Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
CHE_1/CHE83
André de CHÉNIER
ŒUVRES POÉTIQUES
tome I
1790
POÈMES
L'Astronomie
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LE poète enivré | de ses jeunes fureurs, 6+6
Fuyant de l'envieux | les bassesses obscures, 6+6 a
Se transporte en esprit | dans les races futures, 6+6 a
Et, promenant ses pas | sous le bois égarés, 6+6 b
5 Des poètes divins | relit les vers sacrés. 6+6 b
Leurs triomphes n'ont point | abattu son courage. 6+6 a
Il mesure leur vol | qui plane d'âge en âge. 6+6 a
L'ardeur de suivre aussi | cet illustre chemin 6+6 b
Soulève ses cheveux, | aiguillonne sa main. 6+6 b
10 Il ferme le volume, | il erre, il se tourmente ; 6+6 a
Des vers tumultueux | de sa bouche éloquente 6+6 a
Roulent. Seul avec lui, | superbe et satisfait, 6+6 b
Il s'écoute chanter, | se récite, se plaît, 6+6 b
Et puis quand de la nuit | les heures pacifiques 6+6 a
15 Ont calmé de ses sens | ces vagues poétiques, 6+6 a
Il reprend son travail. | Consterné, furieux, 6+6 b
Il n'y voit que défauts | qui lui choquent les yeux. 6+6 b
Il jure d'oublier | sa fatale manie, 6+6 a
Les muses, ses projets. | Mais bientôt son génie, 6+6 a
20 Prompt à se rallumer, | en de nouveaux transports 6+6 b
S'élance, et se raidit | à de nouveaux efforts. 6+6 b
Salut, ô belle nuit, | étincelante et sombre, 6+6 a
Consacrée au repos. | O silence de l'ombre, 6+6 a
Qui n'entends que la voix | de mes vers, et les cris 6+6 b
25 De la rive aréneuse | où se brise Téthys. 6+6 b
Muse, muse nocturne, | apporte-moi ma lyre. 6+6 a
Comme un fier météore, | en ton brûlant délire, 6+6 a
Lance-toi dans l'espace ; | et pour franchir les airs, 6+6 b
Prends les ailes des vents, | les ailes des éclairs, 6+6 b
30 Les bonds de la comète | aux longs cheveux de flamme. 6+6 a
Mes vers impatients, | élancés de mon âme, 6+6 a
Veulent parler aux dieux, | et volent où reluit 6+6 b
L'enthousiasme errant, | fils de la belle nuit. 6+6 b
Accours, grande nature, | ô mère du génie ; 6+6 a
35 Accours, reine du monde, | éternelle Uranie. 6+6 a
Soit que tes pas divins | sur l'astre du lion 6+6 b
Ou sur les triples feux | du superbe Orion 6+6 b
Marchent, ou soit qu'au loin, | fugitive emportée, 6+6 a
Tu suives les détours | de la voie argentée, 6+6 a
40 Soleils amoncelés | dans le céleste azur, 6+6 b
Où le peuple a cru voir | les traces d'un lait pur, 6+6 b
Descends ; non, porte-moi | sur ta route brûlante, 6+6 a
Que je m'élève au ciel | comme une flamme ardente. 6+6 a
Déjà ce corps pesant | se détache de moi. 6+6 b
45 Adieu, tombeau de chair, | je ne suis plus à toi. 6+6 b
Terre, fuis sous mes pas. | L'éther où le ciel nage 6+6 a
M'aspire. Je parcours | l'océan sans rivage. 6+6 a
Plus de nuit. Je n'ai plus | d'un globe opaque et dur 6+6 b
Entre le jour et moi | l'impénétrable mur. 6+6 b
50 Plus de nuit, et mon œil | et se perd et se mêle 6+6 a
Dans les torrents profonds | de lumière éternelle. 6+6 a
Me voici sur les feux | que le langage humain 6+6 b
Nomme Cassiopée | et l'Ourse et le Dauphin. 6+6 b
Maintenant la couronne | autour de moi s'embrase. 6+6 a
55 Ici l'Aigle et le Cygne | et la Lyre et Pégase. 6+6 a
Et voici que plus loin | le Serpent tortueux 6+6 b
Noue autour de mes pas | ses anneaux lumineux. 6+6 b
Féconde immensité, | les esprits magnanimes 6+6 a
Aiment à se plonger | dans tes vivants abîmes. 6+6 a
60 Abîmes de clartés, | où, libre de ses fers, 6+6 b
L'homme siège au conseil | qui créa l'univers ; 6+6 b
Où l'âme, remontant | à sa grande origine, 6+6 a
Sent qu'elle est une part | de l'essence divine. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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