 4+6 f
230 De ces combatsla sublime science 4+6 a
Chez l’Espagnolbrilla dans tous les temps. 4+6 g
Sur Caldéroneelle a la préférence : 4+6 a
Elle ravitles petits et les grands, 4+6 g
La cour, la ville ;et sa majesté même 4+6 o
235 Fait grand étatde ce talent suprême. 4+6 o
Par cent rivauxle prix est disputé : 4+6 h
C’est un hommageoffert à la beauté. 4+6 h
L’Espagnol croit,lorsque son sang ruissèle, 4+6 g
Que pour jamaissa mtresse est fidèle. 4+6 g
240 Chez nous Français,cet argument nouveau 4+6 m
Prendrait du poids,en supposant de même, 4+6 o
Qu’on ne peut plus,dès qu’on perce un taureau, 4+6 m
Être fidèleà la beauté qu’on aime. 4+6 o
Chaque paysa son raisonnement ; 4+6 x
245 Cervelle humaineest chose singulière. 4+6 q
De ma raisonvotre raison diffère : 4+6 q
Le cœur aussim’étonne grandement…. 4+6 x
Mais je revienset reprends notre affaire. 4+6 q
L’affaire allaitplus que passablement ; 4+6 x
250 L’amphithéâtreétait garni de belles 4+6 j
De toute espèce,et même de cruelles. 4+6 j
On avait faitle signe de la croix, 4+6 a
Et trois taureauxs’avançaient à la fois. 4+6 a
Si je voulaisfaire ici le poète, 4+6 b
255 Convenez-en,lecteur, j’aurais beau jeu ; 4+6 p
A qui tient-il ?Mais je retiens mon feu, 4+6 p
Je vous fais grâce ;et ma muse discrète 4+6 b
Des lieux communsdédaigne le secours ; 4+6 t
Puis, la moralea seule mes amours. 4+6 t
260 Or, disons donc,sans soin, sans étalage, 4+6 y
Qu’un des taureaux,j’en ai parlé, je crois, 4+6 a
Deux étant morts,demeuré seul des trois, 4+6 a
Blessé lui-mêmeet transporté de rage, 4+6 y
Glaça d’effroil’amphithéâtre entier, 4+6 h
265 Renversant tout,matador ou guerrier, 4+6 h
Nègre, marquis,grand d’Espagne et bouvier, 4+6 h
Armés ou non ;il n’eut plus d’adversaire. 4+6 q
Thésée, Alcide,aux siècles fabuleux, 4+6 k
Eussent cherchéce taureau merveilleux, 4+6 k
270 Pour en découdre :il était leur affaire. 4+6 q
Sa majesté,ne pensant pas comme eux, 4+6 k
Se blottissaitdans sa loge grillée, 4+6 c
Mourant de peur,la croyant ébranlée. 4+6 c
Chacun tremblaità l’exemple du roi ; 4+6 s
275 Mais savez-vouscomme, en ce désarroi, 4+6 s
Dieu secourutcette cour si troublée ? 4+6 c
Un jeune enfant,obscur, bien inconnu, 4+6 i
Vient à songerqu’à l’instant il a vu 4+6 i
Les bœufs d’un tel,troupeau considérable, 4+6 e
280 Qui lentementregagnaient leur étable. 4+6 e
Vite il y court,les fait sortir soudain, 4+6 u
Et les conduit,aidé d’un vieux voisin, 4+6 u
Vers cet enclos la terrible scène 4+6 j
Répand l’horreur :les voilà dans l’arène. 4+6 j
285 En quel moment ?Quand le monstre fougueux, 4+6 k
Moins forcené,paraissait plus terrible ; 4+6 k
Lorsqu’agitant,tournant sa face horrible, 4+6 k
Gonflé, fumantd’un nuage écumeux, 4+6 k
Vainqueur et seulsur l’arène sanglante, 4+6 l
290 Les feux épaisde sa narine ardente, 4+6 l
Les feux hagards,noirs et clairs de ses yeux, 4+6 k
Redemandaient,cherchaient la guerre absente. 4+6 l
Pour ennemisil ne voit que des bœufs 4+6 k
Qui défilaient,un par un, deux par deux, 4+6 k
295 En plus grand nombre ;et puis la troupe entière 4+6 q
De plus en plusgarnissait la carrière. 4+6 q
De leurs gros yeuxla stupide langueur 4+6 p
Et de leurs pasla pesante lenteur 4+6 p
N’annonçant pointd’intention guerrière, 4+6 q
300 Le fier taureau,qu’étonne leur douceur, 4+6 p
Tout ébaubid’être sans adversaire, 4+6 q
Les étonnaitd’un reste de fureur, 4+6 p
Qui peut passerentre bœufs pour humeur ; 4+6 p
Et nulle partne trouvant de colère, 4+6 q
305 Il s’appaisa,voyant qu’ils n’ont point peur. 4+6 p
Grâce à leur corne,il les crut ses semblables : 4+6 m
Comme ils beuglaient,il les crut ses égaux ; 4+6 f
Et radoucidans ce commun repos, 4+6 f
Environnéde voisins si traitables, 4+6 m
310 Il imitaces prétendus taureaux. 4+6 f
Ce dénmentplut fort à l’assistance, 4+6 a
Au roi surtout :l’on reprend contenance, 4+6 a
On se rassure,on rit de son effroi, 4+6 s
Que l’on niait ;nul n’avait craint pour soi : 4+6 s
315 Un seul instantsi l’âme fut troublée, 4+6 c
Chacun convientque c’était pour le roi ; 4+6 s
Le roi le crut,se croyant l’assemblée. 4+6 c
La peur cessant,on devint curieux. 4+6 k
Mais d’ vient doncce grand convoi de bœufs ? 4+6 k
320 On cherche, on tienttout le fil de l’histoire. 4+6 c
Un empressécourut après l’enfant 4+6 x
Qui prit la fuite ;il avait peur d’un grand, 4+6 x
Et se sauvade l’interrogatoire. 4+6 c
La reine en rit :chacun des courtisans 4+6 g
325 Voulait qu’il fûtle fils d’un de ses gens, 4+6 g
Neveu du moins,tant ils aimaient la gloire. 4+6 c
Le roi laissadisputer là-dessus, 4+6 n
Indifférent,puisqu’il ne tremblait plus. 4+6 n
Hors de péril,sa majesté charmée 4+6 c
330 Lâche deux motssur l’enfant, le voisin, 4+6 u
Bâillant, distrait ;et dès le lendemain 4+6 u
S’en souciacomme de son armée. 4+6 c
Tandis qu’il bâilleet ne s’amuse pas, 4+6 d
Des battemensde mains, de grands éclats, 4+6 d
335 Des ris joyeuxpartent de la commune. 4+6 o
Sa majesté,que le rire importune, 4+6 o
Part surprise,elle regarde en bas : 4+6 d
C’était l’enfantqui, rentré de fortune, 4+6 o
Ne craignant plus,voyez-vous, d’être pris 4+6 y
340 Ni présenté,curieux, s’était mis 4+6 y
Sur un gradin,debout, près de l’issue 4+6 p
Par des bœufsse pousse la cohue, 4+6 p
Troupeau bénin,qu’on chasse avec des ris. 4+6 y
Et des rieursremarquez l’insolence ; 4+6 a
345 Car vous saurezqu’en ce troupeau si doux 4+6 q
Est l’animalqui les fit trembler tous ; 4+6 q
Mais de l’enfantla naïve impudence 4+6 a
Fit plus d’effetencor, réussit mieux. 4+6 k
En revoyantce taureau trouble-fête, 4+6 b
350 Auteur du mal,si coupable à ses yeux, 4+6 k
D’un gros bâton,plaisamment furieux, 4+6 k
Il va frappantde la maudite bête 4+6 b
Les flancs, le dos ;et le pauvre animal, 4+6 w
Doublant le passous l’instrument risible, 4+6 k
355 Va s’enfonçantdans le groupe paisible, 4+6 k
Pour se sauverde ce petit brutal. 4+6 w
Vous souriez,lecteur ; mais je parie 4+6 s
Que vous rêvez :laissons la rêverie, 4+6 s
Contentons-nousd’un simple enseignement, 4+6 x
360 D’un apeu :que tel est fréquemment 4+6 x
Plus fort tout seulqu’avec sa confrérie. 4+6 s
Vous le sentez,hélas ! péniblement, 4+6 x
Hommes de main,de tête, de génie, 4+6 s
Vous que j’ai vusen maint gouvernement 4+6 x
365 (Le despotismea bien sa prudhomie), 4+6 s
Vous que je plains,abattus tristement, 4+6 x
Marchant de front,bêtes de compagnie. 4+6 s
Cet art des rois,ce secret merveilleux, 4+6 k
Nous le savons ;mais l’Espagne l’ignore ; 4+6 s
370 En ces climatsle ciel fait ntre encore 4+6 s
Des esprits fierset des cœurs généreux ; 4+6 k
Mais les taureauxsont entourés de bœufs. 4+6 k
Chassons les bœufs,chassons le saint office, 4+6 t
Prions le cielque la foi s’affaiblisse, 4+6 t
375 Limons leurs ferset dessillons leurs yeux 4+6 k
Par maint écrit la vérité brille, 4+6 x
La vérité,trésor plus précieux 4+6 k
Que du Péroul’opulente flottille ; 4+6 x
Et dans Madridmenant la vérité, 4+6 h
380 Que suit bientôtsa sœur la liberté, 4+6 h
Consolidonsle pacte de famille. 4+6 x
Chamfort composa ce petit poème au commencement de 1792.
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